• Shakti est un groupe incandescent né de la rencontre dans les années 70 de John Mc Laughlin et de musiciens indiens exceptionnels : Zakir Hussain, virtuose des tablas (et accessoirement fils d'Alla Rakha, accompagnateur de Ravi Shankar dans ses tournées mondiales des années 60), Vikku Vinayakaram, étonnant joueur de ghatam, et L. Shankar, violoniste également surprenant. Ces musiciens ont mélangé la musique traditionnelle d'Inde du Nord à celle du Sud, Mc Laughlin promenant entre ces sonorités et rythmes toute sa créativité, maîtrise de l'instrument et passion, comme vous pouvez en avoir un aperçu dans la vidéo ci-dessous, "La danse du bonheur"..

     

    Ci-dessous également la magie de Shakti filmée quelques minutes en 1984 sur un plateau télé (est-ce la voix de Jacques Chancel au début de la vidéo?). John Mc Laughlin utilise ici (comme ci-dessus) sa "Shakti guitare", qu'un luthier lui a confectionné pour allier le jeu de la guitare à l'utilisation de cordes sympathiques, comme sur un sitar (sa shakti guitare a malheureusement été cassée dans les années 80, désormais Mc Laughlin utilise un Mac pour jouer le rôle des cordes sympathiques, les temps changent...).  John McLaughlin - guitare / Hari Prasad Chaurasia - flute / Zakir Hussein - tabla / Katia Labeque - piano / Marielle Labeque - tambura


     


    Depuis 8 ans, Shakti s'est reformé sous le nom de Remember Shakti, avec tout d'abord Chaurasia à la flûte puis 2 jeunes musiciens époustouflants, Shrinivas à la mandoline et Selvaganesh, le percussionniste (tambourin et mrigandham), qui est le fils de Vinayakaram.
     
    Remember shakti passe régulièrement en concert en France, c'est à chaque fois un pur bonheur de les voir sur scène, ils communiquent en permanence leur joie de jouer ensemble, d'explorer de nouvelles pistes, de créer une musique qui a gardé comme origine l'esprit de Shakti, mélange oscillant de musique orientale et parfois occidentale (comme au début de ce morceau qui reprend les premières mesures de « Visions of esmerald beyond », mon album préféré du groupe de Mc Laughlin des années 70, le Mahavishnu Orchestra)


     


    Ci-dessous un aperçu de la folie Mahavishnu Orchestra, datant de 1973 ou 1974, avec Mc Laughlin à la guitare double-manche et Billy Cobham qui se déchaîne sur son set de percussions..



    Et enfin, une vidéo de 1990 de Mc Laughlin avec Trilok Gurtu, génial percussionniste indien, et Kai Eckhardt, à la basse double manche..la magie du trio.. : 


     


    Pour plus de vidéos sur Mc Laughlin, Shakti ou le Mahavishnu, cf. cette page de l'utilisateur de YouTube (bazonics, merci...) qui a mis en ligne les 3 des vidéos ci-dessus : cliquez ici 


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  • Avant-hier, j'ai pu enfin voir un concert du chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly au Bataclan, après l'avoir manqué plusieurs fois. Plutôt amateur de musiques instrumentales, en particulier de jazz fusion et de musique indienne, j'apprécie moins les chansons, trouvant le plus souvent moins de force à des paroles qu'à des expressions par le biais d'un instrument ou d'un dialogue entre instruments (la voix étant également un instrument, mais je la préfère sous forme de notes que de paroles). Néanmoins le reggae, après plusieurs années de résistance de ma part, m'a touché un beau soir d'hiver dans un coffee shop jamaïcain à Amsterdam il y a une dizaine d'années, allez savoir pourquoi.. ;-)

     
    Depuis je n'ai pas vraiment exploré en profondeur cette musique, mais j'écoute régulièrement Bob Marley, Burning Spear, LKJ, Pablo Moses et autres Peter Tosh, figures de proue d'un rythme et d'une histoire nés sur une petite île dans les années 60 et qui a fait depuis le tour du monde. Le concert de Tiken Jah m'ayant donné envie d'en savoir plus sur le mouvement rasta, j'ai un peu surfé pour essayer de résumer (sans recul malheureusement) l'histoire du rastafarisme, avant de revenir sur le concert lui-même.
    "Pave the way", Pablo Moses

     

