• Travelingue, par Marcel Aymé

    Il ne fait de cadeau à personne, Marcel Aymé. Travelingue est un catalogue raisonné des ridicules sociaux, écrit dans une langue classique au pouvoir d'ironie et de mise à plat exceptionnel. Tout le monde y passe.
    En haut, la famille Lasquin, riche et industrielle. Le père meurt, la femme découvre avec délices qu'il avait une maîtresse, ce qui rend enfin sa vie à elle intéressante. La fille juste mariée finit dans des hôtels louches, alcoolisée et baisée par un boxeur brutal, après être tombée amoureuse du meilleur ami de son époux.
    Dont la famille n'est pas triste non plus. Les Ancelot, bourgeois, pseudo-artistes, cinéphiles. Qui trouvent tout formidablement inouï et d'un primitivisme bouleversant !
    Autour de tous ces gens gravitent un auteur à succès qui fait le grand écart entre la droite et la gauche pour ne se priver d'aucun lecteur, un homosexuel qui intéresse beaucoup parce qu'on chuchote qu'il aurait un anus artificiel, un coiffeur qui dirige les ministres, lesquels se pressent dans son petit appartement pour prendre ses directives, un imbécile d'extrême droite qui déteste les peintres cubistes, les alcooliques, les espions allemands, les communistes débraillés, les juifs, et campe chez lui pour attendre la racaille, son fusil dressé derrière une barricade de livres...
    Tous imbéciles, égoïstes, grotesques. Tous renvoyés dos à dos dans cette période tourmentée du front populaire.
    Le panthéon pour Marcel Aymé !