•  

    Les chansons sont Montagnes Russes.
    Ses messages sont des pianos sans touches.

    Mais ils percent l'âme molle.
    Le ciel est brouillé.
    Il pleut de la cyprine coagulée.


    Baudelaire avait le port en temps qu'Opium.
    J'ai son odeur dans la boue.
    Sa buée sous mes ongles.

    Et sa cire est ma lyre.


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  •  

    C'est au moment précis où Christophe Lelac déverouilla la porte d'entrée qu'il entendit distinctement sa femme atteindre l'orgasme. Un bel orgasme, d'ailleurs. Le genre qui lui arrivait plutôt rarement, sinon jamais. Il résonna dans l'air frais du matin avec une qualité presque wagnérienne, pénétrant le coeur de Christophe avec une brutalité inouïe. Avec l'envolée lyrique vint immédiatement une suffoquante bouffée de haine. Il avait l'impression qu'un colosse des temps anciens s'était vicieusement glissé derrière-lui pour lui comprimer les poumons. L'aurait-on étranglé qu'il n'aurait pas mieux respiré. Il pensa aux tempêtes immortaliées par Gustave Doré. A quelques vers de Lord Byron, à l'éruption du Vésuve. Il se demanda quel effet cela faisait d'être brûlé vif. Etait-ce pire que la noyade ? Moindre ? Comparable à l'écartèlement ? Il n'en savait rien, mais ce dont il était sûr, c'était qu'il aurait préféré souffrir l'une ou l'autre fin plutôt que d'entendre sa femme se donner à un autre homme. Parce qu'elle venait de signer leur arrêt de mort, à tous. Cela, il ne le pensait pas, mais il le sentait bien, inconsciemment. Cela ne pouvait qu'être la fin, en vérité. Bien sûr, il s'en était toujours douté, car il était un homme lucide qui n'avait jamais eu peur de regarder la réalité en face. Il avait toujours su, au fond, que sa femme, sa chère et tendre chair, le tromperait un jour ou l'autre. Ecarterait les cuisses au premier venu un peu plus méchant que lui. Il se souvenait même le lui avoir confié, la nuit de leurs noces. Il avait caressé son front brûlant où dérivaient quelques boucles d'or. Il s'était rapproché tout contre elle, l'avait piqué de son dard, et lui avait soufflé, d'une voix calme et implacable, qu'un jour un autre homme la prendrait, et qu'alors il les tuerait tous les deux. Elle avait ri gentiment, l'avait traité d'idiot et juré qu'elle ne le tromperait jamais. Puis il lui avait fait l'amour. Et l'y voilà finalement, à ce jour funeste. La main aveugle du destin avait décidé que son patron le renvoierait chez lui, ce jour-là. Elle avait décidé qu'il arriverait juste à temps pour l'envolée finale. Quelle délicate attention de la part du destin. Et quel timing. De quoi faire pâlir de jalousie le plus ponctuel des hommes.

    Christophe resta un moment, sur le perron, sa paire de clefs à la main comme un étendard déchiré. Ses yeux s'étaient éteints, progressivement, sans hâte ni annicroches. Comme les heures qui s'écoulent, comme les vers qui rongent les morts, dans leur demeure de pierre. Et il sentait déjà les vers naître en lui et faire ripaille. La dernière flamme avait vacillé quelque-peu sous ce vent de malheur. Mais bien peu. Le cocu poussa un maigre soupir qui tint plutôt du râle, et tomba sur ses genoux. Il s'inclina lentement en avant, touchant le carrelage immaculé de la tête. Ses lèvres embrassèrent la froideur du sol. C'était son dernier baiser, il le savait.

    Christophe se sentit soulever par des vagues glacées. Les éclairs déchiraient la noirceur des cieux, et il lui sembla apercevoir au loin l'ombre d'un rafiot qui s'évanouissait dans la nuit. Il avalait la tasse et ne se maintenait à la surface qu'au prix de souffrances inhumaines. Il se rendit compte qu'il tournoyait lorsque des flots tumultueux de vomis jaillirent de sa bouche pour fusionner avec l'eau. Christophe tournoyait dans un maelström d'eau, de bile et d'urine. Sa bouche s'ouvrit-grand lorsque l'océan l'engloutit.