     Le rastafarisme

    Le rastafarisme, du nom complet de l'ancien empereur d'Ethiopie Hailé Selassié (Ras Tafarí Makonnen), est né dans les années 30 en Jamaïque, ancienne colonie de l'Espagne puis de l'Angleterre et ancien « paradis » des marchands d'esclaves africains. Les jamaïcains subirent ensuite, après l'abolition de l'esclavage en 1834, l'influence des Etats-Unis et de sa culture judéo-chrétienne. Cependant la lecture de la Bible des jamaïcains s'est particulièrement focalisée sur les passages citant l'Afrique, et en particulier l'Ethiopie, notamment par l'intermédiaire de Marcus Garvey, longuement évoqué sur plusieurs albums de reggae, dont l'excellent double album portant son nom de Burning Spears :

     

     

     Marcus Garvey, homme politique jamaïcain respecté pour son action en faveur de l'émancipation des noirs aux USA au début du siècle, fut donc le principal artisan du développement du rastafarisme en « prophétisant » l'accession au pouvoir du Négus Hailé Selassié dès 1916: "Cherchez en Afrique le couronnement d'un roi noir, il pourrait être le Rédempteur." Hailé Selassié fut couronné en Ethiopie en 1928 et les rastas y virent la réalisation de la prophétie de Mosiah (le premier prénom de Marcus Garvey, signifiant « Moïse », le prophète libérateur des Hébreux) : le rastafarisme était lancé.


    Depuis, la religion rastafaraï s'est répandue dans le monde (malgré l'aspect dictatorial du règne du Négus), en particulier depuis l'émergence du reggae. Elle repose sur un principe :  Hailé Selassié est la dernière incarnation du Dieu de la Bible sur Terre (un messie en gros), Marcus Garvey est son prophète et l'Ethiopie est la Terre promise, même si les volontés de rapatriement des rastas dans ce pays n'ont guère été suivies d'effets (malgré la visite du Négus en Jamaïque en 1966). Les dreadlocks et la barbe des rastas sont la reproduction d'enseignements également trouvés dans l'Ancien testament (Lévitique, 21:5 :"[...]les prêtres ne doivent pas se faire de tonsure, ni se raser la barbe sur les côtés, ni se faire des entailles sur le corps.").  La ganja (le cannabis, the Holy herb) est un don de Dieu qui guide l'homme dans sa méditation. Elle trouve également une explication plus ou moins fumeuse dans la Bible (Apocalypse, 22:2 : "[...] Ses feuilles [de l'arbre de la vie] servent à la guérison des nations."). En gros, c'est l'équivalent du vin de messe, et d'ailleurs reconnu comme tel il me semble dans certains pays (pas en France bien sûr...). Cependant les rastas n'ont pas de lieu de culte : "L'Eglise d'un rasta, c'est l'homme lui-même" (Bob Marley).


    Ce qui est étonnant, c'est que les rastas considèrent que l'homme est né en Ethiopie... Ils considèrent également que Dieu est noir, ayant créé l'homme à son image (afrocentrisme). Or toutes les études scientifiques, à ce jour, situent également l'origine de l'homme en Ethiopie.... Bref... De nos jours le rastafarisme comporte davantage de sympathisants que de pratiquants, les dreads sont même devenues « à la mode »... Néanmoins le rastafarisme est toujours associé à l'émancipation de l'Afrique, à la Paix et à l'Amour, messages de base de la chrétienté... Bon, ok, aussi à la ganja...Comme dans la vidéo ci-dessous de Peter Tosh - "Legalize it"

     

     

     

    Le reggae

    Le reggae est né du ralentissement de la musique ska jamaïcaine dans les années 60. Cette musique s'inspire du rastafarisme pour les textes, avec au premier plan la libération du peuple noir du joug de Babylone, mais sans agressivité, en paix. Bob Marley a bien sûr joué un rôle majeur dans la propagation de cette musique, d'abord en Angleterre, puis aux Etats-Unis et dans le monde entier. L'album « Survival » avec la chanson « Zimbabwé » de Bob a permis la diffusion massive du reggae en Afrique, en particulier en Côte d'Ivoire, patrie d'Alpha Blondy. Tiken Jah Fakoly, également ivoirien, a depuis repris le flambeau et, grâce à ses chansons très engagées politiquement, se présente comme le porte-parole actuel de la jeunesse africaine qui tente de se dépêtrer des relents du colonialisme et des effets pernicieux actuels de la mondialisation, sorte de Babylone économique sans tête ni foi

     

    Bob Marley "war" (après une intro sur le rastafarisme en anglais)

