• Le week-end approchant, pour s'ambiancer le gland, c'est…
    [Vendredi et rap qui rit]
     

    [Vendredi et rap qui rit]

    Nous allons aujourd'hui rendre un hommage appuyé à "L'empereur", alias, celui avec qui je partage, tout de même, le goût du pseudo en-dessous de la ceinture, le susnommé AlKpote.
    Il faut le savoir, Al, son business c'est la "pute". D'ailleurs sur son site sucemapute.fr, on peut y acheter pour 27 euros, les tee-shirt "CROUSTIPUTE", "PUPUPUPUTE", "MEGAPUTE", "TURBOPUTE", "TRIPLEPUTE" ou "PROSTIPUTE".
     
    Une bien belle collection aux manches aussi courtes que la panoplie de ses centres d’intérêt.
     
    Mais Al ne centre pas toute sa carrière sur sa teub, car il aussi du pif. Il a compris que la vulgarité misogyne n’était plus vraiment en odeur de sainteté ! Comme il sait surfer sur l'air du temps, il nous a d’abord pondu un clip très LGBT-washing en acceuillant Bilal Hassani en feat. puis dernièrement, a donné le meilleur de son feminism-washing avec son clip "Belles", une soi-disante ode aux femmes.
     
    Dans ce son, notre Julien "femmes-je-vous-aime" du rap attaque fort avec :
    « J’aime toutes les femmes depuis toujours
    Quand il fait nuit, quand il fait jour
    J'aime leur silhouette, j'aime leurs contours
    L'Empereur ne manque jamais d'amour »
     
    Mais on a à peine sorti les violons que l’animal chauve à sang bouillant nous exhibe son ouvre-boite pour explorer le génital :
    « J’veux voir ta beauté d'l'intérieur
    L'Empereur, l'ouvreur, l'explorateur »
     
    En gros, chassez le naturel, il revient au galop.
     
    "Toutes les femmes sont belles, c'est c'que la vie m'apprend
    Mais, pour en être sûr, faut qu'j'te voie de plus près
    Sans artifice, sans tous ces vêtements"
     
    Ben tiens, pour Al, la beauté se déguste donc à poil et en circuit court s’il-vous-plait ! En effet, Al a bien capté que le monde était en danger et, en vrai survivaliste, il ne prend plus l'avion pour s'orientaliser le gland. Ses voyages onaniques se déroulent désormais à portée de mains.
     
    "J'veux faire du tourisme, j'veux visiter tes hémisphères globalisés"
     
    Et j'en suis certain, ce natif du Xème arrondissement parisien saura vous embarquer.
    Bon WE !

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  • (Causette n°125)
     

    Ras le Fem ! (qu'ils disaient)

     
    « Monsieur, franchement, on en a marre du féminisme. La prof de français nous a fait l’année dessus ! À l’oral ? Le féminisme ! À l’écrit ? Le féminisme ! Limite elle nous suivait à la cantine pour nous faire bouffer du féminisme ! Alors si on peut parler d’autre chose, allez-y !
    – On peut causer sida, herpès ou blenno, si ça peut te détendre ! » lui ai-je répondu. Et son visage s’est illuminé. La chtouille plutôt que le féminisme, la pustule plutôt que l’ablation, le mec avait bel et bien pris le parti de sauver une partie de ses parties !
     
    Ce ras-le-bol exprimé par un lycéen de l’Essonne révèle un sentiment qui croît dans la gent masculine, toutes générations confondues. La saturation des hommes cisgenres devant la déferlante de comptes Instagram, chaînes YouTube, livres et prises de parole féministes est bien réelle. Certes, on peut ironiser sur les fils d’actu des fâcheux avec des #Ouin-ouin ou des #MaleTears, choisir de ghoster Pierre, Paul et Jacques en « sortant de l’hétérosexualité » comme Ovidie ou Chloé Delaume, mais mon job m’invite plutôt à identifier les ratés et à améliorer la transmission des messages. Après l’empathie suscitée par #MeToo, les mecs cis auraient donc atteint leur plafond de verre dans les engagements égalitaires. Du coup, comment remotiver les bonnes volontés pour passer à l’étage supérieur de la déconstruction ?
     