    A son réveil, sa femme jouissait toujours. Le type devait être en forme, vu le rythme effrené des cris. Il dut s'y reprendre à trois reprises pour se lever. Il ne sentait plus ses jambes, il ne ressentait plus qu'une haine et une tristesse infinies. Il ne serait jamais cru capable de tels sentiments. Depuis l'accident qui avait emporté ses parents vingt ans auparavant, il n'avait jamais ressenti avec une telle intensité. D'un naturel flegmatique, il avait toujours considéré la vie avec réserve, presque avec indifférence, quoi qu'il arrivât. Et le voilà submergé, enterré vif par une peine d'un noir de cauchemar. La griffe d'un diable l'entraînait droit vers les profondeurs de la terre, et il se fracassait les os dans cette descente infernale. Tous les os. Non, l'écartèlement ne lui aurait pas fait plus mal. Et cette jalousie, cette salope reine de son coeur lui labourait les flancs, enfonçait loin ses ongles dans ses tripes.

    Christophe trembla en approchant de la porte. Les cris se faisaient plus forts, le plaisir plus sonore et la peine plus acide. Il s'agenouilla devant la porte, devant cette déesse de bois et de feraille. La déesse de son coeur. Il voulut poser la main sur Elle mais quelque-chose lui transperça le coeur (les ongles, les ongles de la jalousie !). Il tomba à la renverse et gémit, imitant invonlontairement son épouse adorée, repartie pour un autre orgasme. Y aller. Il fallait y aller.

    La porte s'ouvrit avec un fracas de tous les diables. La porte s'ouvrit sur l'Enfer.

    L'amour, quand on le fait, c'est beau, érotique. Mais quand on voit les autres faire, c'est pornographique plus qu'autre chose. Quand on voit celle qu'on aime prise par un faune hystérique et hirsute, alors on pénètre une autre dimension. C'est sur Sodome et Gomorre que s'ouvrit la porte. Christophe sentit des mains noueuses lui tordre l'estomac (salope). Il défaillit et (salope) s'étala encore le long du sol (tuer). Il poussa un hurlement que Munch n'aurait pas renié et avança à quatre pattes, (à quatre pattes) , vers le lit adultère (je vais te tuer).

    Ils baisaient toujours joyeusement. Avec une sauvagerie qu'il n'avait jamais connu. Elle était belle. Belle et bandante. C'était un faune. Un vrai faune, hirsute et obsédé, les yeux comme des trous.

    Christophe suait sang et eaux. Lui-même accusait une sérieuse érection. Horreur absolue. Il distingua les gouttes de sueur refléter son visage livide (tuer) sur les cuisses de sa femme. Il s'approcha de la couche lubrique avec cérémonie. Le couple ne l'avait pas remarqué, aussi étrange que cela puisse paraître. L'odeur de sexe et de fluides mêlés monta jusqu'à lui. Il n'était plus jaloux, il était jalousie, possédé par le sentiment comme une sorcière que l'on pousse au bûcher. Ce fut la jalousie qui s'empara de son bras ; son bras seul qui se dirigea vers la paire de ciseaux, pas lui. Sa haine arma l'arme improvisée, son corps approcha des corps imbriqués. Soupirs et gémissements, pornographie, partout (tuer tuer tuer).

    Christophe Lelac frappa. Droit dans la nuque chevelue et poisseuse du faune. Il frappa de toutes ses forces, avec une rage d'un autre âge, une rage primitive, pure.

    Rien ne se passa.

    Les lames de fortune ne rencontrèrent que le vide. Le vide de l'existence, peut-être. Le vide.

    Le faune baisait sa femme. Il frappe encore. (vide). Et encore (vide vide).

    Christophe pleura. Les larmes coulèrent mais s'évanouirent avant d'atteindre le sol. Il hurla. Mais les cris ne s'échappèrent pas de sa bouche.

    Et le couple baisait.

    Pour l'éternité.


