• Pologne: Waouw, Dis

    WAOUW, DIS...


    C'était un jeune couple respirant la fraîcheur... de leurs acquis.

    Fraîchement mariés (depuis trois ans), fraîchement parents (depuis deux ans), fraîchement diplômés (depuis un an), fraîchement titulaires d'un permis de conduire (depuis 6 mois), fraîchement propriétaires (depuis 3 mois) d'une « Waouw- dis... » - Audi 80,

    audi citron2

     

    de  couleur citron jaune - fluo tapant - comme celle de ma peau traitée au pétrole et ressemblant tantôt à l'abdomen moiré d'une mouche « pétroleuse », à viande, tantôt prenant des reflets jaunes.

    A l'école primaire, Kasia était ma grande copine, et c'était avec elle que nous « narguions », inlassablement et jalousement, la plus belle, notre troisième, Ela - la « Diva » - devenue plus tard une soprano dramatique de l'Opéra Śląska. Elle...

    Les retrouvailles s'étaient passées dans une joie euphorique et explosive.

    De file (comme d'habitude en Pologne) en aiguille, et vu la place vacante dans leur vaste automobile, ils m'avaient invitée à partir avec eux en Bulgarie où ils avait retenu une chambre d'hôte chez des habitants d'une petite localité, Obzor (2000 âmes), située au bord de la Mer Noire, dans la province de Nessebar près de la frontière turque.

    mapa obzor2

    A 65 km. de Varna, 73 km. de Burgas et... 530 km. de Sofia. Bref, la porte à côté.

    N'ayant aucun problème pour obtenir un congé de cinq semaines - « illico presto » - car tenant compte de ma « maladie semi honteuse » (devenue dans ce cas une « semi précieuse »), ainsi que de mes heures supplémentaires sur-cumulées à grande vitesse - j'étais prête à m'aventurer dans ce « pays des yaourts » si merveilleusement ensoleillé.

    Przemyśl - Drohobitch - Kolomiya - Ivano-Frankivsk - Tchernovtsy - Galati - Constanza - Vama Veche - Varna - Byala - Obzor... Que des noms qui m'étaient inconnus...

    Le voyage s'avéra long et avant tout, périlleux vu les nombreux passages en douane des plus farfelus à franchir...

    Et puisqu'il fallait respecter rigoureusement et « à la lettre » le trajet de transit, et son timing, sévèrement imposé par les autorités russes, nous prîmes une grosse quantité de provisions pour pique-niquer en route à notre aise.

    « Kiełbasa myśliwska », - une délicieuse saucisse de chasseurs - fumée et séchée, « szarlotka » - une pâtisserie aux pommes, un grand pain et une grande roue de fromage « jaune » à pâte dure remplissaient agréablement notre garde manger dans l'habitacle de la voiture... 

    Dans l'après midi, nous passâmes « comme un timbre à la poste » la frontière polonaise

    przejscie graniczne2

    et tombâmes droit dans la « gueule du loup » - dans un véritable « guet-apens à coloration racketteuse » de la douane russe et, pis encore, l'ukrainienne...

    Ayant déjà eu l'opportunité de séjourner récemment à Kiev, je gardais en mémoire les conseils qui m'avaient été donnés par des touristes expérimentés ainsi que par la population locale : de ne jamais adresser "un mot de travers" ni à la police ni aux douaniers ukrainiens... et, un deuxième (que je jugeais injuste) : de ne jamais côtoyer des Caucasiens et des Roms (?).

    Alléchés par nos denrées « entaupées » un peu partout, aussi bien les chiens renifleurs que leurs maîtres, s'étaient rués « en essaim » sur nous.

    « Zaprechtchaïetsa !» - vociféraient-ils hystériquement à chaque trouvaille alimentaire - « Moussor ! » - poubelle, - et flooop : après « szarlotka » c'était notre « kiełbasa myśliwska » et tout le reste qui avaient disparu dans le trou béant et infiniment extensible de cette « poubelle » - spécialement aménagée à cet effet pour qu'aucune nourriture n'y soit souillée...

