Une rue de Calcutta, le 11 juillet 2011

"Cette peur fait partie d'une argumentation idéologique des
pays riches pour ne pas considérer les problèmes chez eux et les rejeter sur les
pauvres", affirme à l'AFP l'auteur de "Vie et mort de la population mondiale"
(Le Pommier), ouvrage qui ressort vendredi dans une version actualisée.

Alimentation, accès à l'eau et aux ressources énergétiques: la
planète paraît toujours plus étriquée pour répondre aux besoins croissants d'une
population mondiale passée de 2 milliards en 1930 à 4 milliards dans les années
1970 pour franchir fin 2011 le cap de 7 milliards, selon les prévisions de
l'ONU.

Une hausse qui devrait se poursuivre jusqu'au milieu du 21e
siècle avec des projections moyennes tablant sur 9,3 milliards de Terriens vers
2050.

"Mais il y a une hypothèse basse intéressante qui amène le
monde à 8 milliards avec un plafonnement", dit Hervé Le Bras, directeur d'études
à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.

"L'idée commence à se faire que la population atteindrait un
maximum dans un délai pas tellement lointain", remarque ce spécialiste reconnu
des questions démographiques.

"Et ce qui est intéressant, c'est l'évolution du taux de
croissance de la population: depuis 1970, ce taux diminue régulièrement. Il
était de 2,1% par an en 1970, son maximum, et est maintenant d'environ 1%",
précise-t-il, rappelant la difficulté d'anticiper précisément les évolutions en
la matière.

Bétail et biocarburants

"Par exemple pour l'Iran, en 1994, l'ONU prévoyait 180 millions
d'habitants en 2050, aujourd'hui, elle n'en prévoit plus que 85 millions. La
fécondité a commencé à baisser en Iran en 1985 et on n'avait pas intégré que
cela n'était pas une baisse temporaire", explique-t-il. "La fécondité y est
aujourd'hui inférieure à celle la France."

"La baisse est presque aussi spectaculaire pour le Maroc et
l'Algérie."

A cet égard, estime-t-il, le passage de 7 milliards
d'habitants, aujourd'hui, à 8 ou 9 milliards dans trois ou quatre décennies
serait "tout à fait gérable" en termes de quantités globales de nourriture ou
même d'eau.

Son inquiétude concerne davantage "les conditions du
partage".

Pour l'alimentation, par exemple, "si on prend les données de
la FAO (l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture), on voit bien
que la production agricole a augmenté plus vite que la population."

"Il y a donc en principe assez à manger pour tout le monde,
mais l'utilisation de cette production a beaucoup changé", remarque-t-il.

Car les terres agricoles ne servent plus seulement aujourd'hui
à nourrir les humains mais aussi, de plus en plus, à cultiver des céréales à
destination des bétails ou pour produire des biocarburants.

"Au fur et à mesure que le prix du pétrole va augmenter, cela
va devenir de plus en plus intéressant pour les agriculteurs de se diriger vers
la filière éthanol plutôt que la filière nourriture", affirme le démographe.

"Plus que le niveau global, c'est la mécanique interne, la
répartition des prix, qui va être difficile à gérer dans les années à
venir."