     


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    Lorsque le réveil sonna ce matin là à 5H, Hervé voulut l'éteindre, en vain. Et pour cause : ses deux bras avaient disparu pendant la nuit.

    Hervé leva les yeux au plafond : voilà bien le rêve le plus bête qu'il ait pu faire de sa vie. Tout au moins, il n'en ressentait aucune douleur. Et puis ça passerait bientôt. Ce genre de rêve, ça ne dure jamais bien longtemps. Du reste, sa journée serait chargée. Quatre heures à passer assis à faire semblant d'écouter un épouvantail en tenue de scène. Putain de fac' de droit.

    Bon.

    Ensuite, il s'attèlerait à Elsa. Hier, elle avait presque craquée, la petite salope. Il avait même réussi à lui arracher un baiser, et par la même occasion une larme. Qu'il avait savouré cette larme. Elle avait eu le goût du péché. Comme quoi, amoureuses ou pas, on arrive toujours à ses fins avec un peu d'efforts. Et c'était pas l'autre enculé qui allait lui casser la gueule ou quoi que ce soit, ö 2000 kilomètres de là.

    Satisfait, Hervé voulut éteindre ö nouveau le rŽveil. De nature superficielle, il avait déjà oublié.

     

    Cette fois-ci, un tic nerveux lui déforma les lèvres. Ce genre de rve ne dure jamais longtemps, non ? Il jeta un oeil inquiet et ne trouva ö la place de ses bras que des moignons bien malheureux. Il ne put cette fois-ci réprimer un frisson de peur.

    Et ce putain de réveil-matin qui n'arrtait pas de sonner. Drrrrrring-drrrrring. Bordel de merde. Florian sentait la colère et l'indignation bouillir entre ses joues. Il voulut se relever mais pas moyen sans appui : il avait cessé de faire des abdos depuis un bon moment.

     

    Florian sentit qu'il était tout ö fait ridicule : petit morceau informe de chair blanchätre et sans bras qui gigotait pour se relever dans une mer de draps. Et comme pour confirmer ses pensées, le plafond, blanc comme un linge, glapit :

    - Tu es parfaitement ridicule et méprisable, Hervé.

     

    Rictus sur Effroi. Hervé ahane et tressaille et se convulse. La dernière fois qu'il avait entendu le plafond lui parler, c'était sous LSD. Ca n'allait pas du tout. Assez. Stop. Halte-là. Ca suffit.

    -Qu'est-ce qui suffit, connard, éructa le plafond, avec une méchanceté à peine croyable pour quelque-chose d'inanimé.

     

    Hervé ouvrit grand les yeux. La surface du plafond était lisse et immaculée. Comme son coeur. Il ferma les yeux et se mordit les lèvres jusqu'au sang.

     

    -Stop. Je me réveille. Fini.

     

    Ce coup là marchait toujours. Il suffisait de dire "non" bien fort et avec tout son coeur pour que le cauchemar se termine.

     

    NON NON NON.

     

    Silence.

     

    Sa nuque se reposa sur l'oreiller.

    Sa nuque.

    Il avait pu la caresser, un bref instant. Douce, douce. C'était comme passer la main sur la surface des flots. Elsa. Elle lui avait plu dès le premier regard. Elle, et le chaos dans ses yeux. Elle, et son coeur déjà pris. Elle, et son amour fracassant. Il en avait bavé. C'était pas de l'amour, quoiqu'il ne lui aurait jamais avoué. Il lui faisait la cour en feignant la naïveté et la sincerité, alors qu'il était avant-tout un joueur. Et ca avait marché. Bien sûr, elle l'avait souvent rejeté, mais, à la fin, il avait su s'engouffrer dans une brèche. Pile après une dispute, il n'y a rien de plus efficace. Il avait joué à l'amir sincère.

    "Quel salaud.."

    Usé de toutes ses ruses,

    Et senti le goût de ses livres. Salive contre salive, âme contre âme. Et la sienne était tellement plus profonde... Il en était grisé. Il la désirait tant. Elle pas autant que ce qu'elle représentait. Et savoir qu'il jetait au sol en même temps un autre homme, eh-bien, cela lui ferait son année. Il se sentait plus fort.

