Plus j'évolue dans le monde merveilleux du conseil, plus j'ai l'impression de revivre mes années de classe prépa. Dans une ambiance de stress quasi-continuelle, vous êtes soumis à l'apprentissage des méthodes et du verbe, non pas des lettreux (vous pensiez que j'avais fait une prépa HEC ? Groooooossière erreur), mais du parfait petit cadre moderne.

Peu à peu, des expressions clés pulullent au coin de chacun de vos discours et vous permettent de leur donner une légitimité que leur signification seule n'était pas en mesure de leur conférer : là où "altérité", "herméneutique" et "structures" parsemaient vos copies de littérature et vos colles de philosophie, vous faîtes progressivement fleurir les "visibilité", "montée en compétence", "optimisation" et autres gourmandises du jargon commercial que tout bon consultant doit savoir manier jusqu'à l'écoeurement. 

De même que vous êtes parvenu en quelques semaines (mois ?) à ingérer la méthode de la dissertation problématisée en 3 parties / 3 sous-parties, bientôt la pensée Power Point n'a plus aucun secret pour vous. Vous vivez Power Point, vous transpirez Power Point. Vous ne savez plus raisonner autrement que par puces et sous-puces, suivant un alignement parfait et pathologique, en synthétisant votre réflexion jusqu'à obtenir des "idées-forces", qui n'ont parfois de force que le nom. Talentueux, vous êtes même capable de décrire à un collègue - évidemment débutant - le chemin pour accéder à n'importe quelle fonctionnalité du logiciel, sans avoir une page ouverte sous les yeux.

Sachant que j'ai fièrement échoué à Normale Sup', je présage que mes chances d'atteindre les cieux enchantés du grade de Partner sont un peu compromises. Enfer et damnation. Oh, que je suis déçue. Aïe, aïe, aïe (j'en fais trop peut-être ?).