    Pour nous ce symbole n'était pas dramatique puisque, indirectement, nous les nourrissions déjà depuis des siècles, mais là, nous nous trouvions sans rien à manger...

    En avançant dans « une nuit subitement tombée en plein jour », seuls sur une route imposée - exiguë et au relief digne d'une râpe à betteraves rouges, et hélas peu visible,

    http://www.youtube.com/watch?v=zkDLqHkJhNE&feature=related

    route vers Moscou..2

    (un peu comme ça : comme celle vers Moscou...)

    nous disposions de 12 heures (top chrono !) pour nous présenter à Tchernovtsy, au  poste de la frontière roumaine.

    http://www.youtube.com/watch?v=ZRogMfcNidI&feature=related

    L'achat de carburant s'avérait plus que pressant.

    La prochaine pompe à essence était à « quelques » 60 km.

    Arrivés sur place, une affichette, maladroitement griffonnée toutefois en caractères cyrilliques, nous annonçait purement et simplement : « Suis pas là. Ouverture : demain. Si tout va bien. »

    pompe2
     

    Aucune date. Pas d'heure. Le préposé, visiblement « manquait d'air ».

    Avec les dernières gouttes de carburant, nous nous dirigeâmes, en crachotant et toussotant, à la suivante.

    Et là...

    Stop - terminé - fini de rire !

    Panne sèche... En plein milieu de nulle part !

    Que des plaines (inutiles) autour de nous et... le réservoir, lui, ne demandant qu'à être plein.

    Trois heures plus tard, un véhicule bizarre, roulant cependant sur ses quatre roues - du genre « tam-tam » car - diffusant des chants joyeux, s'immobilisa juste devant nous.

     

    moskwicz minibus2

     

    Sauvés ! - nous disions-nous, jusqu'au moment où une « kamora » (tribu) de Tsiganes - Roms, ivres, de retour d'un mariage, s'étaient retrouvés autour de « notre belle voiture » en la tâtant et « l'estimant » d'un œil concupiscent, et la scrutant indiscrètement.

    Après tout, avant, ils n'en avaient jamais vu de pareille.

    A part de nombreuses marmottes - « suseł »

     

     

    marmotte2

     

    - y présentes, il n'y avait pas un chat.

    Toutefois, mon « gourou » dans le domaine tsigane, l'ethnographe polonais, Adam Bartosz, disait dans son œuvre : « Nie bój się Cygana » - « N'aie pas peur d'un Tsigane »...

    http://www.youtube.com/watch?v=oyzfrhxsqzI

    Un vieux « baro » - « la tête » (Oui, chef !) de cette « kamora » - un mâle dominant à poil dru et au costume noir à rayures serrant et brillant de saleté s'était mis à « bavarder »  gentiment avec Jasiu, - le nôtre.

     

     

    Curieusement, la tribu faisait des efforts visibles pour se tenir droit et s'adresser à nous plus que respectueusement.

    Un jeune Rom, de son propre gré, avait même siphonné à la bouche (en crachant violemment quelques centilitres de surplus),

     

    siphonnage2

     

     

    une dizaine des litres d'essence du réservoir de leur propre « engin » à eux! - rouillé et pourtant roulant...

    Ils s'adressaient à Jasiu en l'appelant « Moï Kamandir » - Mon Commandant... (!?)

    De plus, ils nous ont généreusement gavés de leurs spécialités culinaires émanant de la table festive.

    http://www.youtube.com/watch?v=n-kPv30Csvg&feature=related

    Personne ne voulait rien en échange... Courtois et toujours polis, ils ont repris leurs places et en se remettant à chanter à tue-tête, et ils continuèrent leur chemin...

    Eternel et sans la moindre frontière...

    Le jour se leva très tôt - à trois heures de la nuit.