    « Monsieur, les féministes sont souvent des extrémistes ! » a affirmé un jeune, faisant référence à la vidéo de Marie s’infiltre dans la marche #NousToutes, entourée d’hommes enchaînés portant des colliers de chien.
    Forcément, il y a eu un peu de surenchère : « A Paris, j’ai vu une manif de féministes extrémistes qui brulaient des voitures de sports, genre Porche etc… » Pour lui, ces femmes montraient un vrai signe de jalousie vis à vis des hommes qui gagnent plus qu'elles et en profitent pour se faire mécaniquement plaisir ! Comme je ne me souvenais pas d’une telle manifestation, je me suis demandé s’il ne confondait pas Nous Toutes et les Gilets Jaunes. Une sorte de daltonien masculin qui verrait du mauve à la place du jaune…
    Une fille lui a répondu qu’il y avait des extrémistes dans tous les mouvements. « Les vegans qui attaquent des boucheries, des musulmans extrémistes qui font des attentats… Faut pas généraliser un mouvement à quelques actions violentes ».
    « Les féministes veulent l’égalité, mais elles passent leur temps à dire que les hommes sont des ordures ! » a repris un autre, profitant de l’ouverture du guichet réclamations. Pas simple d’expliquer à des mecs de 15 ans que le fameux #Allmenaretrash ne les concerne pas directement, mais cible les hommes en tant que groupe social afin de les inviter à s’interroger. J’ai tellement ramé sur le sujet que j’ai fini l’année scolaire bâti comme Schwarzy.
     
    Depuis quelque temps, un doute m’étreint quant à la communication de notre positionnement de mecs féministes, alliés, soutiens, camarades de lutte… Rien que sur la dénomination employée pour se définir, sachez qu’on est attendu comme le Polanski à la frontière suisse. On peut se branler la nouille pendant des heures sans trouver le terme qui passe crème. Mais qu’importe l’appellation pourvu qu’on ait l’envie de révolutionner.
    En tant que mec cis, hétéro, il faut accepter de militer tout en se faisant sniper sur ses privilèges. Pour s’y préparer, on pourrait éditer une sorte de Call of Duty, Modern Warfem pour apprentis féministes avec pour mission de déconstruire un max de privilèges sous les feux croisés d’une escouade commandée par Despentes et Solanas en duo modélisé. Et, qui sait, l’engagement à la sauce ludique pourrait en convertir plus d’un sur Twitch ou sur Discord !
     
    Force est de constater que les ­garçons cis qui souhaiteraient s’engager dans les luttes antisexistes manquent cruellement de modèles, là où les filles et les minorités de genre ont pléthore de personnalités talentueuses, créatrices de contenus, donc inspirantes ! On les sent bien tendus du slip, les mecs luttant pour leur AOC féministe quand ils prennent la parole, craignant le rejet de leurs pairs, mais aussi la critique des féministes jugeant problématiques leurs prises de position. Du coup, ils marchent sur leurs œufs pour causer virilité, ont un mal fou à conjuguer décontraction et masculinité pour sensibiliser les plus rétifs. Laurent Sciamma est une bonne tête d’affiche, mais ce sont majoritairement des femmes qui vont voir le Bonhomme sur scène.
    Dans le premier numéro de La Déferlante, Martin Page, éditeur engagé, questionne notre capacité à être vraiment féministes, écrivant : « Nous serons toujours des alliés décevants. » Même si on maîtrise les mécanismes de pensée qui amènent à ce constat, ce n’est pas très vendeur pour les non-initiés ! Dans son Petit Guide du « disempowerment » pour hommes proféministes, Francis Dupuis-Déri donnait déjà, en 2014, des pistes pour se positionner au bon endroit, mais son texte (disponible en PDF) mériterait une adaptation aux nouveaux codes relationnels. Par exemple, le type qui collerait au concept de boys watch (veille masculine), soit surveiller le comportement des autres hommes, pourrait aisément passer pour la balance de service et y laisser sa peau.
    Jablonka, autre mâle féministe, se présente ainsi dans une interview donnée à Causette : « Je n’aime pas la culture virile, je suis loin d’être costaud, je suis même fragile, tant physiquement que psychologiquement, et je suis un dragueur nul. En ce sens, je corresponds à un modèle de masculinité ratée. » En présentant l’homme féministe comme fragile, nul ou raté, on ne devient pas un prophète de l’égalité dans les lycées, face à des ados à l’estime de soi souvent précaire. En même temps, il faut être conscient que l’essayiste, heureux père de trois filles, n’a pas eu à se tartiner le poids de la transmission entre couilles, avec tous les conflits de loyauté qui vont avec !
    Après avoir exposé son engagement féministe et sa sensibilité dans un TEDx à La Rochelle, le journaliste Thomas Messias est accusé d’« abuser du tofu » par ses détracteurs. Sa posture d’« homme soja » (soit un mec qui aurait perdu sa virilité à cause d’une nourriture « trop féminisée ») y est moquée. Les comptes Insta « Pénis de table » ou « Les garçons parlent », eux, ne sont pas suivis par les ados. Celui de Guillaume Froun, auteur du compte Instagram Tu bandes, propose de nous « aider à nous connecter à notre cœur », mais à condition de le faire torse nu, avec des abdos et en mode BG. Vérité ou téléréalité ?
    Pour l’instant, le féminisme au ­masculin tel que nous l’incarnons ne vaut pas tripette, parce qu’il se focalise plus sur l’être que sur le faire. Or, toute lutte réclame des actes !
     
