• Fleur Jaeggy, Patrick Modiano, Corinne Desarzens

    J'ai la tentation, depuis que je tiens ce blog, d'y signaler toutes mes lectures. Comme si, faute de ça, elles n'étaient pas validées. En fait c'est assez plaisant. Ça revient à parler d'un livre avec quelqu'un qu'on suppose intéressé. C'est même plus agréable. L'auditeur peut vous interrompre mais si le visiteur du blog s'enfuit, on ne s'en rend pas compte.
    Je suis allé à Paris, donc. (Voir plus bas.) Dans le TGV, j'ai lu Fleur Jaeggy. Une Suissesse qui écrit en italien, la langue de sa mère, malgré ses années d'adolescence vécues dans des internats en Appenzell. C'est cette période qu'elle raconte dans Les années bienheureuses du châtiment (Folio). Un court livre placé sous l'ombre de Robert Walser qui était proche d'elle, proche géographiquement même si elle ne le connaissait pas. L'asile où on l'avait interné était voisin de la prison pédagogique.
    C'est un livre dominé par la figure d'une de ses camarades parfaite, attirante, un modèle à suivre qui a fini par tenter de brûler sa mère et a été internée elle aussi. Rien n'est expliqué, tout est suggéré. L'écriture est elliptique, parfois fulgurante. Le récit d'internat est un genre classique, mais cette folie sous-jacente, la révolte et le refus qui animent Fleur Jaeggy (le personnage et l'auteur) font de ce petit livre un récit qui marque.
    Puis le train est arrivé Gare de Lyon. Et moi chez mon ami Miguel Sancho, peintre. (Je vais essayer de trouver un de ses tableaux pour le reproduire.) On va au Centre culturel suisse. Excellente lecture de mon texte par la ravissante Ariane Moret, une actrice de talent. Repas avec éditeurs, journalistes, auteurs et amis.
    Ensuite, deux jours encore à Paris. Musée du Quai Branly (les arts premiers chers à Chirac). Grande Bibliothèque. Cinémathèque. Terrasses (il faisait dix-huit degrés). Ce genre de choses.
    Et retour. Dans le TGV, un livre de Modiano, Fleurs de ruine (Seuil). C'était parfait pour quitter Paris, ce roman qui fait une belle débauche de noms de ses rues. Il y a des ambiances pluvieuses, la nostalgie sourde d'un monde obscurci et louche, des destins effilochés dont on retrouve des bouts qu'on n'arrive à nouer à rien. Modiano, quoi !
    Avant d'arriver à Genève, j'ai eu le temps encore de lire un récit de Corinne Desarzens. Sirènes d'Engadines (Terre d'encre, Editions du Laquet). Elle est tombée amoureuse des Grisons. C'est très bien. Les couleurs, les textures, les sons, les goûts. De l'histoire, de la fantaisie, un coup d'œil, de la passion...