    Nous remarquâmes qu'à notre vue, les véhicules autour de nous ralentissaient, nous cédant le passage, que leur conducteurs nous souriaient, ou, mais plus rarement, nous adressaient un regard oblique.

    Remarque : Beaucoup plus tard, nous avons appris la raison de ce comportement. En fait, les numéros de plaques d'immatriculation des véhicules de service de la police dans les pays de l'Europe de l'Est (sauf en Pologne bien sûr) commençaient par le chiffre NEUF... et celle de la voiture de Jasiu et Kasia, par le plus grand des hasards, en comptait QUATRE, tous pareils, et l'un après l'autre... exactement... 

    Nous arrivâmes à la petite ville de Kołomyja sur la rivière Prout (comme ça se lit...), faisant, depuis 1939, partie de l'URSS et considérée comme « Kresy » - « l'outre ancienne frontière » -  nom donné aux régions jadis appartenant à la Pologne dans sa version ancienne : « vastement gonflée ».

    Dans le centre, et dans le but d'y faire quelque courses.

    Et puis le départ : mais par où ? Dans quelle direction ?

    Aucun panneau, aucune indication.

     

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    Un tour complet de la place principale... Rien - aucune signalisation.

    Puis encore trois tours... Toujours rien !

    Les autochtones, assoiffés de sensations fortes, commençaient à s'agglutiner autour de la place en poursuivant attentivement des yeux nos agissements et en « espiant » visiblement notre « Waouw-dis... citron-fluo-jaunasse ».

    Nous tournions et tournions... Nos têtes également.

    Enfin, j'ai su « attraper » un indigène à la « tête plutôt fixe » et lui ai posé la question.

    De face et en russe.

    « Vous roulez dans le sens inverse, camarades ! Je vous renseignerai le chemin, si vous vous mettez correctement devant moi et dans le bon sens ! » - voici la réponse d'un pur et dur Ukrainien, qui remplaçait talentueusement tous les consonnes « gué » par les « khé » - sonores car gutturales et bien insistantes.

    En fait, « Ależ kolomyja ! » - « mais quel tourniquet - carrousel ! » - c'était une expression polonaise (dont tout le monde ignorait l'origine jusqu'à ce jour) indiquant l'extrêêême mécontentement de quelqu'un envoyé et renvoyé et re-renvoyé sans cesse dans divers endroits (souvent administratifs...) - à en faire tourner la tête !

    « Kołomyjka » - c'est aussi une danse locale, en trois parties, où le rythme accélère progressivement pour se terminer en véritable tournoiement virevolté et endiablé.

    http://www.youtube.com/watch?v=qQPfOpIZFgU

    Comme nous sur cette petite place sans issue...

    En se faufilant entre les véhicules piteusement vétustes, ravagés et dans un piètre état (rafistolés « avec des bigoudis et de la pâte à modeler »), nous déclanchâmes le même respect routier ainsi qu'une priorité quasi absolue...

    De toute façon, le reste du trajet était infantile à parcourir parce que les nombreux miradors

     

    mirador 4

     

     contenant des grappes de militaires lourdement armés de « Bazooka » et de « Kalachnikov », stratégiquement placés à chaque croisement de chemins menant éventuellement « ailleurs », nous incitaient efficacement à « ne choisir que le bon ».

    Ne supportant plus l'idée de pouvoir encore manquer d'essence, nous en avions également fait quelques menues provisions de réserve... Dans le bidon offert pas les Roms

     

    kanister cyganski2

     

     

    absolument proscrites par les Russes.

    Une dizaine d'heures en retard, nous nous présentâmes à Tchernovtsy...

    Là où la douane, au graaand complet, en possession de toutes nos coordonnées et de jumelles sophistiquées, nous guettait avec la plus grande impatience, en trépignant sur place et en s'aiguisant les dents pointues pour accueillir ces « apazdavchiyesya Palyatchki » - « petits Polonais retardataires » en bagnole bien suspecte car, à cette longitude géographique, jamais vue de si près... et encore : si jaune.


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