• Il y a deux manières possibles de lire le livre d'Odile Cornuz, Pourquoi veux-tu que ça rime ? (éditions d'autre part). La première est de le faire d'un trait, du début à la fin. La deuxième, probablement la bonne, consiste à n'en savourer qu'une ou deux pages à la fois, et à goûter ainsi la variété, la poésie et les surprises livrées par les questions que pose le volume.

    Des questions au sens littéral du terme. Le texte est composé de phrases interrogatives, presque exclusivement, à l'exception de deux ou trois passages un peu plus longs : l'arrivée d'un homme qui sonne à une porte et repart ; la rencontre d'un vieil Italien charmeur et dragueur, Gigi l'amoroso ; la description de pieds vus sous la cloison d'une cabine, à la piscine...

    Celle qui parle est une femme, sortie d'une histoire d'amour qui n'a pas fonctionné. Elle s'adresse à un homme, un inconnu, projeté, désiré, attendu. S'acharnant à interroger les facettes de cette personnalité potentielle, elle se livre aussi à travers un choix de questions, qui visent à cerner la forme et l'esprit de sa future rencontre, cherchent à « aiguiser le désir ». « S'adjoindre l'inconnu et voir ce qui en sort, quand tout est secoué, Shake ! Par l'inconnu je suis découverte et trouve l'os et le ronge. »

    Le projet d'Odile Cornuz, qui a d'abord été, dans une première version, un texte radiophonique mis en onde sur RTS Espace 2, est placé sous le patronage de Roland Barthes dont un extrait des Fragments d'un discours amoureux est placé en exergue et à la fin du texte. Il peut surprendre et décontenancer. Un journaliste littéraire de mes connaissances s'est déclaré par exemple peu convaincu par sa forme répétitive et par cette manière d'attendre l'homme comme un prince charmant dont les imperfections, les défauts composent aussi la magnificence. Mais il avait lu le texte d'une traite, m'a-t-il avoué.

    Aurait-il flâné en route qu'il aurait sans doute au contraire expérimenté le charme de la liste. L'incongru, la diversité, et la juxtaposition y créent des surprises agréables. Et autre intérêt, on se prend à réfléchir sur ces questions, à y répondre, se retrouvant malgré soi dans la peau de cet homme interrogé, devant bien s'avouer à soi-même que non, on ne dirait pas d'un chien qu'il chante, que oui, on vole dans ses rêves, que oui, on nous a déjà offert un couteau de poche et que non, on n'utilise pas l'expression « avoir le cœur bien accroché. »


    Odile Cornuz, Pourquoi veux-tu que ça rime? éditions d'autre part






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