    Le problème n’est pas la virilité, mais comment elle s’inscrit dans nos relations aux autres ! « Il y a la virilité et il y a l’infection virile, avec ses millénaires de possession, de vanité et de peur de perdre », écrivait Romain Gary *. Comment limiter la propagation de cette « infection virile » de pères en fils en y associant les concernés ? Arrêtons de tergiverser et traitons-la comme une banale IST, en dépistant massivement la violence patriarcale, en soignant au KingKongTheoryl® les chancres misogynes tenaces et en vaccinant dès la maternelle au Testocalm®. On pourrait même créer un « passe féministe », avec un « queer code » attestant de bonnes dispositions vis-à-vis de la non-binarité, et en terminer avec cette foutue épidémie de virilité toxique qui tue depuis la nuit d’Adam. En espérant que les boys clubs n’aillent pas battre le pavé en arborant des triangles roses et en scandant des slogans anti« féminazies »… 
     
    * Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable, de Romain Gary.

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  • Le week-end approchant, pour s'ambiancer le gland, c'est
    [Vendredi et rap qui rit]

    [Vendredi et rap qui rit]

     
     
    Aujourd'hui, faisons un petit tour chez Damso, coiffeur pour dames…
     
    Sachez-le, Damso est malheureux. Il n'arrive pas à exprimer ses sentiments et du coup ses mots d'amour sont terriblement brefs ! Par contre le sexe, c'est son truc à Damso. Et son petit kif, c'est l'éjac finale dans les cheveux de sa partenaire comme il nous l'explique dans "Cœur en miettes" :
     
    "Rien qu'à entendre mes textes, elle se dit que j'aime que le sexe
    C'est juste que l'amour et moi se terminent par un "bref"
    Que des chiennes sans laisse, me-sper sur les tresses
    Que je laisse, mon amour étant c'que tu lèches, Dems"
     
    Mais attention Damso n'aime brièvement que les femmes libres, "les chiennes sans laisse". Ce n'est pas le genre à s'attacher le lascar ! Mais quittons la chambre et passons au salon… de coiffure bien sûr.
     
    Damso avait déjà abordé son savoir-faire capillaire dans BruxellesVie, où il proposait la formule shampoing-coloration ("colo") à un prix défiant toute concurrence :
     
    "J'suis dans sa schneck, j'y vais mollo
    Va prendre cher, toucher le gros lot
    J'balance la sauce sur ses tresses
    Au point qu'son mec a cru qu'c'était une colo'"
     
    Donc si votre ado vous soutient qu'iel kiffe le flow de Damso, branchez le sèche-cheveux et faites le tourner sur deux.

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  • Mignons, allons voir si la rose

    Photo tirée du film de Maïmouna Doucouré, "Mignonnes"

     

    Je n’avais plus mis les pieds dans un CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) spécialisé dans l’accueil mères/enfants, depuis mon départ de Solidarité Enfants Sida, vingt ans auparavant. De nombreuses femmes suivies par l’association étaient hébergées par ces structures sociales, où elles pouvaient, avec leurs enfants, souffler un peu après des parcours migratoires chaotiques, la découverte de leur séropositivité ou les traumas causés par des violences conjugales et/ou sexuelles. J’étais donc, à nouveau devant un de ces centres au cœur de Paris, hanté par ces visages du passé. Une petite bande de mecs bruyants qui tapaient la balle sur le bitume du parvis m’a sorti de ma séquence nostalgie. Ils jouaient sous le regard maternant de quelques femmes qui jouissaient des premiers rayons du soleil d’avril.
    Un des jeunes m’a immédiatement interpellé :
    "- C’est vous qui venez parler « hum-hum » avec nous ?"
    Si les boites de nuit n’étaient pas fermées, le gamin aurait pu postuler comme physio.

