• Du genre de La Métamorphose

    Question d'un lecteur. (Un de mes élèves, sans doute. Nous étudions le texte en classe. D'où les commentaires, je suppose) La Métamorphose est-il un récit fantastique ? Non. Définitivement. Sans aucun doute. Vous voulez me taquiner ? Mais je vous l'ai expliqué, petit coquinou !
    Pourquoi ? Je répète. On est attentif. La transformation initiale ne respecte pas les lois du genre. Le fantastique doit préparer le lecteur gentiment, lui fournir des indices, progresser petit à petit, avant qu'un fait inconcevable ne se produise. Et alors, on s'interroge, on hésite. Est-ce que c'est possible ou non ?
    Kafka, au contraire, nous met devant une évidence. Il ne la prépare pas et le lecteur ne se demande pas si cet extraordinaire est possible. Il accepte tout de suite que Gregor soit transformé en cafard (comme Gregor lui-même, d'ailleurs).
    kafka métamorphosePuis tout de suite après, l'esthétique de La Métamorphose devient quasiment naturaliste. C'est en quelque sorte une étude à la Goncourt ou à la Zola. Il y avait une famille normale. Puis des « 
    modifications des circonstances et des milieux » (Zola).
    Et la question :
    comment peut réagir cette famille lorsqu'un de ses membres devient un monstre - quel que soit le sens qu'on donne à ce mot ?
    On a parfois prétendu que la transformation de Gregor était symbolique et le récit allégorique. Ça a donné lieu à de nombreuses interprétations, toutes plus amusantes les unes que les autres.
    En réalité, si on veut vraiment classer le texte dans un genre littéraire, La Métamorphose serait, disons, un récit surnaturel. Avec des oscillations narratives vertigineuses entre un narrateur froid et  le récit intérieur de l'insecte.
    C'est en lui que se réfugient l'humanité, l'esprit, l'âme, les sentiments. Paradoxal. Du côté de la famille, il n'y a plus que de la chair, du conformisme et des traditions. La confrontation entre ces deux mondes est servie par un humour noir irrésistible et des descriptions de gesticulations des personnages qui prédisent le dessin animé. Et des thèmes chers au XXème siècle. La haine de l'autre, le dégoût de la famille, la tentation de l'enfermement, la faute et la condamnation.
    Allez, on travaille tout ça à la maison !