    Carnassier.

    Il se releva d'un bond.

    Il cru se relever d'un bon.

    Le fracas du réveil dans son oreille.

    Moignons Moignons moignons moignons partout, toujours.

    Cette fois-ci Hervé hurla.

    "NON ! NON "

    Mais une voix de fausset le reprit...

    "Non.. Non..." avant de partir dans un grand éclat de rire. La chambre elle-même.

    Florian hurla de plus belle et se débattit comme un diable dans son lit. Mais que voulez-vous, sans bras l'homme ne vaut pas grand-chose. Petite chose ridicule, Florian se mit ö gŽmir et ö appeler sa mre. Mais l'homme dans le placard se montra implacable.

     

    "Si tu fais venir ta mre, je la baise devant toi."

    Il faillit s'étrangler. Il n'avait plus sentit la présence de l'Homme du plcard depuis longtemps. Et il ne l'avait jamais encore entendu.

     

    Le réveil-matin sonnait, sonnait, sonnait, déchirait, égorgeait, fracassait ! Dring ! Dring ! Réveille-toi ! bienvenue dans le monde réel semblait-il dire.

    Il pleurait, pleurait ö grosses larmes bien bržlantes, et qui sentaient bon le dégoût et la honte. Il gémit dans son lit, incapable d'essuyer le torrent de larmes et de mucus.

     

    "Eteins le réveil et tout se termine, connard. Tu n'as qu'à tendre les bras pour te réveiller, tu m'entends ? Tu n'as qu'ö tendre les bras.", fit la voix moqueuse du placard. Hervé s'efforça de plus belle de faire comme si, mais comment ordonner quelque-chose à un membre disparu ? Il pleura d'impuissance, et son oreiller était maintenant détrempé.

    "Haut-le coeur révélateur,

    Nuage boursouflé d'égouttures

    L'angoisse détrempe la torpeur

     

     

    Et pourlèche les salissures."

     

    Le message. Le message qu'il avait lu sur le portable d'Elsa. Le message de son machin qui lui servait de copain. Un poême de merde. Pourquoi lui revenait-il en mémoire maintenant ?

     

    - Chéri ? Tout va bien ?

     

    Sa mère. Bordel. Il fallait lui hurler dessus, la supplier de ne pas entrer. Mais c'était le meilleur moyen pour qu'elle entrât, évidemment. Il ne fallait pas qu'elle entre. L'homme du placard. Une boule dans l'estomac.

     

    -Tout va bien... J'arrive, 'man...

     

    Mais elle le connaissait trop. Elle se doutait que quelque-chose n'allait pas. Il avait été trop souriant en rentrant hier soir. Elle insista.

     

    -Je suis nu, n'entre pas ! Je me prépare...

     

    Pas de réponse. Mais il entendit les bruits de pas s'éloigner. Soulagé pour un instant, il n'en continua pas moins à larmoyer. C'était plus fort que lui. Que lui arrivait-il..? Le plafond, ses bras, l'homme du placard. Comment tout cela pouvait-il paraître aussi réel ? et il revit le visage d'Elsa, ses yeux embrumés, lointains, perdus. Ces yeux qu'il avait tiré vers lui comme un phare d'apparät. Tout cela avait-il quelque-chose ö voir avec elle ? Avec leur baiser ? Avec son ami ?

     

    Il devait bien y avoir une explication.

     

    "Pauvre, pauvre de toi."

     

    Les portes du placard s'entr'ouvrirent, et il hurla une nouvelle fois de terreur. Cette fois-ci sa mre se précipita dans la chambre. Hervé se mordit la langue et ferma si fort les yeux qu'il les sentit se renfoncer dans leur orbite. La porte du placard avait volé en éclats, mais il ne pouvait rien voir. Ne pouvait rien faire. Et n'entendait plus rien, plus rien que le hurlement strident, éperdu du réveil-matin. Et il pleurait, pleurait tellement. Ca n'avait absolument aucun sens.

     

    "Ouvre les yeux."

     

    Le plafond.

