• PRESUME COUPABLE

    Synopsis : Le film raconte le calvaire d'Alain Marécaux - "l'huissier" de l'affaire d'Outreau - arrêté en 2001 ainsi que sa femme et 12 autres personnes pour d'horribles actes de pédophilies qu'ils n'ont jamais commis. C'est l'histoire de la descente en enfer d'un homme innocent face à un système judiciaire incroyablement injuste et inhumain, l'histoire de sa vie et de celle de ses proches broyée par une des plus importantes erreurs judiciaires de notre époque.

    De Vincent Garenq avec Philippe Torreton, Wladimir Yordanoff et Noémie Lvovsky

    Nouveauté

    Difficile de trouver les mots pour parler de ce film choc. Une claque. Une oeuvre importante et magistrale, plombante et indispensable qui évoque l'affaire d'Outreau à travers le témoignage d'un homme qui a exorcisé son épreuve par un récit autobiographique ayant servi de trame à cette adaptation poignante (Chronique de mon erreur judiciaire de Alain Marécaux).

    L'affaire avait bien ébranlé la France et révèle les rouages de l'implacable machine judiciaire. On en connaissait le contexte dans sa généralité sans en soupçonner les circonstances ni les conséquences désastreuses, l'impact sur la vie des innocents injustement condamnés un peu trop vite par un juge d'instruction orgueilleux, suffisant et zélé.

    D'un réalisme bouleversant, d'une crudité choquante, le film décrit sans artifice ni musique (choix audacieux mais intelligent) une erreur judiciaire gravissime qui a fait basculer dans l'horreur la vie de plusieurs familles.

    D'une inexorable dimension dramatique, d'une atmosphère pesante, il nous arrache les larmes à chaque plan, tant l'intensité de chaque scène vous prend aux tripes.

    Il est d'autant plus marquant et remarquable que, sans jamais tomber dans le pathos et le mélo, il retrace avec exactitude et justesse les moindres détails du parcours de l'huissier de justice même si fatalement certains ont été éludés pour densifier le film, mais l'on sent un travail minutieux dans la reconstitution des faits jusque dans la conclusion quelque peu hâtive (je pense que le réalisateur évite habilement d'entrer dans la complexité de l'affaire pour ne pas ennuyer le spectateur).

    La mise en scène est simplissime, d'une sobriété extrême, pour mieux nous plonger dans l'enfer de ce qu'a vécu Alain Marécaux pendant deux longues années, au coeur de cellules grises et minuscules, où promiscuité, tristesse et solitude règnent.

    A partir d'une dénonciation calomnieuse, cet homme va peu à peu sombrer dans l'improbable : interrogatoires, perquisitions, intimidations, humiliations, tentatives de suicide, grève de la faim, amaigrissement spectaculaire, visage creusé, gris, regard éteint ... rien ne nous est épargné à l'image et le visage de l'acteur nous hante longtemps après la fin du film (même encore aujourd'hui, cinq jours après l'avoir vu ... c'est la première fois qu'il me faut autant de temps pour "digérer" ce que j'ai vu et ressenti).

    Ah l'acteur, venons-en à parler de l'Acteur avec un grand A qui s'est tellement investi qu'il en a perdu presque trente kilos pour être totalement crédible (Alain Marécaux en a perdu en réalité plus de 50 ...). Philippe Torreton, davantage acteur de théâtre, revient ici au tout premier plan au cinéma dans un rôle césarisable (je ne vois pas comment il pourrait échapper à la statuette). Il est phénoménal, portant le film à bout de bras avec, paradoxalement, une force incroyable. Tout son corps n'est que souffrance, à l'intérieur, à l'extérieur. Il dégage une telle empathie qu'on souffre avec lui. Il délivre surtout une prestation absolument extraordinaire sans laquelle le film ne serait rien qu'une coquille vide et qui en perdrait tout son sens et sa substantifique moëlle.

    Il éclipse bien évidemment tous les seconds rôles alors qu'ils sont tous tout aussi excellents.

    Vincent Garenq signe une oeuvre qui procure un vrai malaise tant on est anéantis par cette révoltante affaire, par ce que l'on découvre (que l'on sait déjà depuis longtemps mais parfois il est bon de recevoir quelques piqures de rappel) de la justice française qui peut à elle seule broyer et anéantir des vies innocentes.

    Un film outrageusement fascinant dont on ressort différent, qui ne peut laisser indifférent, qui donne des frissons d'horreur dans le dos et des noeuds dans le ventre, un affreux sentiment de honte, et qui vous reste dans la tête très très longtemps. Une fiction qui n'en est malheureusement pas une.

    A VOIR pour ne serait-ce qu'un devoir de mémoire et d'hommage à toutes les victimes d'erreurs judiciaires.


     

    Alain Marécaux : "Je pense à Outreau tous les jours"

    Accusé de pédophilie lors de l'affaire d'Outreau, Alain Marécaux a repris son activité de huissier de justice. Dix ans après le début de ce scandale, il se confie à France-Soir.

    Il y a dix ans, l'affaire Outreau éclatait. Avant que cela ne devienne un scandale judiciaire, le juge d'instruction Fabrice Burgaud pensait avoir mis à jour un vaste réseau de pédophilie. Alain Marécaux, huissier de justice au moment des faits, avait été placé sur la liste des accusés. Il a été incarcéré pendant 23 mois avant d'être définitivement acquitté par la cour d'assises d'appel de Paris en 2005. De cette époque, il a écrit un livre : Chronique de mon erreur judiciaire.  