    La rencontre avait été programmée par l’équipe éducative, à la demande des garçons exclus d’une séance sur les menstruations, organisée en non mixité par le Planning. On allait donc échanger sur le « hum-hum » et autant dire que l’intitulé pouvait nous embarquer dans des gorges très profondes.
    J’avais donc en face de moi, dans une pièce servant habituellement de réfectoire, quatre jeunes garçons, entre le CM2 et la 6ème, excités comme des morpions à l’appel de la toison. D’entrée, ils ont loué mon expertise des choses du sexe, préjugeant que mes quatre bagues symbolisaient autant de mariages. Ils m’ont même diagnostiqué une infidélité pathologique ! Être supposément marié plusieurs fois faisait-il de moi une bête de sexe ? J’ai parlé d’asexualité mais ça n’a pas trop matché avec leur vision du couple, théâtre selon eux de toutes les expérimentations corporelles. L’infidélité posait aussi la question de leur vision de l’amour, de la possession, voire du contrôle. Sujet pas facile à aborder avec des gamins ayant vécu la rupture, parfois violente, du couple formé par leurs parents. De plus, dans leur cas, évoquer l’infidélité c’était convoquer l’absence, en l’occurence celle du père.  

    Ils m’ont littéralement mitraillé de questions, passant du sida au strip-tease, des cris de l'amour aux chattes mouillées, des boules qui twerkent aux poils pubiens. Ils avaient la langue bien pendue des gamins qui vivent en collectivité. En quelques minutes, j’ai eu droit à toute la panoplie des joies du net, une sorte de Brut du cul, capté ici et là et probablement en partie fantasmé. J’en ai presque oublié qu’ils n’avaient que 10/11 ans. En répondant du tac au tac, j’ai vite été débordé par leur hyperactivité.
    Au milieu de cette avalanche de chair, la question des poils a émergé. Ils ont évoqué Ava, l’héroïne du film de Léa Mysius. Devant la scène où la jeune ado évolue nue sur la plage, ils avaient pris sa toison fournie pour une culotte noire, avant qu’un plus grand ne leur stipule que le triangle de son entre-jambe était formé par ses poils pubiens. Ils se demandaient si « toutes les meufs en avaient autant sur la chatte ». J’ai évoqué la diversité des corps et les injonctions sur ceux des femmes en m’appuyant sur la série Libres! de Diglee et Ovidie. Les mecs réclament des femmes qu’elles s’épilent pour ne pas être concurrencés sur leur terrain réservé de la virilité. Et puis, d’un point de vue purement économique, le marché de l’épilation générant deux milliards d’euros par an, l’industrie de l’hygiène fait tout pour ça dure ! L’un d’eux a balayé mes arguments : « Elles se rasent parce qu’elles ont peur de rester seules ! Moi je ne me marrie pas avec un gros tas de poils comme ça. »
     

    Puisque l’amour nuptial ne résistait pas à la pilosité, je suis revenu à du concret, en signalant les risques accrus de mycoses liés au rasage. J’ai sorti un paquet de capotes de mon sac et ils ont hurlé, exactement comme les Mignonnes du film de Maimouna Doucouré, quand Coumba souffle dans un préservatif usagé. Malins, ils en ont profité pour exiger des explications sur la présence de capotes dans le bureau des éducs, laissées à la disposition des usagères du centre. Vu que ça pouvait concerner leurs mères, quelques vannes ont fusé que, par expérience, j’ai immédiatement censuré. J’ai conservé le vif souvenir d’une bagarre après un « ta mère est tellement chaude qu’on peut faire cuire du maïs dans sa chatte », qui avait fait jaillir de sa chaise l’intéressé tel un pop-corn éclaté.
     

