• CRITIQUE DU DEVELOPPEMENT PERSONNEL

    Critique du développement personnel

    Extraits de Michel LACROIX Flammarion


    1 - Le changement de modèle :

    On est passé du modèle mécanique énergétique de la bioénergie des années 70 (A LOWEN) au paradigme informatique. Le psychisme est comparé à un ordinateur : le hardware est identique pour tous mais le software est plus ou moins performant. L'inégalité des individus résulte de cette différence de logiciel. La non-réalisation de soi est considérée comme le résultat d'un mauvais traitement de l'information et non d'un jeu de force. A la notion de contrainte se substitue celle d'erreur. Le formateur ne vise pas à briser des résistances ou à libérer une énergie mais à amener le sujet à modifier le programme de ses représentations.


    2 - Le fond commun : Le repli individualiste conformiste et narcissique.

    Ce faisant le champ d'intervention s'est réduit à celui des croyances et au thérapies cognitives évacuant toute dimension sociologique et toute mise en cause de la structure sociale, ce que faisait finalement le modèle énergétique. L'originalité du DP est de promettre à la fois le succès matériel et l'évolution spirituelle, la réussite sociale et la profondeur de l'intériorité. En contradiction avec des auteurs comme Eric FROMM qui prévenait que l'on ne pouvait être à la fois dans « l'être » et dans « l'avoir » le DP propose le non choix et un double accomplissement à travers l'affirmation du moi et la négation du moi. L'orientalisation du mouvement est tempérée par un attachement indéfectible aux valeurs occidentales. Si appuyée soit-elle, la référence à l'Orient s'accompagne en effet d'une restriction : l'homme du DP n'est pas prêt à admettre, à l'instar de l'hindouisme par exemple, que le moi est une pure et simple illusion. Il veut après une « dissolution mystique » le retour à l'égo.


    3 - La variante de l'avant-garde libérale : un mixte de Bill Gates et de Krishnamurti !

    On fait un pas de plus avec l'imbrication des valeurs spirituelles avec les « valeurs » d'efficacité économique libérale. Ici ce n'est plus simplement une mentalité de repli conformiste faisant de l'individu un auxiliaire du système, un serviteur du réel que l'on va évoquer mais une personne offensive, qui construit le néolibéralisme. Ainsi, la secte « Méditation transcendantale » a crée aux Etats-Unis une Université du management. Et il n'est pas rare qu'un thérapeute de DP se déclare aussi « homme d'affaire » indépendant.

    Le DP entretient l'espoir, chimérique et dangereux, que l'on pourrait se conduire à la fois comme un battant et un sage, un capitaine d'industrie et un maître spirituel.


    4 - La variante totalitaire : Un certain retour du religieux et des sectes.

    Il y a même pour les insatisfaits du modèle informatique une forte tentation spiritualiste qui participe du retour du religieux et qui fait disparaître totalement la société qui n'est que perception : les rapports sociaux disparaissent au profit des relations. La tentation spiritualiste anti-sociologique fait aussi disparaître le mal objectif, l'injustice sociale puisque le mal se situe exclusivement dans une mauvaise relation à soi-même. C'est sur ce fond commun du DP - la reprogrammation des représentations - que les sectes se sont installées. Les gourous mégalos promettent non seulement aux individus « qui n'utilisent ordinairement que 10% de leur cerveau » la puissance illimitée mais la modification de la grille de lecture du monde.


    5 - Faut-il brûler le DP ?

    Il faudrait réinjecter le souci des valeurs dans la perspective de MASLOW. De même que l'on a naturellement besoin de tendresse, de reconnaissance, d'appartenance (besoins psychologiques de base), de même que notre corps réclame des vitamines ou du calcium, de même le psychisme a viscéralement besoin de vérité, de beauté, de dévouement, de noblesse.

    Affirmer le moi voulait dire pour lui : mettre ses ressources au service des valeurs, se battre pour les incarner dans le monde, se dévouer à une cause. Or nous vivons un idéal frustré.

    Christian DELARUE 


  • Commentaires

    1
    Nicolas Messina
    Mercredi 12 Juin 2013 à 01:38
    DP
    D'accord avec votre analyse. J'ai longtemps cru que j'avais un problème car j'étais victime émissaire de ma famille puis de mes semblables et j'ai beaucoup consommé de thérapie et de DP pendant une quinzaine d'année. Je souffrais beaucoup, sans possibilité de travailler ni d'avoir des relations normales. Je me suis sorti de ce pétrin en entrant dans la théorie mimétique de René Girard. Aujourd'hui, je pense que le DP est une arme visant à affaiblir ceux qui ne partagent pas les valeurs dont vous parlez ("occidentales" mais j'aurais plutôt dit rivalitaires) que les auteurs de livre de DP exaltent en effet, en les présentant comme un objet désirable à conquérir, ainsi que ceux qui ont compris sans pouvoir le formuler combien le bien-être outrancier et dépendant de la réussite sociale des êtres et des relations était une projection de l'idéal sociétale de la part de ses auteurs. Le DP est sans doute la seule discipline où les personnes faisant partie de la cible, ceux qui en ont le plus besoin, en savent **plus long que les experts**. Prendre conscience quand le DP ne fonctionne pas que ça ne fonctionne pas parce qu'on en sait plus que l'expert, cet expert aveuglé par son ego et son désir d'ériger son ego en modèle de tous les ego, c'est une clef pour sortir d'une telle folie, une telle inversion des valeurs. D'après moi, le DP est dangereux et ce danger devrait faire l'objet d'une campagne de sensibilisation.
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