     

     

    Tiken Jah Fakoly

    J'ai donc découvert cet artiste il y a peu de temps. N'écoutant pas la radio et ne regardant pas les émissions musicales télévisées, j'étais passé à côté de ses albums, bien que « Françafrique » ait été unanimement salué en France. Depuis je me suis rattrapé et j'apprécie désormais énormément ses disques, tant sur le plan musical que textuel. « Françafrique » et « Coup de gueule », les 2 derniers, sont en effet non seulement percutants par leur message de ras-le-bol vis-à-vis de la société actuelle africaine voire française, mais ils sont également musicalement très intéressants, avec une excellente section cuivre, des rythmes variés, une chaleur omniprésente (ils ont été enregistrés en Jamaïque avec Sly & Robbie, mythiques accompagnateurs jamaïcains que j'avais pu écouter auparavant avec Monty Alexander et Ernest Ranglin, deux excellents jazzmen jamaïcains). Il ne me restait donc plus qu'à le découvrir en concert, ce que j'ai pu enfin faire avant-hier.

     

    Quel showman !! Tiken Jah et son groupe (guitare, basse, batterie, clavier, sax, trompette, trombone et 2 choristes) ont déversé une musique incandescente, urgente, le tout devant une salle conquise et enfumée. Quel bonheur, au moment où l'on parle en France de guérilla urbaine, de discriminations quotidiennes, d'intolérances multiples et de provocations stupides, de voir des centaines de personnes de tout âge et toutes couleurs onduler ensemble, reprendre en cœur les chorus, par exemple : « quand nous serons unis, ça va faire mal », ou encore « La France va mal, l'Afrique va mal » sur la chanson « mon pays va mal », « Ils ont partagé le monde sans nous consulter », « on en a marre, l'Afrique en a marre marre marre », etc. Cette communion des musiciens et du public dans le contexte actuel était touchante et entraînante, cela m'a rappelé le concert de Nitin Sawney dont je parle à la fin de cette bafouille.


    Tiken Jah est donc un artiste vivant pleinement sa musique et ses textes, n'hésitant pas à fustiger les dérives actuelles, à commencer par celles subies par son peuple en Côte d'Ivoire (ce qui lui vaut actuellement des menaces l'ayant poussé à s'exiler au Mali). Cet article résume beaucoup mieux que moi le personnage et le contexte : cliquez ici


    "Y'en a marre" (clip)



    "Africa" (concert à Dakar - 2005)



    "Quitte le pouvoir" (concert à Dakar - 2005)



    "Francafrique" (Concert à Dakar - 2005)


    En conclusion

    Je n'ai pas de dreadlocks, je ne suis pas noir à l'extérieur (peut-être à l'intérieur ?), mais le reggae, dont je ne suis qu'un amateur à peine éclairé, me séduit, à la fois par son côté ensoleillé et musical, mais aussi par les valeurs rasta qu'il véhicule, bien incarnées par Tiken Jah : l'humanisme avant tout, que l'on soit religieux ou pas, est la seule porte de sortie pour nous, terriens, qui ne trouvent rien de mieux que de s'entredéchirer alors que nous sommes tous pareils...

     

    Parmi les nombreuses chansons de Tiken Jah, voici les paroles d' « On a tout compris », chantée en rappel avant-hier (source : cliquez ici ; d'autres textes de Tiken jah sont présents sur ce site, ainsi que ceux de nombreux artistes de reggae) :

    On a tout compris
    Allez dire aux hommes politiques
    Qu'ils enlèvent nos noms dans leur business
    On a tout compris
    Allez dire aux hommes politiques
    Qu'ils enlèvent nos noms dans leur business
    On a tout compris
    Ils nous utilisent comme des chameaux
    Dans des conditions qu'on déplore
    Ils nous mènent souvent en bateau
    Vers des destinations qu'on ignore
    Ils allument le feu, ils l'activent
    Et après , ils viennent jouer aux pompiers
    On a tout compris
    Allez dire aux marchands d'illusion
    Que nos consciences ne sont pas à vendre
    On a tout compris
    Ils sont complices de Babylone
    Pour nous arnaquer aie aie aie
    Ils font semblant de nous aider
    A combattre cette injustice
    Ils allument le feu, ils l'activent
    Et après, ils viennent jouer aux pompiers aie aie aie
    On a tout compris
    On a tout compris
    On a tout compris
    On a tout compris
    Ils nous utilisent comme des chameaux
    Dans des conditions qu'on déplore
    Ils nous mènent souvent en bateau
    Vers des destinations qu'on ignore
    Ils allument le feu, ils l'activent
    Et après, ils viennent jouer aux pompiers aie aie aie
    On a tout compris
    On a tout compris
    C'est toujours le même scénario
    On a tout compris
    Les marchands d'illusion sont là
    On a tout compris
    A partir de maintenant
    On a tout compris
    A partir d'aujourd'hui là
    On a tout compris


