• Le défilé du 1er mai. Souvenirs de petit prolo parisien...

    Bien ! J'étais né le 1er mai 1951 à Paris, troisième. 1-5-1-9-5-1. Facile à se rappeler. Venu au monde un 1er mai. Jour férié s'il en est. C'est la seule raison pour laquelle j'ai toujours aimé tous les syndicats, et surtout la CGT des cocos gauchement russophiles, tendance rubéole chronique ou ambiance corrida sanglante, car ses enrôlés, eux au moins, ne manquaient pas tous les ans de fêter démocratiquement mon anniversaire de môme sans-le-sou, avec un grand défilé populaire et un brin de muguet inflationniste. La fête du travail, ça c'était un trésor de trouvaille ! Pour moi, rien que pour moi, et même si ça tombait en semaine, on ne trimait pas. Pour une fois, j'étais bien mieux loti que les autres. Mon anniversaire déjà élevé au rang de jour férié, bien avant que je ne fasse mes preuves... Drapeaux rouge-sang au vent de l'histoire, vin de couleur similaire à même le goulot et camemberts faits, coulant sur des baguettes de la première à la dernière banderole du cortège. Marx, Nicolas et Bridel. Cadeaux de bienvenue. Cadeaux de prolétaires. Odeurs de sueurs ouvrières, de claquos et de piquette outrageant les beaux quartiers. Marx, Nicolas et Bridel. Trilogie du populaire. Tiercé gagnant des petits. Monoprix de l'Arc de Triomphe, dans le désordre. Sacro-sainte trinité païenne de demi-dieux barbus et rougeauds, images désuètes de banquets troisième république, gentils Pères Noël en costumes de tous les jours mal taillés, bouddhas pansus pro populo. 1er Mai. Fête des retrouvailles. Choeurs révolutionnaires et cœur syndical uni pour un cessez-le-feu de douze heures, le temps des cerises, l'Internationale, Ferrat et Béranger. Rouge, rouge, rouge et noir. Puis blanc le muguet en clochettes muettes. Et toujours ces mégaphones gueulards pour foule aux oreilles encrassées. Procession païenne de plus de cent mille personnes selon les syndicats. Divisé par cinq selon la préfecture de police qui cherchait déjà à minimiser mon ivresse. Vous comprendrez plus tard... Le bordel même dans les avenues chics, comme nous l'aimions, nous, les fauchés. Avenue Foch. Avenue George V... Avec ces prostituées déjà fascinantes qui défilaient trop près de moi, leur étalage rebondi de seins à moitié nus, aérées les aréoles, leurs porte-jarretelles gaufrant leurs minijupes à ras la moule, leurs groles aux talons pas possibles, leur rouge à lèvre trop rouge que j'imaginais décalqué partout sur moi et leur parfum au patchouli...Scandale !  Tant mieux ! Moi, première banderole dressée en bâton de sucette dans mes culottes courtes, je les aimais déjà dur comme fer et scandais en chœur avec elles « Les tapins, au turbin ; Marthe Richard, au placard »... A ce propos, Maman s'appelle aussi Marthe, pas Richard, dommage pour l'aisance, mais Marthe Léone Lefebvre, M2L, mes deux ailes, mon ange, et elle aussi a horreur des bordels. Et du bordel. Et des putes qui me rendaient déjà tout chose. Ça doit être à cause de ce prénom ingrat. Un prénom réservé aux vieilles  pisse-vinaigre sans doute.

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