     

    Hervé ouvrit les yeux comme si un Dieu le lui avait ordonnŽ. Sa vision Žtait trouble, embuŽe de sang. Le plafond se fissurait devant lui, s'ouvrait grand, grand comme un trou noir, grand comme une caverne, grand comme un oeil unique et bŽant, sanglant, acccusateur. Cette petite parcelle dans ses yeux qui lui en voulait alors que le reste ne dŽsirait que son Žtreinte. Son coeur dŽchirŽ.

    Il voulut articuler des excuses, sans trop savoir pourquoi, semblant y trouver un lien. Mais La fissure s'agrandissait au plafond. Il serait bientªt enseveli vivant. A moins qu'il ne se noye dans ses propres larmes. Et le rŽveil...

    " Ce qui est brisé est brisé à jamais."

    Nous sommes tous des moignons. Et le plafond pourlche nos salissures.


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  • Petit, j'adorais les livres d'explorateurs décrivant les continents et les océans lointains, les étranges merveilles de la nature, l'étonnante faune des abûmes sous-marins. Je lisais tard dans la nuit, en cachette, n'allumant dans ma chambre qu'une veilleuse afin de ne pas affoler mes parents.
    Lorsque, enfin, je m'assoupissais, je rêvais de poissons de grandes profondeurs, des monstres aux formes grotesques, aux grandes geules hérissées de dents, des bêtes aux yeux gigantesques, munis d'énormes lentilles cylindriques, cent fois plus sensibles que les yeux humains.
    De leurs gueules sortaient des tentacules lumineux, longs de plusieurs mètres, répandant une lumière destinée à éblouir l'enemi ou à attirer le mâle. J'étais particulièrement fasciné par le Ceratias Holboelli : Le mâle, appâté par la femelle, se plante dans sa peau, non loin de la queue et s'y greffe pour toujours.
    Leurs réseaux sanguins se confondent et désormais le mâle devient parasite. Tous ses organes, sauf le sexe, s'atrophient. Plus il est petit, plus il est facile à la femelle de le nourrir. Chez une Ceratias longue d'un mètre, on peut parfois trouver deux ou même trois mâles, de quinze centimètres chacun.

    Autant que des profondeurs sous-marines, j'étais curieux de continents et d'îles exotiques, de la steppe africaine ou de la jungle de Bornéo. Je dévorais les Mémoires des explorateurs tandis que sous mes yeux apparaissaient les villages des tribus primitives, les rites mystérieux, les coutumes étranges et les maladies inconnues. Certaines avaient du mal à se matérialiser dans mon esprit. Peut-on facilement s'imaginer par exemple l'éléphantiasis ?
    Les organes touchés par ce mal incurable grossissent jusqu'à prendre des dimensiosn énormes, éléphantesques.
    Je lisais avec compassion le reportage sur un indigène dont les parties sexuelles avaioent été touchées : Dès lors, il était obligé de les transporter devant lui sur une espèce de brouette.

    Quand j'ai grandi, mon interêt pour les pays exotiques s'est transformé en un passion pour les légendes, les mythes, les traditions et les légendes.. Entre autres, j'étais frappé par le culte de la fécondité et le culte phallique. J'apercevais leurs liens avec le présent et je suivais sans peine leurs avatars dans notre civilisation technocratique : Flacons de parfum priapiques, photos publicitaires de bouteilles allongées, contenant de l'huile à moteur, avec un commentaire suggérant le phallus bien lubrifié par les sécrétions vaginales, carrosseries allongées de voitures et publicités assurant qu'avec tel engin on peut avoir toutes les femmes.
    Certains capots, avec leurs prises d'air, ressemblent étrangement à des gueules de requin, dont on sait qu'il fonctionne dans l'inconscient humain comme l'un des plus forts symboles phalliques. C'est d'ailleurs à cette association que les psychanalistes attribuent l'énorme succès du film les dents de la mer.
    Je pensais à tout cela des journées entières, même dans les moments les plus intimes. Une fois, en plein élan amoureux, je n'avais pas pu m'empêcher de penser à l'association, somnolente dans l'imagination populaire, d'un requin à un phallus, lorsque ma partenaire a poussé un cri aigu. J'ai reculé rapidement. J'ai senti mon prénis dégagé s'agiter à droite et à gauche, comme une carpe mal achevée. J'ai regardé en bas. Mes pensées se sont arrêtées, comme gelées. Mon coeur s'est affolé. A la place du sexe, se balançait, sa queue greffée dans mon bas-ventre, un petit requin bleu. Il ne mesurait qu'un quinzaine de centimètre de longueur, mais il ressemblait tout à fait à un grand requin mangeur d'hommes : La typique nageoire dorsale triangulaire, les nageoires latérales arrondies, la tête plate. D'une main tremblante, je l'ai pris et soulevé. En bas de sa tête s'ouvrait une gueule ensanglantée, hérissée de plusieurs rangées de petites dents, blanches et pointues comme des aiguilles.

