• Des mecs en plein burnes-out

    La tumescence pénienne nocturne, c’est cette fameuse érection du matin qui ébranle les certitudes des scientifiques, défie le sens de l’équilibre et nous donne l’illusion de mener le monde à la baguette dès le chant du coq. Ce matin-là de décembre, ma tumescence a rapidement décliné, alors que je tentais, en vain, de démarrer le chauffage de mon véhicule, à sept heures du matin par-2 °C.Je devais rallier Longjumeau, dans l’Essonne, pour y rencontrer une vingtaine de garçons en première électrotechnique, probablement en hyperthermie hormonale,rien que pour m’énerver. Pendant le trajet, je n’ai fait que pester derrière mon pare-brise embué. Heureusement, l’accueil plein d’empathie de l’infirmière m’a redonné de l’énergie pour « susciter l’envie et l’enthousiasme du groupe »,comme c’est naïvement écrit dans les manuels d’éducation à la santé.

    La classe s’est installée au bruit des chaises qu’on maltraite,avec son lot d’endormis, de mal lunés et de béatifiés au THC. Classiquement, à l’énoncé du sujet abordé, ils ont déplié la panoplie de Super Queutard, vendant à la criée le nombre de filles emballées. « J’en ai baisé dix-huit »a mis la barre très haut, et la surenchère à la dizaine a débuté.On a tutoyé des scores chimériques, vu l’âge des participants,impossible à atteindre sous peine d’avoir les « couilles en sachet de thé », résumera l’un d’entre eux. Période des soldes oblige, j’ai toléré ce grand moment de liquidation de la testostérone accumulée pendant la nuit.

    Dans la communauté des mâles, quand on cause performance, on envoie du chiffre. Après le nombre de conquêtes, on est passé naturellement au nombre de centimètres. Mais étrangement, plutôt que de s’envoyer des mesures dans la face, ils ont échangé sur la pression que les filles leur font parfois subir. Aussitôt, le ton s’est fait plus confidentiel, comme à confesse. Les meufs, elles n’aiment pas si c’est trop petit. Devant la grille, une fille avait identifié l’un d’eux comme un nabot du sexe, info qu’elle s’était empressée de relayer aux copines sur Facebook. Le type visé a cherché à se rassurer : « M’sieur, si la personne qui parle ne l’a pas touché, elle ne peut pas deviner la taille de mon sexe, non ? »Potentiellement tous concernés, ils attendaient ma réponse comme parole d’évangile pour clouer le bec de toutes ces poules castratrices.

    On a devisé sur les fameuses bosses au niveau de la braguette et de leur absence chez les « pédés en slim ». Certains ont assuré s’entraîner à marcher le bassin légèrement en avant pour mieux se la péter. Finalement, tous ont reconnu que l’agression en dessous de la ceinture faisait souvent mouche tant l’homme obtient de la considération à la grosseur de ses mensurations. La taille du sexe, chez les mecs, induit un vrai trouble dissociatif à la sauce grecque – où la perception du vît oscille entre talon d’Achille et biceps d’Hercule. Un véritable mythe pend entre nos jambes et tant que le monde sera monde, les hommes préféreront se voir de profil devant le miroir que se regarder en face. Même les publicités y vont de leurs coups bas en affichant des types tout en muscles qui s’exhibent en caleçons moulants et en mode dromadaire. Signe des temps, les garçons subissent à leur tour la pression du corps parfait et commencent à psychoter. Logique alors que les filles en profitent pour se venger.

    Survivre dans la norme masculine et prouver sans cesse sa puissance demandent une vigilance de tous les instants. Ils ont raconté que parfois, ils se trouvaient « cons »en groupe, qu’ils effrayaient les filles en les apostrophant violemment mais qu’ils ne pouvaient faire autrement, par mimétisme clanique. « On a une réputation de merde mais on l’a bien cherché en laissant croire qu’on veut toujours baiser. »Qu’attendaient-ils pour changer cela ? Pourquoi ne pas laisser parler leurs doutes, leur sensibilité comme ils le faisaient là ?C’est la faute à la société, se sont-ils dédouanés. En fait,aucun ne se sentait l’âme révolutionnaire, capable d’insuffler le grand changement du mâle attentionné, découvrant sa fragilité au monde entier. La virilité doit se vivre dans un théâtre d’hommes, comme un rôle de composition qui transforme l’ego en queue de paon.

    Le plus difficile pour un garçon, c’est d’exprimer son peu d’appétence pour la gaudriole. La moindre baisse d’érection le fait passer pour une lopette et il craint que ça fasse le tour d’Internet. Du coup, il use de subterfuges pour éviter ces capotes qui serrent et qui provoquent des pannes. Mieux vaut « risquer l’IST que passer pour un pédé ». Quand ils ont un doute, une baisse de libido, ils invoquent la fatigue, la baisse de forme pour refuser un rapport sexuel, mais jamais le manque de désir. Être un mec, c’est toujours s’étalonner dans la performance physique et le « toujours prêt ». Je les ai trouvés tellement sincères sans la présence des filles que j’ai presque douté de l’intérêt de la mixité.

    Et puis, le premier samedi de cette nouvelle année, en zappant un dernier coup, histoire de réviser avant d’aller me coucher, je suis tombé sur le Journal du hard,sur Canal+. Une jeune rouquine actrice X, à peine plus âgée qu’eux, expliquait que pour rester au top, elle faisait en sorte d’être toujours plus performante, d’améliorer sans cesse ses prouesses techniques. À force de performance, vous verrez qu’on finira tous en burne-out.


  • Commentaires

    1
    Mardi 4 Mars 2014 à 08:17
    toujours l'amour...
    Et l'amour dans tout ça ? A force de faire fi des sentiments, on finira un jour par zapper "par hasard", sur le journal du hard, les samedi soirs où on a juste envie d'un peu d'amour... ;-)
    2
    Jeudi 20 Mars 2014 à 18:58
    touchant
    C'est touchant cette réaction, mais c'est vrai, en tant que femme, plutôt ouverte d'esprit, les petites c'est moins bien. Et souvent je le dit. Mais évidemment qu'un homme sensible c'est beau. Tellement merveilleux.
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