• LAICITE, REACTION ET INTEGRATION

    LAICITE, REACTION ET INTEGRATION

    S'intégrer dans la société française c'est surtout s'intégrer dans une société laïque. C'est plus facile pour certains migrants que d'autres. D'autant qu'une société laïque c'est sans doute plus que le simple principe de séparation de l'Etat et de la religion appliqué en France (à l'exception de l'Alsace-Moselle restée sous régime concordataire). Il y a bien en France une double reconnaissance, d'une part la liberté de conscience -soit le droit de croire et de ne pas croire - et d'autre part la liberté religieuse soit le droit de pratiquer la religion de son choix. L'Etat républicain laique assure bien ce respect de toutes les croyances. Il faut noter ici que la laïcité n'a jamais été reprise par les Etats totalitaires.

    Pour autant le droit ne règle pas tout. La laïcité conserve sa charge subversive et critique en faveur d'un bougé de frontières. Point de passage dans le dogmatisme ou le totalitarisme mais simple refus d'une liberté sans frein de l'affichage religieux. Ce refus, source de conflictualité sociale ou juridique, existe toujours et depuis longtemps à propos des manifestations publiques des croyances religieuses. Il y a en quelque sorte quelque chose qui passe mal. Il faut préciser ce "quelque chose". Il demeure ancré dans les idées dominantes en France que la liberté de culte s'exerce individuellement ou collectivement dans des lieux spécifiques - églises, mosquées (islam), temples (protestants), synagogues (juifs), pagodes (bouddhistes) - ou chez soi. Les manifestations publiques sont certes autorisées mais toujours mal vues par les partisans d'une laïcité plus séculariste, partisans que l'on retrouve aussi bien à droite qu'à gauche. Une certaine gauche, plus anti-réaction que pro-athéisme, fustige volontiers ici "l'ordre moral", soit la religion la plus réactionnaire, autrement dit les plus intransigeants des croyants, les plus prosélytes, les plus intégristes. Ce n'est pas toujours le cas d’où une certaine prudence mais le soupçon est là.

    Ces manifestations publiques sont tolérées mais pas pleinement acceptées. On y guette le crypto-fasciste . Que ce soit ceux issus du Portugal de Franco, de l'Espagne de Salazard, de la Grèce des Colonnels, de la France de Romain Marie ou que ce soit ceux issus de l'islam le plus intransigeant et le plus intégriste.  Mais là - à propos de cette religion - on peut trouver à côté de soit des idéologues de droite ou d'extrême-droite animés par de toutes autres considérations. En fait ils manifestent une laicisation à géométrie variable. Ils protègent les chrétiens et repoussent les musulmans et pas que les intransigeants ou intégristes. Les critiques de gauche ne font pas ces distinctions. Ils ont un fond mécréant et religiophobe variable mais sont surtout anti-intégrisme. C'est bien différent.

    Comme le souligne Jacqueline Costa-Lascoux, la laïcité est née "d'une progressive sécularisation du politique et du pouvoir croissant dans la société civile" (CIEMI vol 12 - 2000 ). Autrement dit sous la laïcité - son statut juridique - il y a une dynamique sociale conflictuelle. La laïcité n'est pas figée comme pourrait le laisser penser une lecture juridique positiviste. Ce fait social et historique ne s'adresse donc nullement et spécifiquement aux musulmans aujourd'hui. La jurisprudence administrative est abondante sur cette question. Penser qu'elle est une forme de rejet spécifique des musulmans serait une erreur. L'argument de postcolonialité trouve ses limites dans cette histoire. Cette pression forte contre les manifestations intempestives de la religion a concerné toutes les religions en France, et surtout la plus dominante - le catholicisme. C'est une tendance lourde qui en fait un élément identitaire de la société française. C'est surtout le catholicisme qui a du s'intégrer. L'islam l'a fait aussi comme le judaïsme. Pour l'essentiel. Il y a toujours ici ou là des résistances minoritaires.

    CD


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