• Patrick Ravignant - Les maîtres spirituels contemporains (1972)

    Patrick Ravignant - Les maîtres spirituels contemporains (1972)

    Titre        Les maîtres spirituels contemporains : de Fulcanelli à Aurobindo, de Gurdjieff à Meyrink, de Steiner à Guénon.
    Auteurs        Patrick Ravignant (avec la collaboration de Pierre Mariel, historien)
    Éditeur        Culture, art, loisirs, coll. Bibliothèque de l'irrationnel, 1972
    Longueur    253 pages, Illust. n-b. Index.

        Evoque Louis Antoine et l'antoinisme à la page 26.

    source : Google Books

    Sommaire :
        Les courants religieux / Les maîtres d’Occident / Les maîtres d’Orient / es groupes et les écoles /Les théoriciens de la maîtrise / Les écrivains chercheurs de voie / Les maîtres et la politique / Les calomnies / La contre-initiation / Les marginaux / Bibliographie / Table des personnages / Table des écoles et des mouvements / Index.

        L'avertissement prévient du double objectif de l'ouvrage : permettre au lecteur d'acquérir un certain nombre d'informations générales et lui offrir des lumières plus précises sur tel personnage ou tel courant. (p.9). On verra que les informations sont très générales en effet.
        Chaque chapitre s'ouvre sur une introduction. Le chapitre concernant l'antoinisme est Les Courants Religieux. Les auteurs veulent "rendre compte de la prodigieuse richesse et diversité d'une vie spirituelle, qui, malgré tous les obstacles d'une civilisation hyper-matérialiste - ou peut-être à cause d'eux - s'épanouit, depuis quelques décennies, sur toute la surface de la planète" (p.13). Ils préviennent qu'on leur "reprochera des omissions" (p.13). Malheureusement il ne s'agit pas là que d'omissions, mais d'erreurs. De plus, même si on a l'impression qu'ils se veulent neutres, les auteurs y vont souvent de leur point de vue : parlant de la Soko Gakkaï, on lit que son fondateur "[flatta] le caractère belliqueux de ses compatriotes" japonais (p.32). Voilà une remarque raciste. Et quand ce n'est pas du racisme, c'est de l'ethnocentrisme : "En Orient, les deux derniers siècles furent incontestablement plus riches, spirituellement, que la plupart des époques précédentes. La rencontre avec l'Occident fut pour beaucoup dans cet extraordinaire jaillissement de nouvelles énergies mystiques" (p.67).
        Ils précisent que "certaines formes [de religion], telles que les adventistes, et surtout la Christian Science, paraîtront, par bien des côtés, aberrantes" (p.15). Voilà de la discrimination. En tout cas, ils les ont "traitées beaucoup poins longuement que le caodaïsme ou l'antoinisme". Ils précisent qu'ethnologiquement, "les religions ne recherchent pas les clefs d'une compréhension métaphysique de l'univers, elles ne prétendent pas dévoiler des arcanes majeurs, ouvrir les portes de la grande connaissance ; elles visent à tout autre chose : édifier une communion de vivants" (p.15). Mais pour eux, "les dogmes et les rites servent de support, de moyen de transfert à cette convergence de forces." "Une assemblée d'hommes et de femmes, généralement d'une assez grande médiocrité, réunis pour effectuer ensemble un certain nombre de geste rituels dont ils ignorent le plus souvent la signification, et quelque chose est branché. C'est la grande jonction, le 'joint' comme disent les drogués, qui forment sans le savoir un cercle religieux, mais d'une religion inversée, tragiquement tueuse d'âmes" (p.15-16). Ils incluent le christianisme dans cette définition. Ils concluent en disant que "les religions n'ont jamais été des écoles de sagesse" (p.15). Qu'est-ce que c'est que ça pour une introduction, dirions-nous en français de Belgique !
        Mais venons-en à l'antoinisme. Là encore la neutralité n'est pas de rigueur, car toutes les sitations de la Révélation est suivies d'un 'sic' dont le sens est "Ainsi dans le texte, aussi étrange et/ou incorrect qu'il paraisse."
        Et les erreurs sont si fréquentes qu'elles aboutissent à des non-sens. Sans parler du parti-pris que toute religion à une face cachée ! (cette idée, pour l'antoinisme vient de Lucien Roure, partant d'une erreur concernant la robe) Lisons plutôt... et corrigeons...