    France-Soir. Que faîtes-vous aujourd'hui ?
    Maître Alain Marécaux. Je suis redevenu huissier de justice, j'ai à nouveau prêté serment en 2007. Lorsque j'ai été accusé et incarcéré, j'ai du démissionner et vendre mon étude. Aujourd'hui je suis associé. Pour la petite histoire, je travaille à Calais et je suis souvent amené à être agent instrumentaire pour le tribunal de Boulogne-sur-mer et il arrive que je revienne dans la ville d'Outreau.

    F.-S. Repensez-vous souvent à l'affaire ?
    Me A. M. Je peux essayer d'oublier, me dire que j'ai certes un passé mais surtout un avenir, que ma vie n'est pas terminée... Mais les fantômes d'Outreau me hantent toujours et il ne se passe pas une journée sans que j'y pense. Cela a été un tel tsunami judiciaire, un tel massacre d'innocents que l'affaire demeure en moi. Les cicatrices resteront toujours.

    F.-S. Comment vous reconstruisez-vous ?
    Me A. M. Cela se fait petit à petit, par étape. La première d'entre elle a été le livre que j'ai écrit. Ensuite la commission d'enquête parlementaire m'a aidé. Je me reconstruis également grâce à ma nouvelle compagne, et grâce à ma renaissance professionnelle.

    F.-S. Depuis la fin de l'affaire, souffrez-vous du regard des autres ? Le soupçon pèse-t-il toujours ?
    Me A. M. Non. Les regards portés sur moi ont toujours été positifs. J'ai reçu et je continue de recevoir des marques de soutien et d'affection lorsque je suis dans la rue, dans le train ou en faisant mes courses. Il y a eu une immense prise de conscience de la part des Français sur les dysfonctionnements de la justice. L'affaire d'Outreau a jeté un pavé dans la mare.

    F.-S. Quel regard portez-vous sur le traitement médiatique de l'affaire?
    Me A. M. J'en ai beaucoup voulu aux médias dans un premier temps. En 2001, lorsque l'affaire a éclaté, j'ai trouvé qu'ils n'avaient pas fait correctement leur travail. Qu'ils avaient recopié ce que les autres disaient sans vérifier leurs informations. Mais par la suite, ils nous ont permis d'avancer et nous ont aidé à faire valoir notre innocence. Je crois que, dans cette affaire, les médias ont réellement été un contre pouvoir.

    F.-S. Et sur son traitement judiciaire ?
    Me A. M. Sur le plan judiciaire, Outreau n'est pas une erreur puisqu'aucun innocent n'a été condamné. La justice est donc passée. Ce qu'on peut lui reprocher c'est qu'elle soit passée avec autant de souffrances, avec un juge d'instruction qui faisait n'importe quoi. En 2001, nous avons été embastillés non pas par une lettre du roi mais par une lettre de Fabrice Burgaud. Lorsque  j'ai été arrêté, j'avais l'impression de revenir 60 ans en arrière, que la Gestapo venait chez moi. La présomption d'innocence n'a jamais existé.

    F.-S. La justice a-t-elle tiré les conséquences de ce désastre ?
    Me A. M. La Commission d'enquête parlementaire sur Outreau a fait des propositions qui vont dans le bon sens même si les réformes restent timides. Je pense que les mentalités ont évolué et que les rapports entre les avocats et les juges d'instruction ont changé. Burgaud se croyait tout puissant.

    F.-S. Qu'attendez-vous aujourd'hui ?
    Me A. M. Lorsque nous avons été acquittés, nous avons reçu une lettre d'excuses du Garde des Sceaux ainsi que du Premier Ministre et du président de la République. Aucun des magistrats qui a instruit l'affaire ne l'a fait. Certains ont même eu des promotions et Fabrice Burgaud a seulement été admonesté par sa hiérarchie. Ce n'est pas normal. Le corporatisme des magistrats a fait que tout un corps a soutenu la brebis galeuse. Dans les autres professions, la brebis galeuse ne reste pas. Fabrice Burgaud aurait dû démissionner car en plus de broyer des vies, il a sali la justice. Une justice en laquelle je crois même si elle m'a exclu à l'époque. Aujourd'hui j'attends quelque chose d'humain. J'attends que Fabrice Burgaud s'excuse, j'en ai besoin pour pardonner comme j'ai pardonné à Myriam Badaoui. Mais je ne sais pas s'il a l'éducation pour le faire.

    F.-S. Revoyez-vous les autres anciens accusés ?
    Me A. M. Je revois Karine Duchochois qui est devenue journaliste et prépare un documentaire, Roselyne Godard qui dirige une association dont je suis trésorier, Dominique Viel lorsqu'il revient sur Calais et Daniel Legrand, fils. Les autres, je n'ai pas de nouvelles. Quand nous nous voyons, nous parlons de ce qui s'est passé évidemment et nous cherchons à comprendre comment cela a pu se produire.

    (source : http://www.francesoir.fr/actualite/justice/alain-marecaux-je-pense-outreau-tous-jours-75475.html)


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