    Sources :

    Le site de Tiken Jah Fakoly 
    Un site sur l'histoire du rastafarisme
    Un site sur l'histoire du rastafarisme et du reggae

     


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  • Ce mois-ci est sorti le DVD « Musiques du Monde au Théâtre de la Ville », édité par le site internet Mondomix. Ce DVD rassemble des extraits de 10 concerts choisis parmi l'exceptionnelle programmation de cette salle : musiciens d'Inde du nord et du Sud, mais aussi d'Afghanistan, de Mongolie, de Syrie, etc. Il y a également une interview de chaque musicien.
    D'après la pochette, ce DVD est le premier d'une série, peut-être l'intégralité des concerts présentés dans ce premier DVD à venir.. ??

    Perso j'ai retrouvé avec plaisir Hariprasad Chaurasia, magicien de la flûte indienne (Bansuri), qui a joué non seulement avec ses compatriotes, mais aussi avec des musiciens dits « de jazz », comme John McLaughlin (que j'adore, en particulier avec son groupe Shakti ) et Jan Garbarek. Ces 3 musiciens ont été réunis en 1986 pour un disque fantastique de Zakir Hussain, appelé tout simplement « Making Music » ... Il me semble que la vidéo ci-dessous trouvée sur Youtube date de l'époque de "Making music", elle réunit Chaurasia et Hussain en duo et donne une idée de la sensibilité extrême de ce maître du bansuri :





    J'avais pu également déjà entendre les frères Misra , fascinants chanteurs khyal qui sont en complète symbiose spirituelle et musicale... L'extrait de leur concert est d'ailleurs le plus long présenté sur ce DVD, un vrai bonheur de sérénité, d'essence de la musique..

    Par contre je ne connaissais pas les autres musiciens présentés et j'ai été en particulier scotché par Okna Tsahan Tzam, de Kalmoukie (république bouddhiste du sud de la Russie, me dit Google...) : une musique complètement dépouillée, un dialogue guttural avec son compère avec une sorte de résonance surprenante, formant une mélodie cristalline s'élevant par-dessus la voix et les 2 instruments.. Un coup d'œil sur l'interview jointe du DVD m'apprend qu'il s'agit du chant diphonique, technique permettant de faire sortir les harmoniques du son de base... Je n'ai toujours pas compris comment il fait mais c'est assez stupéfiant..

    Quant aux autres musiciens, ils sont tous intéressants, les extraits sont particulièrement alléchants... Donc si vous avez 21 euros à dépenser malgré les coûteuses fêtes actuelles, n'hésitez pas.. (il est à 18 euros à la FNAC pour le moment).

    PS : à part ça l'Express sort cette semaine un dossier sur l'Inde particulièrement étoffé, si ça vous branche, quasiment tous les articles et photos sont disponibles en ligne : cliquez ici


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  • Garbarek a sorti ce mois-ci un nouveau disque, " In praise of dreams " après 6 longues années de silence discographique : je me demandais comment il allait intégrer la déferlante électro constatée actuellement en jazz, m'attendant plus ou moins à ce qu'il rejoigne ses compatriotes Bugge Wesseltoft et Nils Petter Molvaer.
    Bugge Wesseltoft est un pianiste-claviers-PC qui a joué avec Garbarek dans les années 90 et joue un électro-jazz groovy, tout en restant nordique. Il a joué en 2003 en concert avec Laurent Garnier au prestigieux festival de Montreux, ci-dessous (la vidéo fait 1 heure 50, longue à charger donc, mais collante...)

