• L'empreinte amoureuse de Mélanie Chappuis

    Il y a un curieux sentiment de flottement qui m'a pris en lisant le dernier roman de Mélanie Chappuis, L'empreinte amoureuse. Le même, si on veut, toutes proportions gardées, que celui qui fait fluctuer le lecteur de Proust lorsqu'il lit les pages que celui-ci consacre à Albertine. On se demande obligatoirement qui est Albertine, qui ce personnage recouvre et désigne. Un homme ? Une femme ? Et ces vices qu'elle a, d'aimer les femmes, qui rendent le narrateur si jaloux, est-ce que c'est parce que le modèle d'Albertine, dont chaque lecteur sait qu'il était un homme, aimait les femmes ou parce que, au contraire, cet aimé s'échappait de chez Marcel pour rechercher des hommes ?

    Le livre de Mélanie Chappuis fait ressentir ce même type de questions sur les identifications. Il parle d'un homme qui fait le bilan amoureux de sa vie, mais une vacillation brouille souvent le sexe des personnages, et il m'est arrivé d'imaginer souvent, sous ce narrateur, l'auteure elle-même, et sous les amours racontées des transpositions. Ce qui est d'ailleurs un charme du livre.

    Toute cette interprétation, me dira-t-on, est subjective, et d'autant plus impossible à élucider que je ne connais pas grand chose de la vie de Mélanie Chappuis. Dans ses courtes bios, on apprend seulement qu'elle a vécu son enfance en Afrique et en Amérique du Sud – comme son personnage.

    Le roman, donc. Bruno Richard a quarante ans et apprend qu'il développe un cancer du foie. Sa première décision est de ne pas se faire soigner et de contacter toutes les femmes avec qui il a entretenu une relation amoureuse. Il s'agit de faire le bilan de sa vie et de comprendre comment il en est arrivé là où il est, c'est-à-dire à la maladie. Après cette exploration, il se réconcilie avec lui-même et avec sa dernière compagne, et décide d'avoir finalement recours à la médecine.

    Le livre est un catalogue, donc, dont un des intérêts, comme je l'ai dit, est de voir transparaître le visage de l'auteure entre ses personnages. Une auteure qui aime bien se glisser dans la vie de substituts. Les lecteurs du Temps connaissent aussi les chroniques, pour lesquelles elle s'est mise dans la peau d'hommes ou de femmes célèbres, les faisant monologuer.

    L'Age d'Homme publie d'ailleurs en même temps que L'empreinte amoureuse le deuxième recueil de ces articles, sous le titre Dans la tête de...Tome II/ chroniques, préface de Daniel de Roulet. On y retrouve Alain Delon, Valérie Trierweiler, Louis Pasteur ou Roger Federer... : un peu tout ce qui a fait l'actualité entre octobre 2013 et novembre 2014.

     

    Mélanie Chappuis, L'empreinte amoureuse, L'Age d'homme

    Mélanie Chappuis, Dans la tête de...Tome II/ chroniques, L'Age d'homme