    J'ai regardé la fille. Elle gisait, évanouie. Je me suis vite habillé. Et je l'ai ranimmée. Ce n'était pas difficile de la pérsuader qu'elle avait été victime d'une illusion. La blessure causée par le requin ne devait pas être grave, car la douleur est vite passée.

    Désormais, ma vie a changé complétement. La honte ne me permettait pas de confier l'étrange anomalie qui m'avait touché. J'ai cessé de vivre avec les femmes. Pourtant, au bout de quelques jours, le petit requin visiblement a eu faim, car il a commencé à me mordiller les cuisses. Je lui tendais des morceaux de viande de boeuf hâché, mais il détournait la tête avec dégoût. Sans doute, en sa qualité de mangeur d'homme, voulait-il se nourrir autrement.
    J'ai compris que je n'avais pas le choix.
    Tous mes deux ou trois jours je sortais en ville et cherchais quelques prostituées solitaires. Je ne choisissais que celles qui disposaient d'un appartement. Avant de me déshabiller, j'étaignais la lumière, en lui expliquant que j'étais timide. Après avoir pénétré la femme, je l'aimais un peu, sans enthousiasme, car cela ne me procurait plus aucun plaisir. Elle ne soupçonnait rien. Mais le petit requin ne pouvait pas tenir longtemps. Il avait faim. Il ouvrait ses mâchoires et, d'une bouchée, coupait le fond du vagin et le col de l'utérus. J'étais alors transpercé par une jouissance, auprès de laquelle mes plaisirs amoureux d'avant la métamorphose n'étaient que fades et pâles sensations. Les yeux de la fille devenaient énormes, sa bouche s'ouvrait, mais j'étouffais son cri de ma main ou d'un drap, auquel elle mordait. D'ailleurs, presque immédiatement elle s'évanouissait. Son visage devenait blanc comme le linge. Dans le lit s'accumulait une flaque de sang. Mes cuisses et mes genoux étaient barbouillés de rouge. Pendant ce temps, le requin dévorait le reste du vagin, s'en prenait même à l'utérus et aux intestins. Il devenait fou, ivre de sang, il s'agitait, mordait, arrachait frénétiquement des lambeaux de chair. Parfois, il s'extasiait tellement que je ne pouvais plus le retirer : Je devais l'arracher de force, tandis qu'il continuait à serrer entre ses dents des effilochures d'entrailles fumantes et ensanglantées. Je pressais sa gueule des deux côtés, l'obligeant à desserer les mâchoires. J'enlevaos les restants de chair d'entre ses dents. Je l'essuyais soigneusement à l'iade de quelque vêtement de la fille - n'ayant pas de remords d'abîmer ses habits. J'affublais le requin d'une muselière, bricolée à partir d'un muselet de bouchon de champagne. Je boutonnais mon pantalon et sortais, le visage impassible.
    Je portais un pantalon serré, en étoffe très solide, pour l'empêcher de s'agiter et d'attirer l'attention sur moi.
    Une peur bleue ne tarda pas à semparer des prostituées dans ma petite ville de province.
    J'ai déménagé alors dans la capitale. Les dimensions de la métropole garantissaient des livraisons de nourriture régulières. Et quel choix de viande !