    Nils Petter Molvaer  est trompettiste, voisin de pallier de Bugge, il joue une fusion électro-jazz avec des tonalités parfois rock, parfois "garbarekiennes"....Voici un excellent morceau (malheureusement coupé en 4 mais bon, c'est un très bel exemple de dialogues multiples entre musiciens d'horizons initialement très différents...) où il joue avec entre autres Bill Laswell, Zakir Hussain et Ustad Sultan Kahn au sarangi





    Pour en revenir à l'album "In praise of dreams", c'est toujours du Garbarek, avec des boucles programmées mais très discrètes, intégrées dans la construction musicale comme n'importe quel instrument, sans être envahissantes...et un sax toujours aussi aérien, épuré, planant sur ces soupçons d'électro mêlés de synthés et percus, sensible, émouvant, bien soutenu par un violon léger mais enrichissant.. un vrai plaisir donc, je l'écoute en ce moment même...

    Mais qui est Jan Garbarek ?
    Garbarek est un des rares musiciens que les amateurs peuvent reconnaître à la première note émise (tout comme Miles Davis, John Coltrane, Chet Baker, Hendrix, ou encore Paco De Lucia, etc.). Pourquoi ce privilège ? Parce qu'il a un son qui lui est propre, offrant une espèce de " musique - paysage " qui transporte instantanément, paisible, pure, contemplative, suggestive, maîtrisée, etc.
    Un article du Monde résume bien le personnage, élevé au son du saxophone incandescent de Coltrane, puis qui a tracé son propre sillon : cliquez ici
    De mon côté, voici l'"image-sensations" que j'en ai : je l'écoute depuis plus de 15 ans, sur CD et en concert quand il passe à proximité. J'adore son son et sa sensibilité, en particulier au saxophone soprano recourbé (comme sur la photo)... De plus, comme beaucoup d'artistes de jazz, ce saxophoniste a multiplié les rencontres, mais sans jamais se perdre.. : je l'ai découvert sur un disque de Keith Jarrett,Personal Mountains " . Je me souviens encore de la sensation : à l'époque, j'écoutais tous les disques de Jarrett, pianiste à part qui m'avait " accroché " sur des disques de Miles... Ce disque me chiffonnait, sans savoir pourquoi... Après de plusieurs écoutes, j'ai réalisé que j'étais littéralement captivé par ce saxophoniste qui arrivait à s'envoler au milieu des sortilèges du pianiste, me filant la chair de poule.. Après l'avoir identifié sur la pochette, j'ai cherché tous ses disques dans les médiathèques parisiennes, les copiant sur cassettes pour pouvoir les absorber au walkman (internet n'existait pas encore...). Je me souviens particulièrement d' " Eventyr ", rencontre improbable avec Nana Vasconselos et John Abercrombie.. Ou encore de " Legend of the seven dreams ", plus " norvégien " on dira, superbe...
    Puis vint un concert magnifique au New Morning, avec Miroslav Vitous et Airto Moreira, malheureusement non suivi d'un enregistrement ... Ou encore sa rencontre avec Mari Boine, chanteuse lapone moins extravagante que Bjork mais tout aussi intéressante..(1 morceau enregistré particulièrement représentatif de leur collaboration, le dernier de " Visible world "  ). Dans les années 90, Garbarek a notamment joué avec Manu Katché (" Twelve moons "), rencontré lors d'un concert (son propre batteur était malade, Manu Katché l'a remplacé au pied levé, depuis ils collaborent régulièrement ensemble). Puis il a enregistré un disque sublime avec Ustad Fateh Ali Khan, " Ragas and Sagas "  Entre-temps j'avais découvert la musique classique indo-pakistanaise et ses incursions jazzistiques, j'étais donc aux anges en écoutant ce disque, alliance des voix et instruments pakistanais au sax stratosphérique de Garbarek... Le morceau "Sagas" mis en images ci-dessous

    Puis un autre disque orientalisé, " Madar ", avec Anouar Brahem à l'oud, magnifique également.. Ensuite Garbarek s'est aventuré dans le classique, gravant un disque étonnant, " Officium ", avec des chanteurs grégoriens... superbe..

    La fin des années 90 fut marquée par un retour aux sources, des enregistrements avec ses comparses norvégiens, toujours aussi beaux mais moins surprenants... En concert, cela restait néanmoins captivant... Son dernier disque, enfin, me semble plus abouti que les précédents, dans la lignée de " Legend of seven dreams " on dira .. Voilà pour un simili-portrait à travers ses disques, ils sont tous disponibles si ça vous tente de voyager un peu avec lui... Vous pouvez aussi regarder ces vidéos, concert avec son groupe habituel puis en trio avec Vitous et Peter Erskine :

    Et pourquoi Zizou en vignette ?