    LOUIS ANTOINE ET L'ANTOINISME
        Les parents de Louis Antoine (1846-1912) eurent onze enfants. Le père était mineur de fond. En 1857, à douze ans, Louis commença de descendre dans la mine, puis fut apprenti boulanger (1). A vingt-quatre ans, il émigra en Allemagne, puis en Pologne.
        Il revient dans le Borinage (2) où il épouse Jeanne-Catherine Collon. Ayant amassé un petit pécule, il 'bricole' dans les assurances tout en étant concierge, à Jemeppe-sur-Meuse, des 'Tôleries liégeoises'. Ayant assisté à des séances de spiritisme, Louis Antoine et sa femme se découvrent des dons de médium (3). Ils organisent dans leur modeste logement des séances de tables tournantes (4) et acquièrent vite une grande renommée dans les cercles spiritualistes de la Wallonie. Puis, sur les conseils d'un "désincarné", Louis Antoine devient guérisseur (5), mais il s'intéresse davantage aux misères morales. Doué d'un remarquable sens de l'organisation, les Antoine fondent une secte christique : les Vignerons du Seigneur (6).
        Antoine fut poursuivi pour exercice illégal de la médecine ; une condamnation, légère, ne fit qu'accroître sa renommée. Il fut proclamé Antoine le Guérisseur. La foule se pressait à la porte de son cabinet de consultation. Sa femme partageait son don et son prestige (7). On prit l'habitude de les nommer le Père et la Mère.
        Vers 1906, Antoine est conduit par des messages spirites à fonder une religion nouvelle, l'antoinisme (8), qui compte rapidement des dizaines de milliers de fidèles. Il meurt en 1912, mais sa femme lui succède à la tête de l'Eglise.

    L'Eglise antoiniste
        Des temples sont édifiés non seulement en Wallonie et dans les Flandres, mais à Paris, à Monaco, dans de nombreuses autres villes d'Europe occidentale (9). Ce sont des salles austères où sont chantés des hymnes, où sont prononcés des sermons, où sont lues des pages de l'oeuvre écrite, abondante, du Père et de la Mère (10). Ces ouvrages, rédigés dans un style simple, sont accessibles à de braves gens peu cultivés, mais bon et sincères.
        Il se constitue une sorte de clergé (11). Les plus fervents des antoinistes adoptent un uniforme : redingote noire et chapeau rond pour les hommes ; jupe longue, à plis, capeline et fichu noir pour les femmes. Les plus doués prêchent la parole du Père et imposent les mains sur les malades. D'autres sont vendeurs de brochures et propagandistes itinérants. Depuis la mort de la Mère, en 1920 (12), l'Eglise antoiniste est régie par un collège d'inspirés (13). Les fidèles doivent avoisiner le million. Les finances sont prospères et bien gérées.

    L'arbre
        L'emblème de l'antoinisme est "l'arbre de la science du Bien et du Mal" (14). Il figure, à la place d'honneur, dans tous les temples et est l"objet de nombreuses exégèses (15). Il semble bien qu'à côté du culte public existe un enseignement initiatique secret, réservé aux authentiques continuateurs du Père et de la Mère (16). L'arbre est ainsi explicité, selon une doctrine proche de la cabbale hébraïque : [suivent des citations et explications accompagnées de 'sic', sur l'interprétation de Louis Antoine de l'histoire d'Adam, Eve et le serpent] (17).

