• Sarko, l'attentat de Karachi, ça le fait marrer...

    Article de Bruno Roger-Petit, Le Post:

    Quel étrange pays que le notre. Que sommes nous devenus? Plus rien ne nous indigne, même l'insupportable. Depuis hier, je suis sidéré par la bande video montrant la réaction de l'actuel président de la république répondant à une question relative aux causes de l'attentat de Karachi, attentat commis en 1992 et qui coûta la vie à quatorze personnes.

    Pour rappel, l'attentat aurait été commis par l'État pakistanais (et non Al-Qaïda) en guise de représailles, après l'interruption par le président Chirac, du versement de commissions sur des ventes d'armes opérées avant son élection. Ces commissions auraient donné lieu à des rétro-commissions qui auraient servi à financer la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995. Une fois élu, Jacques Chirac, aurait alors cessé tout versement, ce qui aurait eu pour conséquence l'attentat de Karachi. Ajoutons qu'à cette époque, le ministre du Budget en charge et l'un des principaux organisateurs de la campagne Balladur s'appelait... Nicolas Sarkozy.

    Comme certains de mes camarades s'étonnent de certains aspects de la réponse quant au fond des choses, je vais me concentrer sur la forme, puisqu'ainsi que le disait Mitterrand, "la forme rejoint toujours le fond".

    Etrange sensation que celle éprouvée au visionnage de ce document. Cette gestuelle, cette dénégation informe, ce rire en forme de quinte de toux... Malaise, malaise et encore malaise...

    Comment peut-on être président de la république, être interrogé sur un dossier sensible politiquement, diplomatiquement, humainement et se conduire ainsi? Comment peut-on oser, dans une cause de cette importance, afficher autant de désinvolture et de mépris à l'égard du journaliste? D'autant que ce mépris et cette désinvolture atteignent aussi, par ricochet, les familles des victimes qui sont à l'origine de la question posée au vu des éléments figurant aujourd'hui dans le dossier d'instruction de l'affaire. (Et en passant, encore bravo à tous les confrères qui se marrent ostensiblement quand le chef de l'Etat se moque du représentant de l'AFP qui fait son boulot, lui; à ce degré de connivence, ça frise la collaboration)

    Et la syntaxe: "Pis si vous avez des éléments, donnez le à la justice et demandez à la justice qu'ils enquêtent"... Trois fautes de français en trois secondes...

    Et le final, éblouissant, confondant, ahurissant, atterrant. Le président plaisante afin de souligner le caractère inepte, selon lui, de la question: "Si y a un braquage aujourd'hui à Bruxelles, j'y étais, c'est incontestable". Ce qui, soulignons le au passage, est une sorte de reconnaissance implicite que les faits en question se seraient bien produits à l'époque dans son voisinage, ce qui justifait que la question lui fût posée hier. Là-dessus, très fier de son effet, il se laisse aller à émettre une sorte de rire grommelé avant de se dire que visiblement, l'affaire est grave et qu'il faut quand même faire attention à ce qu'on dit. Du coup, il tente de corriger le tir et lache cette petite phrase: "Pardon hein, je ris pas du tout parce que Karachi, c'est la douleur des familles, des trucs comme ça, mais qu'est ce que vous voulez que j'aille répondre là dessus".

    Avez-vous bien noté le "Karachi, c'est la douleur des familles, des "TRUCS" comme ça".

    Allez, encore une fois: "Karachi, c'est la douleur des familles, des "TRUCS" comme ça".

    Méditons, méditons sur ce que l'emploi de cette formule révèle de l'idée que son auteur se fait de l'humanité, de la compassion, de la dignité et surtout, surtout de l'idée qu'il se fait de la hauteur de sa fonction. Comme il le dirait lui-même, méditons sur des "trucs comme ça" quoi...


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