    Des filles du monde tneir, jaunes, rouges, noires, un paradis !
    J'avais une bonne situation, car chaque nuit, je m'appropriais les revenus d'une nouvelle victime. J'aimais surtout les négresses, que je n'avais jamais connue auparavant.

    Un matin je me suis réveillé, écrasé par un poids formidable. Les draps s'élevaient en un monticule arrondi et ondoyaient légèrement. Je les ai rejetés. De mon bas-ventre ressortait maintenant, long de plusieurs mètres, un énorme requin mangeur d'homme.
    Je ne pouvais plus le cacher. En uen nuit, il avait tant grandi que je ne pouvais même plus le soulever. Il pèse deux tonnes et, comme vous voyez, Madame, il est plutôt massif. Heureusement que le téléphone était sur la table de chevet. J'ai appelé les pompiers, l'ambulance, et police-secours. Partout on s'est tordu de rire. Alors j'ai téléphoné à quelques journeaux à sensations.
    Ils sont arrivés. Le lendemain toute la ville me connaissait.

    Désormais, j'étais l'attraction de la capitale. Je transportais mon requin devant moi, sur une sorte de chariot électrique, spécialement conçu qu'une firme automobile m'avait offert, moyennant la permission d'inscrire son nom sur le flanc de la bête. A notre vue, les passant s'arrêtaient, s'étonnaient, me charriaient en disant que c'était une farce. Mais ils perdaient contenance lorsqu'il agitait la tête, claquait des dents, coupait, et avalait quelque main. Après plusieurs incidents, la municipalité lui a offert une muselière en acier, et le nourrissait désormais régulièrement de viande fraîches malheureusement animales. Le requin avait d'abord rechigné, mais après quelque temps, il avait cessé de faire le difficile.
    Les médecins délibéraient sur la possibilité de nous séparer en pratiquant une intervention chirurgicale, mais cela se révélait impossible. Nos systèmes digestifs et sanguins étaient reliés. Nous formions un seul organisme. Désormais, nous avions tous les deux à peu près trente degrés, sauf en cas de fièvre.

    Nous aurions vécu longtemps peut-être, si un été, je ne l'avais emmené dans une station balnéaire à la mode. Des amis nous ont aidés à monter dans le train, dont un compartiment avait été aménagé dans le wagon-poste.
    Dans la station balnéaire nous marchions sur la promenade, c'est-à-dire, plus exactement moi, je marchais et lui roulait. Nous faisions sensation parmi les vacanciers. Un soir, nous sommes allés nous promener sur la jetée. C'est alors qu'il a commencé à s'agiter comme un fou. Il a démoli le chariot, cassé la barrière en bois du môle et a sauté dans l'eau, m'attirant derrière lui.

    Depuis ce jour, nous naviguons dans les mers et les océans autour du globe. Je n'ai pas à me plaindre de lui : Il est obligeant et serviable, jamais il ne plonge plus d'une minute, et comme vous voyez, Madame, il sait attendre patiemment afin que je puisse faire un brin de causette. Il me laisse même manger les restes de sa nourriture.
    Au mot 'Nourriture', le requin a tressailli et a donné au radeau des coups de tête, d'abord légers, ensuite de plus en plus forts, comme s'il devenait encore une fois fou, si bien que le radeau est tombé en morceaux.
    De ses mâchoires avides il a attrapé la femme, l'a déchiquetée et avalée en un tournemain. L'homme, soudé à sa queu, s'est emparé du bras coupé de la femme naufragée. En le dévorant, il a murmuré à l'adresse du poisson : "C'est gentil de ta part d'avoir attendu que je lui raconte notre histoire, chéri."


    Le requin a esquissé un geste nonchalant de la nageoire, comme s'il voulait dire : "C'est la moindre des choses."


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  • La vie c'est comme une fête, voilà. Trop long, pas vraiment harmonieux, avec une bonne tripotée de gens que tu ne peux pas saquer, et un ennui mortel pour quiconque n'est ni mondain, ni hypocrite. Et puis faut nettoyer quand t'as fini, pour mieux recommencer une prochaine fois.

     

    Ps. Je n'arrive même pas à concevoir une utilité quelconque à ce blog. Inanités. Inanités.


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