• Luca de Santis

    Encore aujourd'hui, en Italie, il n'y a que des vrais hommes.
    Par Luca De Santis et Sara Colaone.

    Fiche technique :

    • Reliure : Cartonné
      Page : 168 p
      Format : 25 x 18 cm

    INTERVIEW : Luca de Santis raconte en bande-dessinée un épisode oublié de l'histoire de la Péninsule: le confinement forcé des homos sous la dictature de Mussolini. Pourquoi ce sujet? Pourquoi cet oubli? Il répond à nos questions.

    «En Italie, il n’y a que de vrais hommes» disait Mussolini, qui n’a jamais jugé nécessaire d’édicter une loi contre les homosexuels. Arrêtés arbitrairement, ils étaient donc condamnés au confinement sur une petite île de l’Adriatique, San Domino.

    C'est cette histoire que raconte la bande dessinée écrite par Luca de Santis, illustrée par Sara Colaone. Deux journalistes transalpins, Rocco et Nico, se lancent dans un reportage sur ce sujet méconnu. Ils retrouvent un dénommé Antonio Angelicola, allias Ninella, aujourd'hui âgé de 75 ans. Son seul crime? «S'être adonné à la pédérastie passive» Commence alors le récit de cette rencontre, ponctué de flash-backs nous ramenant aux faits historiques de cette époque trouble.

    Un récit documenté, mené avec finesse et subtilité par Luca de Santis, sur un ton dur, parfois drôle, le tout porté par un dessin de Sara Colaone au ton suranné pour un rendu très doux. A ne pas manquer !

    TÊTU: Comment et pourquoi avez-vous eu l'idée de parler d'un sujet aussi méconnu ?
    Luca de Santis: Début 2001, j'ai trouvé une vieille interview, dans le magazine historique du mouvement homosexuel italien Babilonia. Un ancien gay exilé dans les îles Tremiti s'exprimait sur cette époque. Il était un peu bourru et racontait cette histoire dont je n'avais jamais entendu parler auparavant. Entre les lignes de son discours il y avait de la douceur mais aussi la douleur de quelqu'un qui n'a jamais reçu de réparation pour ce qu'il avait enduré. J'avais bien sûr vu des documentaires et des films sur la déportation des homos dans les camps de concentration allemand mais peu de gens se sont demandés ce qu'il en était en Italie au même moment. C'est vraiment une partie de l'histoire méconnue. A ma connaissance il n'y a qu'un seul film italien qui parle de l'internement des homos: Une journée particulière de Ettore Scola, un très beau film d'ailleurs !

    Quelles ont été vos sources historiques ?
    Il n'y avait pas de livres sur lesquels s'appuyer, seulement une étude réalisée dans les années 80. Personne n'a jamais raconté cette histoire, les concernés ne voulaient pas remuer le couteau dans la plaie. J'ai donc dû travailler avec les archives d'Etat. J'ai rassemblé les documents, lettres et rares interviews que j'ai trouvés. Je suis scénariste, pas historien, mais si vous me demandez si ce que j'ai écrit est fiable je crois que rien n'est inventé. Chaque personnage, chaque événement est authentique. Quelques phrases ont même été prononcées mot pour mot!

    Ninella va trouver dans cet exil une sorte de refuge, il dit même que certains pleuraient au moment de quitter l'île. Comment expliquer ce sentiment ? Les gays italiens étaient-ils finalement mieux lotis que d'autres en Europe ?
    Certainement que leur sort fut plus heureux que celui des allemands, français, polonais ou autrichiens, mais la négation de l'existence d'un être humain peut être tout aussi féroce que l'extermination. D'ailleurs, je crois que ce n'est pas par hasard si ces pays ont maintenant des lois pour défendre les homosexuels, et même des les lois pour leur union, alors que l'Italie en est encore loin.

    Justement, au-delà du témoignage historique, vous posez la question de la place de l'homosexualité dans nos sociétés. L'Italie est plutôt à la traîne pour les droits LGBT. Comment votre bande-dessinée a-t-elle été reçue ?
    Effectivement, en Italie il n'y a encore que des vrais hommes! La question homosexuelle n'existe toujours pas, nous n'avons pas du tout évolué sur ce sujet. Et je ne parle pas des lois pour le mariage ou l'adoption. L'année dernière une loi pour lutter contre l'homophobie a été proposée au Parlement, elle a été rejetée, même par la gauche! Malgré cela, notre livre a été très bien accueilli, il a remporté le prix de la meilleure bande dessinée de 2009 au Comicon de Naples. Même si les homos italiens n'ont pas de droits, ils sont toujours curieux et intéressés. Et la culture est comme toujours un bon moyen de faire avancer les choses.

    Qu'est devenue l'île de San Domino aujourd'hui? Est-ce un lieu de mémoire pour les gays ?
    Non, les îles Tremiti ne sont pas une destination pour les gays, puisque personne n'est au courant de cette partie de l'histoire, pas même les homosexuels italiens. Et ceux qui ont été exilés la bas n'y sont presque jamais retournés, ils voulaient oublier !

    Sources : Têtu


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