Titre : La Dame en Noir (The Woman In Black)
Réalisateur : James Watkins
Année : 2012
Avec : Daniel Radcliffe, Ciaràn Hinds
Genre : Fantastique, Epouvante, Gothique


Deuxième film de James Watkins en tant que réalisateur après le très remarqué Eden Lake et premier film post-Harry Potter pour Daniel Radcliffe, La Dame en Noir doit surtout marquer le grand retour des studios Hammer. Après un bon remake de Morse avec Let me In, un Wake Wood honnête mais anecdotique qui sentait très fort le Simetierre et un La Locataire que j'ai pas fait l'effort de voir étant donné sa réputation catastrophique, la mythique maison de production britannique nouvelle ère tient en effet là son premier "gros" projet. Avec un budget conséquent, une star en tête d'affiche et un retour au fantastique gothique et victorien associé aux plus grandes oeuvres du studio, La Dame en Noir a toutes les cartes en main pour mettre le public dans sa poche.

Radcliffe y incarne Arthur Kipps, un notaire père d'un enfant de 4ans, et veuf. Toujours en deuil, celui-ci est envoyé dans un petit bled paumé régler une affaire de succession. Très vite, on se sent en terrain connu. Vous savez, ce village un peu reculé avec ses habitants aux tronches bien marquées, peu accueillants et superstitieux, méfiant envers les étrangers, la modernité...Et surtout l'étrange maison dans les Marais, qu'ils disent hantés. On voyage en plein hommage au cinéma d'horreur classique, et ce n'est pas un hasard si l'aubergiste se nomme Fisher. Dans sa volonté d'évoquer ses modèles, James Watkins oublie peut-être d'innover. Mais peu importe, plutôt qu'un sentiment de réchauffé pénible, on a surtout l'impression d'être face à un "best-of" du film d'épouvante gothique : tout y est, de la chaise à bascule aux poupées glauques en passant par le brouillard et le visage fantômatique qui apparait à la fenêtre. Et pourtant, des petits détails nous empêchent de vraiment frissonner, que ce soit de peur ou de plaisir. Le pauvre Daniel Radcliffe a beau livrer une très bonne performance (on en oublie très vite le petit sorcier), il est quand même un peu jeune pour être tout à fait crédible en père et veuf. Mais ce n'est pas le plus dérangeant.



Certes, les ambiances gothiques, c'est beau. Magnifique même, les décors sont splendides, que ce soit les extérieurs ou la maison elle-même. Mais avouons-le, ce classicisme ne fait plus vraiment peur. Et c'est là le principal défaut de La Dame en Noir. Le film a beau être un émerveillement esthétique, il ne fonctionne pas comme film d'épouvante. James Watkins n'arrive pas à créer de tension particulière, et par conséquent, se laisse aller à la facilité en cherchant plus à faire sursauter le public qu'à le terrifier. Si l'apparition d'un visage spectral est tout à fait dans le ton, une coulée de boue d'un robinet accompagnée d'une montée subite de volume, ou l'apparition soudaine d'un corbeau dans une pièce agacent plus qu'autre chose. Le coup du chat dans le placard, on connait. Pire, l'ambiance en pâtit et manque cruellement de poésie. A force de naviguer entre deux eaux, La Dame en Noir n'arrive finalement pas à égaler en tension deux films sortis l'année dernière, que ce soit le Livide de Julien Maury et Alexandre Bustillo pour l'aspect gothique ou l'Insidious de James Wan pour sa maitrise du jumpscare aussi fun qu'originale. Ces petits défauts pourraient nous mener rapidement à un constat un chouïa amer mais pas si à coté de la plaque que ça : les studios ont visé une audience assez jeune, en mettant Radcliffe en tête d'affiche et en livrant un film pas trop traumatisant qui apportera la dose d'adrénalise requise à un large public. Une orientation mercantile regrettable, mais compréhensible, et qui, on l'espère, permettra à la Hammer de refaire d'autres films.



Cependant, La Dame en Noir souffre d'un autre handicap, moins formel. Cherchant clairement à égaler le cinéma fantastique espagnol, Watkins essaye de donner une profondeur émotionelle à son film, au-delà de la simple histoire de maison hantée. Il se trouve qu'on n'atteint jamais l'intensité dramatique de récents films de fantômes espagnols ou japonais (L'Orphelinat et Dark Water, par exemple). A trop montrer son fantôme, Watkins fait passer ses personnages en second plan derrière l'aspect fantastique, alors qu'un dosage mieux maitrisé aurait permis de plus s'attacher à ce notaire et son fils. Derrière les meilleurs films d'horreur, il y'a des histoires humaines. Dommage que dans La Dame en Noir, cette humanité passe après quelques sursauts et des apparitions bien trop fréquentes d'un fantôme qu'on voit peut être trop clairement au fil du film. Du coup, la fin tombe un peu à plat. Dommage, parce qu'à une époque où pour remuer son public les réalisateurs cherchent trop souvent à montrer les images les plus extrèmes possibles (cf la vague de torture-porn, ou le buzz généré par The Human Centipede par exemple), La Dame en Noir est plus malin. Le film est assez pauvre en sang, ce qui peut paraitre contradictoire pour un Hammer, mais montre tout de même plusieurs suicides d'enfants. Et cette fin ambigue reste ouverte aux débats. J'ai apprécié le fait qu'on ne sache pas trop quoi en penser, qu'on ne sache pas si on peut parler d'happy-end ou pas. Et au final, les films de Fisher dérangeaient autant par le sang qu'ils montraient que par leurs thématiques souvent à l'encontre de la morale.

Au final, La Dame en Noir est un joli retour sur les devants de la scène des studios Hammer. Un film d'horreur classique et avec de bons moyens. Mais hélas, il cède trop souvent à la facilité et rate son coup quand il s'agit d'être un grand film d'horreur. On aurait pu attendre mieux, mais il serait dommage de bouder un film tout de même plaisant et intéressant, qui aurait peut être gagné à être plus approfondi.

Note finale : 7,5/10