    La dogmatique
        En bien des points, l'antoinisme ne brille pas par la clarté (18). On peut, au moins, en dégager un rudiment de dogmatique. [quelques phrases sur la foi guérissante, l'inexistence de la matière avec un rapprochement de la Christian Science, de l'amour du prochain et de ses ennemies, l'absence de Dieu, du panfluidisme, ambiguïté des notions du bien et du mal...](19).
        Les rituels sont réduits à une extrême simplicité. Ni baptême ni autres sacrements. Le mariage est un échange de mutuelles promesses devant la communauté (20). La seule cérémonie solennelle a lieu aux enterrements. Autour du corps se réunissent les adeptes (21). Un drap vert recouvre le cercueil. Derrière, vient la bannière noire avec l'emblème antoiniste : l'arbre. Au cimetière, un discours est prononcé (22). Le désincarné est descendu en terre, et sur la tombe, rien, par un nom, pas une pierre (23).

    OUVRAGES A CONSULTER :
        Les brochures en distribution dans les temples antoinistes et, spécialement : l'Enseignement, par Antoine le Guérisseur (1905) ; Révélation, par Antoine le Généreux (1910) ; le Couronnement de l'OEuvre révélée (1910)(24) ; L. Roure : Au pays de l'occultisme (Paris, Beauchesne, 1948).

