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    Nous sommes en 1953... Bals populaires, entractes de cinémas, brasseries, cabarets… Jean Schoubert se fait, sur la terre parisienne un itinéraire déjà digne d’un vrai routier du spectacle…

    A Montmartre, on le voit « Chez ma Cousine » , ou au « Tire-Bouchon », en compagnie de Bernard Dimey. Chez Patachou, déjà « coupeuse de cravates », il accompagne régulièrement Jean-Claude Darnal. Ce jour-là était présent un chanteur débutant, s’accompagnant à la guitare. Ce dernier souffla à Jean-Claude Darnal: « Si tu n’avais pas eu un contrat avec lui, je te l’aurais piqué, ton Schoubert ». Jean Schoubert venait de manquer celui qui était en train de devenir le grand Jacques Brel.

    Pour les fêtes de fin d’année, le Sully d’Auteuil avait engagé l’humoriste Fernand Raynaud complètement inconnu encore. La rencontre se fait dans la sympathie. Fernand dit à Jean: « Je fais l’andouille, je chante une chanson puis je fais un numéro de mime… Tu n’auras qu’à me suivre au piano… ». Pas de partition. Pour toute répétition, Fernand Raynaud chantonne une vague mélodie: « T’es un peu belle mignonne » que Jean capte tant bien que mal… L’inquiétude tombe vite. En scène, Fernand Raynaud est drôle et Jean Schoubert assure dans un style ragtime a la manière effrénée des pianistes du burlesque. Le duo improvisé est vivement applaudi par le public et félicité par le patron du Sully… Ce soir-là, Fernand Raynaud quitte Jean Schoubert en ces termes: « Si un jour ça marche pour moi, je te prendrai comme pianiste».

    Il tiendra parole…


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  • Fernand Raynaud devient très vite populaire.

    Ce jour-là, fébrile, Schoubert pousse pour la première fois la porte des 3 Baudets, près de la place Blanche. Cet endroit qu’on appelle à juste titre, le tremplin du music-hall, est orchestré par un grand professionnel, Jacques Canetti. Cette scène légendaire voit passer successivement les Frères Jacques, Juliette Gréco, Mouloudji, Catherine Sauvage, Georges Brassens, Jacques Brel, Félix Leclerc, Raymond Devos…

    Fernand Raynaud a, ce jour-là, appelé Schoubert, mais sans rien lui préciser. On doit juste répéter aux Trois Baudets, c’est tout… Jean Schoubert et Fernand Raynaud sont programmés avant Philippe Clay, accompagné d’un pianiste bègue-zozoteur qui déjà, déclenche l’hilarité dans les coulisses, un certain Darry Cowl… Mais Fernand, inconscient de l’inquiétude de son pianiste non préparé , discute avec les artistes, oubliant complètement la répétition… Tout à coup, sans plus d’explications, Fernand embarque Schoubert dans sa Ford Vedette et ils filent au Palais de Chaillot. C’est là qu’ils vont se produire! Il y a des policiers partout! Schoubert apprend qu’il vont jouer pour un gala en présence du président de la République René Coty! Et ils n’ont même pas répété! Schoubert est paniqué… Lorsqu’il arrive en scène, mort de trac, il entame avec le seul morceau qu’il connaît du répertoire de Fernand: l’introduction de «T’es un peu belle mignonne». Mais Fernand se lance dans un registre complètement inattendu, très « musique de chambre »… Schoubert improvise, attendant le naufrage! Puis la puissance comique de Fernand Raynaud parvient à prendre le dessus et Schoubert, qui, il y a peu, luttait dans la tempête à bord du « Liberté » , en professionnel aguerri redresse la barre… C’est la fin du calvaire! C’est même surpris que Schoubert entend crépiter les applaudissements. Au moment où il croise le regard de Fernand Raynaud, ils éclatent tous deux d’un même fou rire, conscients d‘être revenus de loin…

    Telle fut la première scène publique de Schoubert avec Fernand Raynaud… L’ange de la farce, une fois de plus, était son allié.


