• Irma La Douce (1963)



    "Billy Wilder reconstituait le duo magique et mythique de "La Garçonnière" pour une comédie tout aussi enlevée, mais à la tonalité plus légère." (Allocine)

    Je vous avais fait un article sur Certains l'aiment chaud de Billy Wilder, alors je me suis dit, autant continuer... Je vais donc vous parler d'un autre très bon film qu'il a réalisé : Irma la douce. Né en 1909, Billy Wilder fait ses études à Berlin avant d'aller se réfugier à Paris après la prise de pouvoir des nazis. Il se dirigera ensuite vers les Etats-Unis où il entamera une carrière de scénariste, avant de se se lancer enfin dans la réalisation. Le cinéma de Billy Wilder, ce sont des mots très justes, alliés à des effets comiques qui aident à la construction dramatique tout en faisant rire. Il réalisa tout d'abord des films plus sombres comme l'excellent Boulevard du Crépuscule (Sunset Boulevard - 1950). Il ne s'empêchera pas de critiquer des sujets qui lui tiennent à coeur à travers ses films. Hollywood, les mensonges de la presse (Le Gouffre Aux Chimères- 1951) ou bien encore l'humanité elle-même (Assurance sur la mort - 1944). Pourtant, Wilder semble reprendre confiance en l'humanité en réalisant des films plus légers comme Certains l'aiment chaud dont je vous avais parlé avant. Même si le ton et le jeu changent un peu, la critique et l'analyse des faiblesses humaines restent omniprésentes. Encore et toujours, il dénonce le mécanisme de la société, tout en accordant une place importante aux relations humaines et sociales. Ainsi, ses films sont à la fois forts et légers, marquants et divertissants. Quelque soit le film de Billy Wilder, le cynisme aura toujours sa place. Il a souvent été considéré à l'époque comme un réalisateur vulgaire, qui n'hésitait pas à provoquer le dégoût du public. Pourquoi ? Simplement parce qu'il réduit presque tous les mobiles humains à l'argent et la sexualité. Et c'est en quelque sorte, l'histoire pricipale de Irma la douce.

    Irma, jeune prostituée interprétée par Shirley MacLaine, est à la recherche d'un nouveau "Monsieur". Dans le film, les prostituées ont toutes un homme, un petit ami qui leur sert indirectement d'agent. Un peu comme un Mac, sauf que les rôles sont un peu inversés. Dans le film, les femmes se prostituent et payent des cadeaux à leur "Monsieur", mais elles peuvent le virer si elles veulent. Il n'y a donc pas du tout les relations qu'on a l'habitude de voir dans les films qui parlent de prostitution. Tout se passe dans un Paris pittoresque et un peu délavé. Irma rencontre alors Nestor, ancien flic qui tombe fou amoureux d'elle et devient son Monsieur. Mais il l'aime tellement qu'il ne veut pas qu'elle couche avec d'autres hommes. Etant donné que c'est elle qui décide, il élabore donc un plan pour qu'elle ne le trompe pas directement. Il se déguise en riche anglais et devient son amant. Ainsi, elle le trompe, techniquement, avec lui, mais sans le savoir. Evidemment, quand on se fait passer pour un homme riche sans l'être, il faut bien trouver l'argent quelque part. C'est alors que les problèmes vont vraiment commencer. Il va devoir trouver un moyen de gagner de l'argent, afin de le donner à Irma déguisé en vieux monsieur riche, pour qu'elle donne ensuite l'argent à... son mec, donc, à lui. BREF, c'est du gros délire... Et parce que les histoires à tiroir sont toujours plus drôles...



    "Une photographie à dominante verte, des musiques emballantes, et des références à gogo pour une fable optimiste, sous des dehors loufoques, constamment charmante et inventive." (Allocine)

    Le film se passe à Paris mais est joué entièrement en anglais. Evidemment, c'est une vision romantico-pittoresque et très Hollywoodienne de Paris, mais ça n'a pas une grande importance, vu que l'essentiel du film se passe à l'intérieur : soit dans un bar, soit dans la chambre d'Irma. Les images, les décors, l'immensité des plans, tous ces éléments font fortement penser à My Fair Lady, et représentent là encore la grandeur d'Hollywood dans les années 50-60. Mais le thème est ici beaucoup plus osé. La prostitution est montrée ouvertement, mais c'est un film du vieux Hollywood, et on ne voit donc évidemment pas les scènes de sexe. Et évidemment, Irma la douce n'échappe pas au débat sur la prostitution. Faut-il l'interdire ou l'autoriser ? Est-ce malsain ou est-ce que cela vient en aide aux hommes solitaires ? Mais n'ayez crainte, tout est léger, rapide, et présenté de manière humoristique. Le personnage du flic est tout d'abord naïf, et tellement impliqué dans son travail qu'il devient pathétique, et donc drôle. Il essaye lamentablement d'arrêter les prostituées et leurs clients mais réalise rapidement qu'il est le seul à s'impliquer et à en avoir quelque chose à faire.

    Irma la douce est un film complet et original, à des années lumière des films que l'on fait de nos jours. La musique est superbe, les décors et les costumes aussi. Peut-être parce que ce fut avant tout une comédie musicale (française, pour une fois). Adaptée en anglais, elle a connu un succès phénoménal, notamment à Londres et Broadway, avec plus de 1500 représentations ! En 1963, Billy Wilder s'empare de l'oeuvre pour en faire un simple film, sans les chansons. Irma la douce, c'est la recette magique du bon film classique. Un acteur phénoménal, figure emblématique de Hollywood : Jack Lemmon. Une actrice plus légère, un peu fofolle : Shirley MacLaine (la soeur de Warren Beatty). Les rôles secondaires sont tout aussi excellents, comme le concierge de l'hôtel, un peu trop curieux, ou le barman qui a fait tous les métiers du monde. Jack Lemmon, déjà présent dans Certains l'aiment chaud, reprend le pari de se déguiser et y arrive encore une fois avec brio. Il devient réellement quelqu'un d'autre, et nous offre là une vraie performance d'acteur. Car nous savons qui se cache sous le déguisement, mais nous sommes tout de même complètement dans le personnage qu'il invente sous nos yeux. 



    Billy Wilder pour moi, c'est la perfection du vieil Hollywood. L'époque des studios, des grands décors, des grands acteurs. Il reprend le style de personnage qui le caractérise en tant que réalisateur : un personnage masculin très sûr de lui, macho en apparence mais doux en réalité, très fier, qui se heurte à une femme qui prend les décisions sans trop lui demander son avis. Dans l'histoire, mais aussi dans la mise en scène, le film fonctionne un peu comme une pièce de Broadway. Paris a été reconstitué par un décorateur habitué aux films de Wilder (Alexandre Trauner). Les décors sont construits pour être "face public" (face caméra), et les acteurs n'ont pas un jeu très réaliste (mais ça marche superbement bien, quelque soit l'époque). Ils font des petites mimiques théâtrales, et prennent indirectement (puis directement), le public à partie. Ici, pas de twist ending, le spectateur a toutes les cartes en main, et ne sait pourtant pas ce qui va bien pouvoir se passer par la suite. Le film est bourré de rebondissements très fins, qui rappellent certaines comédies de Chaplin : ça va toujours plus loin, et c'est toujours plus drôle. Cynisme, humour noir et superbe mise en scène... Entre mensonges et quiproquos, ce film est un véritable régal.


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