    À mieux les regarder, il y avait un côté Mignonnes au masculin dans ce groupe, vivant comme Angelica et Amy, les deux héroïnes, dans une structure collective. L’un d’eux avait même du linge à récupérer, comme dans le film. On a évoqué la place de la lingerie commune dans Mignonnes, véritable refuge de l’intime, où les filles s’apprêtent, révisent leurs chorégraphies et partagent leurs secrets loin des oreilles des adultes. Comme je leur demandais s’ils étaient du genre à se déhancher au rythme des tambours, l’un d’eux m’a répondu que, contrairement à Amy, il ne « faisait pas la pute sur les réseaux ». Justement, l’hyper sexualisation des filles, ils en pensaient quoi nos Mignons ? Pour éviter de s’exposer, ils ont convoqué la parole de Léo, un mec très populaire qui avait déménagé. L’absent a endossé le costume du sheitan, portant la responsabilité des conneries non assumées. Une sorte de beau gosse au gros doss. « Léo, il disait que les meufs comme ça, elles ne se respectent pas. » En grattant le vernis du respect, j’ai exhumé le religieux. Dans le film, Amy cache son smartphone sous son voile à la mosquée pour mater, en pleine prière, la rappeuse Cardi B twerker, mais eux aussi se camouflent derrière Léo pour ne pas assumer leur intérêt pour le « hum-hum ». Et si en chacun de nous sommeillait un Léo, toujours prompt à transgresser ? Léo, c’était « le roi, LA majesté sur le sexe ! une majesté mais pervers », a résumé le plus jeune. On sentait de l’admiration pour cet autre qui assumait le haram sans redouter le courroux des parents et du tout-puissant. Mais le mot pervers exprimait aussi sa crainte d’être débordé par ces trucs d’adultes, où des « mecs pissaient dans la bouche de femmes », du Léo dans le texte, ou plutôt dans le sexe puisque c’est ainsi qu’il leur avait décrit la fellation.
     

    Après une démo de la pose de capotes qu’ils m’ont réclamée, ils sont retournés footer comme si de rien n’était. Un peu comme Amy qui quitte la scène en pleine chorégraphie sexy pour faire de la corde à sauter. Des jeux d’enfants, comme dans l’ancien temps. Celui d’avant le cul en 5G.


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  • Éducation à la santé : Manu l’a tuer !

     

    [à François]

     
    Comme si l’ambiance n’était pas assez plombée, je me suis fait un bon shoot lacrymal en visionnant It’s a Sin, la minisérie sur le sida réalisée par Russell T. Davies. Même si la BO sonne eighties et que le virus n’est pas le même, le merdier pandémique actuel a un goût de revenez-y. It’s a Sin rouvre le dossier du début du sida où toute une génération de jeunes gays, souvent frappés d’ostracisme familial, est fauchée par un virus inconnu. Point de salut pour ceux qui ont péché (sin) par homosexualité, pensaient les réacs. Sida is disco*, répondait Act Up. Aujourd’hui aussi, d’autres parias, les usager·ères d’Ehpad, les personnes obèses ou les premier·ères de corvée, agonisent sous les néons des salles de réa, puis sont enterré·es comme des pestiféré·es en petit comité. La seule différence entre les deux épidémies, c’est l’âge de celles et ceux qui nous quittent… et probablement la bande-son. Covid is (en) marche funèbre.
     
    Au sujet de la série, j’aimerais revenir sur cette scène où Ritchie, le personnage principal, dans le déni d’une éventuelle séropositivité, s’essaie frénétiquement à l’auto­médication : œufs gobés et ingestion de vitamines, de graines de lin, de lécithine mélangée à du beurre fondu, de son urine et même d’acide de batterie.
    Dans la course à la survie, la panique et l’absence d’informations fiables poussent les plus vulnérables à ne négliger aucune hypothèse thérapeutique. Aujourd’hui, amplifiée par les réseaux sociaux, la quête du remède miracle est toujours d’actualité et on l’a constaté avec l’hydroxychloroquine, la nicotine, l’injection de Javel, l’overdose de vitamine D et toutes les ordonnances des apothicaires du Net. Dans ce climat anxiogène, augmenté par le décompte morbide journalier des hospitalisations, on y perd notre latin et notre esprit critique. Plus grave, quand la circulation de l’information est pyramidale et non collaborative, la suspicion, voire la conspiration gagne les esprits.
     