    Tout simplement parce l'article du Monde évoqué plus haut était suivi d'un autre petit article ( cliquez ici ) où Garbarek parlait de son admiration pour le jeu de Zidane : "Voir quelqu'un qui contrôle le ballon comme Zidane, qui tente des choses aussi inspirantes dans les situations les plus inattendues, qui est toujours capable de recevoir et de donner la balle dans de bonnes conditions, c'est comme un musicien qui, pour improviser, doit être capable d'écouter ce qui se passe, formuler une idée et la transmettre de manière à inspirer les autres pour que la musique puisse aller de l'avant."
    Zidane a toujours été considéré comme un artiste du ballon, personnellement je suis toujours sidéré lorsque je le vois inventer des mouvements (comme dans la vidéo ci-dessous, bluffante..), seuls Maradona ou Platini auparavant (et sûrement d'autres, mais bon...) me surprenaient pareillement.. Mais je n'avais jamais fait le parallèle avec la continuelle inventivité du jazz... Aussi ce fut un vrai plaisir de lire cet article, surtout venant d'un des musiciens que je respecte le plus..
    Vidéo de gris gris zidaniens dans un gymnase avec des potes et un ballon qui m'a l'air en mousse...


    Pour conclure...

    En ces temps troublés, où les crispations précèdent la haine, où la tentation du repli est forte dans de nombreuses communautés, où on en chie tous les jours tout simplement, et d'autres beaucoup plus que nous bien sûr, la musique et le foot me semblent être 2 des dernières choses que le monde entier peut comprendre, apprécier et partager.. (bon, bien sûr, il y a aussi l'amour...) Que vous soyez blanc, rose, beige, noir, rouge ou vert, de religion X ou Y, de milieu modeste ou favorisé, si votre équipe favorite marque un but, vous explosez de joie, comme votre voisin au stade, quel qu'il soit... A un concert, lorsqu'un musicien s'envole et vous envoie des sensations profondes et propres à son univers, si vous les absorbez vous êtes aux anges... Je me souviens à l'instant d'un concert de Nitin Sawhney le lendemain du déclenchement de la guerre en Afghanistan en 2001 : il y avait une atmosphère pesante, comme si c'était incongru de se retrouver là, à assister à un concert... Puis vint la musique... Des anglais, des indiens, des pakistanais qui jouaient tous ensemble alors que les soldats anglais partaient bombarder un pays martyr depuis si longtemps... L'osmose s'est faite, ce fut le meilleur concert de Nitin auquel j'ai assisté, les musiciens se noyaient dans la musique pour mieux s'élever au-dessus, mêlant leur incompréhension face à la violence à leur art, fait d'échanges, de synergies et d'harmonie... Un pur bonheur...
    " La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. " Platon
    Sources image :


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  • Un petit mot sur ce disque de Talvin Singh qui est sorti récemment

    C'est l'enregistrement (malheureusement incomplet...) d'un concert magnifique qui a eu lieu à la basilique Saint-Denis (le tombeau de tous les rois de France...) en 2003, signant le retour de Talvin à une musique plus dépouillée et sereine.


    Ce musicien anglo-indien est né à Londres et mixe les 2 cultures à travers sa musique : joueur brillant de tablas, il manie également d'autres percussions, programme et mixe ses compositions..
    Ce concert de Saint-Denis, moins électronique que d'autres, mélange les instruments indiens classiques (flûte - bansuri, tablas, kanjira, kora..), la superbe voix de Ravi Prasad, de l'oud, des samples électro (dont des chants grégoriens..), du violoncelle...  La musique s'écoule paisiblement, tranquillement..  49 minutes de pur bonheur paisible, conclues par un tonnerre d'applaudissements...
    Le lieu était propice à l'interiorisation ("Song for the inner world", chanson pour le monde intérieur), j'avais peur que le disque sonne un peu creux, heureusement ce n'est pas du tout le cas... Donc si vous appréciez ce genre de mélanges (ou mélange des genres..), n'hésitez pas !

    Pour un aperçu de la musique de Talvin Singh, jetez un oeil à ce concert filmé à Montreux en 2006 où il joue des tablas en trio avec l'éclectique trompettiste français Erik Truffaz et Murcoff, musicien électronique mexicain :

    Ou encore ce morceau Jaan, issu de l'album Anokha, 1997

    En 1994 avec Bjork (cristalline..), "Come to me",  à leurs tous débuts filmés sur MTV unplugged


    "One day", du même concert :

    Et "Big time sensuality", pour finir (?)

    Une interview récente de Talvin : cliquez ici

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