• "Ecoutez, dit la dame pâle avec une étrange solennité, puisque tout le monde ici a raconté une histoire, j'en veux raconter une aussi. Docteur, vous ne direz pas que l'histoire n'est pas vraie; c'est la mienne... Vous allez savoir ce que la science n'a pas pu vous dire jusqu'à présent, docteur; vous allez savoir pourquoi je suis si pâle. En ce moment, un rayon de Lune glissa par la fenêtre à travers les rideaux, et, venant se jouer sur le canapé où elle était couchée, l'enveloppa d'une lumière bleuâtre qui semblait faire d'elle une statue de marbre noir couchée sur un tombeau. Pas une voix n'accueillit la proposition, mais le silence profond qui régna dans le salon annonça que chacun attendait avec anxiété..."

    La Dame pâle
    (1849) est un conte fantastique court extrait des Mille et un fantômes, d'Alexandre Dumas. Il propose une incursion inédite pour lui dans le domaine du Fantastique et compose là une histoire de vampire gothique, romanesque et captivante, au cœur des célèbres Carpathes. Il est édité aujourd'hui dans la très pratique collection Folio 2 Euros.

    Les Mille et un fantômes forme à l'origine une œuvre « à tiroirs » (comme Les Mille et une nuits) composée de plusieurs contes fantastiques, à laquelle s'intègre l'étrange histoire de La Dame Pâle.

    Résumé : Les invités d'un dîner - dont Alexandre Dumas lui-même - prennent la parole à tour de rôle et narrent devant l'assemblée une expérience redoutable qu'ils ont vécue. À chaque nouveau chapitre, un nouveau témoignage s'instaure, tous étant dédiés au thème de la vie après la mort. L'histoire de la mystérieuse Dame Pâle constitue l'un de ces récits à la première personne. Noble polonaise au teint d'albâtre, Hedwige raconte le drame advenu tandis qu'elle tentait de fuir sa demeure natale, assaillie par l'armée russe, pour les monts Carpathes. Sur le chemin du monastère de Sahastru, en pleine forêt moldave, son équipage est pris dans un guet-apens. Enlevée par Kostaki, chef des brigands, elle est contrainte de demeurer au château des Brancovan. Kostaki et son demi-frère aîné, Grégoriska, y vivent avec leur mère, la princesse Smérande, dernière descendante d'une illustre lignée. La jeune femme attise le désir des deux hommes, et une lutte fratricide s'engage jusqu'à la mort de Kostaki. Pour Hedwige, éprise de Grégoriska, ce décès inaugure un terrible supplice : chaque nuit, le frère maudit reviendra boire son sang, et l'entraîner un peu plus dans les ténèbres. Au terme de cet affrontement infernal, Hedwige fuira pour la France, ne conservant des visites du vampire d'autres stigmates que sa pâleur mortelle.

    (source doc. Culturofil)

    La Dame pâle est un conte romantique et pittoresque traitant du mythe du vampire, très répandu dans la littérature du XIXe siècle, et largement traité depuis (avec plus ou moins de bonheur.) Chez Dumas, l'héroïne doit le retour de son persécuteur au désir obsessionnel qu'elle lui inspire. Cette victoire - unilatérale et éphémère - de la passion sur le temps, obtenue au prix de la damnation terrestre, rappelle bien entendu les nombreux récits dédiés au mythe, qu'ils précèdent ou suivent le roman emblématique de Bram Stoker. Ici, la reddition du faux frère, créature nocturne, farouche et cruelle, réclame le sacrifice de son double diurne et distingué, le non moins ténébreux Grégoriska. A travers cette sombre histoire de mort amoureux, en écho à La Morte Amoureuse de Théophile Gautier, le lecteur assiste à la lutte du jour et de la nuit, des lumières de la culture européenne, qu'incarne le frère aîné, aux prises avec les ombres du monde sauvage où le vampire étend son règne.

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    "Les aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer."

    (Arthur Rimbaud)

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  • La haine du soleil

    (extrait)

    Car je te hais, Soleil, oh ! oui, je te hais comme
    L'impassible témoin des douleurs d'ici-bas...
    Chose de feu, sans coeur, je te hais comme un homme !
    L'être que nous aimons passe et tu ne meurs pas !
    L'oeil bleu, le vrai soleil qui nous verse la vie,
    Un jour perdra son feu, son azur, sa beauté,
    Et tu l'éclaireras de ta lumière impie,
    Insultant d'immortalité.