    (1) Si certains auteurs notent que Louis Antoine a pratiqué de nombreux métiers, il ne fut jamais boulanger. Malheureusement, je crois savoir d'où vient l'erreur des auteurs : Alain Lallemand nous dit que sa biographe, soeur Yvette, écrivait qu'il avait 'pris un pain sur la fournée', voulant dire par là, qu'ayant mis enceinte sa future femme, il l'épousa. Ajoutons par ailleurs que le fait qu'il soit boulanger ou assureur ne nous apprend rien sur le parcours de Louis Antoine. Il aurait été plus judicieux d'évoquer la lampe s'éteignant dans la veine de mine qu'il prit pour un signe.
    (2) La région liégeoise n'est pas le borinage. Les auteurs confondent ici les deux régions minières et industrielles de la Belgique.
    (3) A ma connaissance, Mère n'eut jamais des dons de médium. Elle secondait plutôt toujours de loin son mari dans les tâches quotidiennes. C'est à la mort de Louis Antoine qu'elle pris le mouvement en mains, et comme elle le disait "Quand le Père est parti, il ne m'avait fait aucune recommandation que celle de suivre ses inspirations et j'ai eu beaucoup de tourments après son départ". Cela contredit donc la suite de ce que disent Patrick Ravignant et Pierre Mariel.
    (4) Plutôt que de logement, parlons de maison. Puis il n'eut certainement que peu de 'séances de tables tournantes', premièrement car cela n'était pas le fort d'Allan Kardec, et deuxièmement, car comme il est dit dans sa biographie : il ne s'attarda pas "dans le domaine expérimental pour lequel Il n'avait aucune aptitude et qui ne Le tentait nullement."
    (5) Disons plutôt qu'un 'désincarné' lui donnait les remèdes pour soigner les malades et de là, il devint guérisseur, secondé par le Dr Demeure et le Dr Carita, notamment.
    (6) A ma connaissance, la Mère n'eut pas de rôle dans la fondation de la secte spirite (et non christique). Son fils par contre assistait plus souvent aux séances.
    (7) Encore une fois, même si elle est décrite comme une "âme d'élite" dans la biographie, on dit simplement qu'elle "partage en tout sa mission". On ne parle pas de don d'invocation des esprits pour guérir. Et le prestige viendra plus tard.
    (8) C'est plutôt par des messages avec Dieu (qui est à l'intérieur de chaque homme pour l'antoinisme), qu'il est conduit à fonder une nouvelle morale, le Nouveau Spiritualisme. Le nom "antoinisme" viendra plus tard.
    (9) La formulation laisse à penser qu'il y eut plusieurs temples en Flandre, hors il n'y eut que celui de Schoten, près d'Anvers. Et il y eut surtout des salles de lecture dans de nombreuses villes d'Europe occidentale, mais pas de temple.
    (10) Des trois affirmations, seule la dernière est exacte : pas de chant et encore moins de sermons ! De plus, pour certains l'oeuvre écrite du prophète Antoine n'est pas si abondante que ça, comparé à la production de Mary Baker-Eddy, ou Joseph Smith. Ensuite, les propos de Mère, contenus dans les Tomes, ne sont pas lu en public dans le temple.
    (11) Il s'agit bien d'une "sorte de clergé", car il n'y a que peu de hiérarchie dans l'antoinisme, le port du costume ne donnant droit en quelques sortes qu'à lire la Révélation en public, accueillir les frères et soeurs ou tenir un temple et donc être guérisseur.
    (12) Mère s'est désincarnée en 1940, et non en 1920. Françoise d'Eaubonne faisait la même erreur.
    (13) Le mouvement est régi par un collège des desservants, qui ne font pas que gérer les finances "prospères". Disons plutôt qu'il y a une direction morale et matérielle.
    (14) Il s'agit de l'Arbre de la Science de la Vue du Mal.
    (15) Il n'y a pas d'exégèse (Analyse interprétative d'un texte de la pensée d'un auteur) dans l'antoinisme, chacun pouvant se faire l'avis selon son degrés d'élévation morale.
    (16) Rien n'existe à côté du culte public. Tout est dans la Révélation qui est en vente et lu dans les temples. Qui serait les "authentiques continuateurs du Père et de la Mère ? Je ne peux le dire... c'est secret ;) Il n'y a que les Tomes qui sont disponibles qu'aux costumés en France. Mais ils ne contiennent rien de secret et encore moins d'initiatique. Jean-Marie Defrance, dans Réveil, l'Apôtre de Jemeppe et sa Révélation dit lui au contraire : "Ce que je viens de découvrir n'est pasune confrérie fermée ou limitée à l'une ou l'autre caste, où l'on se chuchote des 'secrets' périms. On ne vous demande pas : 'Avez-vous volé ou tué ?' ou 'Etes-vous contagieux ?' On sait que vous avez d'autant plus besoin d'amitié que vous êtes plus malheureux." (p.6)
    (17) Inutile de recopier cette partie qui est à lire dans le Couronnement de l'Oeuvre Révélée, en vente et lu également dans les temples. La cabbale hébraïque n'a aucun rapport avec l'interprétation de Louis Antoine, le rapprochement vient uniquement du fait que la source est la même : l'Ancien Testament ou Torah.
    (18) Les auteurs se contredisent, souvenons-nous qu'ils disaient que les "ouvrages, rédigés dans un style simple, sont accessibles à de braves gens peu cultivés, mais bon et sincères".
    (19) Autant dire que les auteurs n'ont rien compris. Ils confondent la charité matérielle et la charité morale, il parle de l'absence de Dieu puis cite un passage de la Révélation disant qu'il est l'auteur de toutes choses...
    (20) Il n'y a pas d'échange de mutuelles promesses devant la communauté pour célébrer un mariage. Mère disait seulement que pour les personnes le souhaitant, le couple pouvait assister aux Opérations générales durant la semaine, et demander une pensée lors d'une consultation. De même pour les "baptêmes".
    (21) Il n'est pas précisé que cette réunion n'a pas lieu dans le temple, le corps d'un désincarné ne représentant que de la matière, il n'y a plus sa place.
    (22) Un discours n'est pas le mot, c'est le chapitre Réincarnation qui est lu. Si un discours veut être dit, c'est cependant possible.
    (23) C'est possible, mais il est aussi possible d'avoir son nom et une pierre, parfois avec l'Arbre représenté.
    (24) C'est malheureux à dire, mais vous ne trouverez aucun de ses livres en vente dans les temples ! Il est clair maintenant pourquoi les auteurs n'ont rien compris à l'antoinisme. Ils n'ont pas lu l'essence de la Révélation. Mais comme pour eux tout est secret et initiatique, ils ont préféré s'en remettre uniquement à l'ouvrage de Lucien Roure, publié 30 ans avant. Donc l'Enseignement d'Antoine le Guérisseur a été brûlé par le Père lui-même. Il n'est plus en vente, puisqu'il ne doit rester que 2 ou 3 exemplaires maximums dans quelques rares bibliothèques ou greniers. La Révélation d'Antoine le Généreux (1910), ne porte plus se titre depuis 1912. On peut acheter la Révélation par le Père Antoine, ou simplement la Révélation par le Père, telle que révélée dans son temple, à Jemeppe-sur-Meuse de 1906 à 1909.


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