• Sacre de Michel Dunand

    Quelque part, dans la lumière


    Michel Dunand voyage. On le sait. A travers plusieurs livres, déjà, il tient le journal intermittent de ses errances. Ici, pourtant, le voyage se fait paradoxal. Car, plus encore que dans les textes précédents, il a lieu dehors-dedans ou dedans-dehors. Il faudrait un mot pour dire cette inséparation. Car si les voyages de Michel Dunand se font évidemment dehors, loin, parfois, ils se font aussi et du même mouvement dedans. De cette dualité » affirmée et refusée à la fois, témoigne la composition du recueil. Deux parties : « Pondichéry »  — le voyage extérieur ; « Sacre » — le voyage intérieur. Tous deux coiffés par le titre de la seconde — Sacre — qui les réunit, les confond dans leur différence.
        L’écriture elliptique de Michel Dunand donne à sentir, à penser. Elle est regard  et corps — corps-regard. Elle vous prend par la main et vous lâche soudain, seul, en plein milieu. De quoi ? En plein milieu du monde. Avec ses beautés (« On entend si rarement la rue respirer ») et ses horreurs (« On meurt souvent sur le trottoir, / c’est vrai. »).
        Le voyage à Pondichéry n’est, en fait, qu’une propédeutique à l’autre voyage. Celui du corps-désir. Il l’annonce. Il nous y conduit : « Tout le corps n’est que regard / Et le regard soleil ». Soudain, on y est. On est dans l’amour : « Enduis-moi / de sueur / de parfum / de couleur / de baisers // Fais-moi vivre. / Exister. »
    L’amour c’est le corps — tout le corps. En résonance avec l’autre corps. Il est perte et surgissement. Ecoutez, il s’agit de vie et de mort — de mort et de vie :

    Je me dévore
    en t’attendant 

    Ton corps agit
    tel un tambour 

    un merveilleux 
    révélateur

    *

    Je me dévore 
    en attendant 
    d’être avalé.

    L’amour est ce ravage, cette dévastation. Michel Dunand trouve pour le dire une intensité et une justesse de langage qui est la poésie même : « J’arrose un feu dans ma poitrine. Il n’est question que de survie ». Dans certaines de ces courtes proses , on pense à Rimbaud, ici évoqué, invoqué trois fois. A celui des Déserts de l’amour, en particulier. Même violence contenue, même détachement de l’imparfait qui rend plus forte la méditation : « J’aimais un corps. Un corps, avant tout. Un corps, rien que cela. Mais tellement, tellement plus que cela ».   
    Et parce que, dans l’amour, c’est le corps tout entier qui est en jeu, le corps devient plus que lui-même. Alors, on frôle quelque chose de ce que suggère le titre. Quelque chose de plus grand que soi : « Que de bleu ! / La main / de Dieu, / sans doute ».
        Avec ce recueil, la poésie de Michel Dunand prend une ampleur que ne faisaient qu’annoncer les titres précédents. Ici, on entre. Là où il n’est plus ni horizon, ni limite. Quelque part où dedans et dehors sont la même lumière

    J’ai bien connu le soleil. Je le revois souvent. Le
            cœur est partout.
           
            Immense et partout.


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