    J’accuse nos gouvernants d’avoir souillé la mémoire des 32 millions de morts du sida par leur gestion erratique de la crise. Masques ou pas, confinements ou pas, tests ou pas, vaccins ou pas… Avec leurs tergiversations chroniques suivies d’oukases, ils ont ruiné les fondations d’une éducation à la santé participative, inclusive et respectueuse de tous et toutes, façonnée en quarante années de lutte contre le VIH. En un an, ils ont mis sous perfusion la solidarité, l’empathie, le devoir de mémoire, l’accompagnement de fin de vie, le lien intergénérationnel et le plus important, la confiance en nos soignants.
    Leur manière d’imposer leurs choix à l’Assemblée, sans concertation, m’a rendu nostalgique des RH (réunions ­hebdomadaires) d’Act Up dans les années 1990, avec l’esprit collaboratif qui les animait. Je conserve un souvenir ému de la richesse des débats, de la somme des intelligences mise au service de la lutte contre le virus, du partage d’idées pour préparer les actions militantes. Les malades du sida et leurs allié·es avaient créé une démocratie sanitaire éclairée, permettant aux patient·es d’être acteurs et actrices de leur prise en charge. Ils l’ont écrasée à coups d’attestations et de PV.
     
    Parallèlement, en 1986, la charte d’Ottawa a posé les grands principes de la promotion de la santé, stipulant que celle-ci devait être « le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle-ci ». La charte se réfère à la définition de la santé de l’OMS qui dit entre autres, tenez-vous bien, que « la participation de la population est essentielle dans toute action de promotion de la santé ». Pas besoin de sortir de l’ENA pour capter que pour que les individus exploitent pleinement leur potentiel santé, il faut qu’ils puissent s’appuyer sur un environnement favorable, aient accès à l’information, développent les aptitudes nécessaires pour faire des choix judicieux !
    La triplette Macron-Castex-Véran nous a renvoyé·es à la préhistoire de l’éducation en nous infantilisant à chacune de ses allocutions et en évitant soigneusement d’interroger les raisons du manque d’adhésion aux mesures imposées. Pire, les jugements moraux ont fleuri comme au début de l’épidémie de sida, pointant l’absence de masques en lieu et place – enfin, pas tout à fait – des capotes.
     
    Je me souviens aussi de la naissance, en 1992, du TRT-5, un collectif interassociatif qui intervenait auprès des pouvoirs publics sur des questions liées à la recherche, à la politique du médicament ainsi qu’à la qualité de la prise en charge médicale et du parcours de santé. Aujourd’hui, ce groupe exerce toujours une veille éthique permanente sur tous les essais cliniques. Concernant le Covid-19, la collaboration avec les acteur·trices de terrain est inexistante. Il ne nous reste que Twitter pour pleurer, se fédérer et échanger, les personnes en Covid long en sont un exemple frappant.
     
    Mais nous ne sommes pas dupes et le dernier rapport annuel d’Amnesty International appuie là où ça fait mal : nombre de dirigeant·es ont profité de cette crise pour diaboliser la science, continuer à fragiliser nos systèmes de santé publique, discriminer des personnes déjà fragilisées (les constats moralisateurs sur l’incidence virale en Seine-Saint-Denis) et instrumentaliser ce virus pour lancer de nouvelles attaques contre nos droits (loi « sécurité globale »). Comment garder de la crédibilité dans l’accompagnement des jeunes vers leur autonomisation et la prise en charge de leur santé, quand tous les choix faits par ce gouvernement vont à rebours ? D’autant plus que ces mêmes jeunes ont servi de lampistes pour masquer les ratés stratégiques.
     
    « Knowledge is a weapon » (la connaissance est une arme). J’ai porté ce tee-shirt d’Act Up jusqu’au bout de sa vie ­textile. Mais la connaissance qui se partageait est désormais confisquée et distillée en fonction des besoins politiques. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a affirmé que 2,2 millions de PV avaient été dressés depuis mars dernier. On n’est plus dans l’éducation à la santé, mais bel et bien sous une dictature sanitaire, imposant sa vision libérale d’une santé qui doit rapporter. Manquerait plus qu’ils nous imposent un programme de rééducation à la santé. Confiné·es au violon, quoi.
     
    Dr Kpote
    * Slogan d’Act Up faisant référence à la house music, le « disco » de l’électro qui a accompagné les concernés dans les clubs, les manifs, mais aussi au crématorium.

    Photo © emma wondra


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