• La mort d'Antoine le Guérisseur (L'impartial, 28 juin 1912 - La Chaux-de-Fonds)

    La mort d’Antoine le Guérisseur

    Un homme de Wallonie, un petit bourgeois, presque du peuple, est mort mardi, qui avait acquis non seulement en Belgique même, mais un peu partout où il y avait des malades et des désespérés ne célébrité et un crédit exceptionnels, c’est ce qu’on appelait Antoine le Guérisseur. Il n’avait fait rien de moins que de fonder une religion, une espèce de variété de christianisme mélangée de théosophie. Il guérissait par la prière et l’imposition des mains, à la manière des « christian scientists » d’Angleterre et d’Amérique.
        Peu à peu les malades de l’âme comme du corps, les incurables, les déséquilibres, les névrophates, tous ceux que les médecins avaient abandonnés, avaient appris le chemin du petit pays de Jemmappes où Antoine avait son temple et tenait ses assises de médecine religieuse. Depuis plusieurs années il y avait les foules de Jemmappes comme les foules de Lourdes et les « antoinistes » recrutés parmi les inquiets d’un culte nouveau et augmentés des guéris reconnaissants formaient une communauté éparse en divers lieux, mais fort nombreuse.
        Le prophète et guérisseur belge n’est plus. Il y a quelques jours, la santé d’Antoine était devenue précaire et lundi matin un incident inattendu a encore accrues craintes de son entourage. Vers dix heures trente, comme il se trouvait dans son temple, il s’affaissa subitement, frappé d’apoplexie. On dut le transporter chez lui où reprit peu à peu ses esprits.
        Sur tes entrefaites, un grand nombre de ses disciples, vêtus de soutanelles d’une coupe spéciale et coiffés d’immenses chapeaux, étaient accourus près du lit de leur maître. Antoine alors proféra : « Demain quelque chose de sérieux se produira. » Puis ajouta d’une voix sourde : « Je désire que ma femme me succède dans mon enseignement religieux. »
        Antoine avait tarde beaucoup avant de faire sa révélation et de se déclarer l’homme de Dieu. Pendant nombre d’années, il était un homme comme un autre, un simple employé à la division des forges et martelage de la Société anonyme des tôleries liégeoise. Puis il s’occupa d’assurances
        Enfin vinrent la grâce, l’action publique, les prédications publiques. Antoine était alors déjà dans l’âge mûr. On le dit propriétaire des maisons ouvrières qui entourent son temple. D’aucuns estiment sa fortune à 80,000 fr. Quoi qu’il en soit, Antoine le Guérisseur a toujours vécu modestement.
        Au temple où il prêchait, Antoine avait adjoint une imprimerie et publiait chaque semaine un journal populaire qui tirait plus de 20,000 exemplaires et répandait les doctrines de l’apôtre.
        Il y a quelques mois, les antoinistes de Belgique avaient adressé aux Chambres une pétition demandant que la religion nouvelle fût reconnue par l’Etat.
        La pétition des fidèles du culte antoiniste portait cent mille signatures.
        L’œuvre d’Antoine ne sera pas arrêtée par sa mort. Au temple, son corps a été exposé, l’affiche suivante a été apposée disant que « le conseil d’administration du culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd’hui mardi matin, 25 juin. Avant de quitter son corps il a tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère le remplacera dans sa mission, qu’elle suivra toujours son exemple. Il n’y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous, Mère montera la tribune pour les opérations générales les quatre premiers jours de la semaine à dix heures. »

    L'impartial N°9689, vendredi 28 juin 1912 (La Chaux-de-Fonds)


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