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  • Mais avec un partenaire tel que Fernand Raynaud, ce n’est plus une tempête, mais un séisme que va devoir affronter Schoubert… Fernand se familiarise très vite avec cet outil encore artisanal qu’est la télévision française, avec son unique chaîne. Voilà le duo emporté dans le sillage de Jean Nohain et des « 36 chandelles ». Dans les coulisses de ce plateau incroyable, on y voit, attendant d’entrer en scène, toute une foule de figurants multicolores, des bretonnes en costumes traditionnels, des joueurs de binious, un « Louis XV » , une « Pompadour », des clowns, des chiens savants, des landais sur leurs échasses, et arrivant après, un Fernand Raynaud qui, avec un culot désarmant, n’attendant même pas son tour, s’empare de la scène, mettant le malheureux Jean Nohain, débordé, dans le plus profond des désarrois… Schoubert, complice devenu victime, connaîtra de nombreuses fois, lui aussi, ces déconcertantes situations. Suite aux improvisations et revirements fréquents de son « partenaire-star » , on le verra parfois venir en scène avec des costumes invraisemblables. Tel ce jour où Fernand, décidant brusquement de venir en scène en smoking, réalise que son partenaire, victime d’un de ces habituels malentendu, est habillé en Néron!

    « Pianiste sur mesure, je me suis adapté à sa démesure… » dira Schoubert.

    En 1956, la grande machine est en route C’est le temps des mythiques cabarets: le Port du Salut, l’Echelle de Jacob, la Villa d’Este, le Crazy Horse Saloon, les 3 Baudets

    Fernand et Jean: la détente avant le spectacle

     

     


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  • Schoubert fut le témoin privilégié de ce qui inspira la plupart des sketchs de Fernand Raynaud. La peur chronique qu’avait Fernand de l’avion donna le sketch intitulé «le baptême de l’air ». Le fameux « y’a comme un défaut » caricaturait ses éternels préoccupations vestimentaires… Et il y a bien sûr l’observation de ses contemporains qui allait créer la galerie de portraits composée de: Mlle Lelonbec, du caporal-chef de carrière, du cantonnier heureux, du « pauvre » paysan, des « bidasses », de la «sœur»…

    Le « 22 à Asnières » n’était pas une idée originale de Fernand Raynaud… C’est justement à Montmartre, chez Plumeau, que son origine fut chaudement débattue à la fin d‘une soirée particulièrement bien arrosée

    Sortant de chez Plumeau, rue Poulbot, il y avait là Fernand Raynaud, Jean Schoubert et l’humoriste Christian Mery. Ce dernier harcelait Fernand en ces termes:

    « Fernand, ton 22 à Asnières, c’est une reprise de mon sketch « le Taxiphone » . Tu me l’as piqué!

    -- Tu l’avais déposé, demanda Fernand?

    -- Heu! Non!

    -- Parce que tu comprends, quand moi je l’ai déposé, personne ne m’a rien dit! »


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             Fernand Raynaud et Jean Schoubert à Marseille

    Un personnage aussi original que Schoubert devait bien, tôt ou tard, inspirer quelques idées à Fernand Raynaud. Le sketch «Le racket » est né d’une anecdote entre Schoubert et le célèbre gangster Antoine Guérini.

    C’était à Marseille, près du cours Belzunce, où Guérini possédait le fameux restaurant de prestige, le « Versailles » où se produisait Fernand Raynaud. Pour faire une blague à un ami cafetier, Guérini demanda à Schoubert de se faire passer pour un racketteur. Schoubert releva le défi:

    « Je ne viens pas pour boire mais pour vous protéger, fit Schoubert au cafetier, au départ vous donnez ce que vous voulez!

    L’autre, surpris, regarda Schoubert.

    « Ne bougez pas, fit l’homme à son bar, je vais chercher ce qu’il faut »

    Schoubert commença à pâlir, réalisant que l’autre pouvait revenir avec une arme… Mais Guérini, qui n’était pas loin, éclata de rire:

    « C’est une blague, Schoubert est le pianiste de Fernand Raynaud…

    -- Je me disais aussi, il n’a pas vraiment le physique… » répliqua l’autre.

     


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