    Et voilà, vieux Soleil, pourquoi mon coeur t'abhorre !
    Voilà pourquoi je t'ai toujours haï, Soleil !
    Pourquoi je dis, le soir, quand le jour s'évapore :
    " Ah ! si c'était sa mort et non plus son sommeil ! "
    Voilà pourquoi je dis, quand tu sors d'un ciel sombre :
    " Bravo ! ses six mille ans l'ont enfin achevé !
    L'oeil du cyclope a donc enfin trouvé dans l'ombre
    La poutre qui l'aura crevé ! "

    Et que le sang en pleuve et sur nos fronts ruisselle,
    A la place où tombaient tes insolents rayons !
    Et que la plaie aussi nous paraisse éternelle
    Et mette six mille ans à saigner sur nos fronts !
    Nous n'aurons plus alors que la nuit et ses voiles,
    Plus de jour lumineux dans un ciel de saphir !
    Mais n'est-ce pas assez que le feu des étoiles
    Pour voir ce qu'on aime mourir ?


    Jules Barbey d'Aurevilly (1807-1889)

     

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    "C'est tellement mystérieux, le pays des larmes." 

    (Antoine de Saint-Exupéry)

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  • Psyché

    Psyché était une princesse humaine dont la beauté parfaite était jalousée par Aphrodite. Eros, son fils, fut séduit et l'enleva, lui faisant promettre toutefois de ne pas voir son visage divin. Eros exige l'obscurité et ceci est une nouvelle métaphore du Péché de Connaissance. Curieuse de découvrir son amant, Psyché posa pourtant les yeux sur lui à la lumière de la flamme. Il s'éveilla, brûlé par une goutte de cire, et s'enfuit. Aphrodite punit alors Psyché en l'humiliant à de basses besognes destinées à la purifier, la conduisant même aux Enfers. Eros la retrouva finalement et l'épousa dans l'Olympe où elle fut divinisée.

    Psyché est l'une des figures les plus abouties du paradoxe esthétique peut-être parce que le mythe y confronte la femme avec Eros lui-même, dieu ouranien du désir amoureux...

    On peut voir en Psyché la métaphore de la séduction sous sa forme perverse, de la perte de l'aspiration, de l'aveuglement par le désir. La réapparition finale d'Eros vient transcender la femme vaine et concupiscente ; elle devient alors le miroir où se reflète la vision vraie de l'amour physique, sublimée par le versant masculin.Tout comme les Sirènes personnifient l'âme sombre des défunts, Psyché est une allégorie de l'âme humaine (N'est-elle pas également devenue un objet de la vie quotidienne où l'on se mire ?).

    Lorsqu'Eros, puissance masculine terrestre, part chercher son âme, c'est dans les profondeurs infernales de la Terre qu'une femme, Psyché, l'a emportée.Cette allégorie de la belle dame / reflet du poète fut chantée par La Fontaine dans Les Amours de Psyché, par Corneille et Molière puis par E. Poe dans Ulalume où son côté thanatique est pacifié. On l'appelle « Psyché mon âme » (Poe), « Harmonieuse Moi, Mystérieuse Moi » (Paul Valéry),  « une si exquise dame anormale » (Mallarmé.) Celle qui est l'Autre est aussi soi pour le poète. Psyché, l'âme de l'homme, des idées, des entités, de la nature et de ses puissances paradoxales est aussi le double mystérieux de l'homme, son Moi obscur, celui qu'il ne comprend pas, son origine (par la Mère) et sa fin (par la Mort.)

    Par conséquent, l'homme contemporain qui perçoit sa propre duplicité recrée le mythe ; il assimile la mauvaise femme à la nature sauvage extérieure mais aussi à sa nature sauvage intérieure : celle de son esprit. Néanmoins ; si pour l'homme, l'artiste, le poète ou l'auteur fantastique, la femme devient la muse, le tableau, la mère... elle devient aussi un instrument de reproduction de soi. Elle en est réduite à rester psyché, le reflet de sa propre image, un miroir.

    Mais qu'est-ce qu'un miroir sans reflet ?

    Que se passe-t-il lorsque l'homme ne se mire plus dans la femme, lorsqu'il n'y cherche plus son âme ? La fonction du miroir est pervertie. Sans l'homme, sans l'Eros, la femme est néant, espace vide, vain et immobile. En somme, le visage le plus parfait de soi qu'elle peut renvoyer par l'amour, c'est l'illusion du Beau. Mais en tant qu'œuvre d'art, universelle, lisse, impénétrable, elle n'est plus Psyché – femme par rapport à un homme – elle est femme tout simplement et la féminité seule pétrifie.

    Ligeia


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