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    Une douleur aigue, des plumes qui volent, une flaque de sang, des cris...


    Comme chaque nuit, le même rêve, les mêmes images, les mêmes sensations. Après avoir ouvert les yeux sur ce lit aux draps froissés, dans cette pièce qui lui semblait si vide, dans ce silence qui lui faisait peur, il regretta encore une fois, d'avoir choisi ce qu'il ne pouvait contrôler. Il était finalement si bien parmi les siens, sans se soucier de demain, sans voir tout ce qui affligeait ce monde. Il avait été trop curieux, il avait voulu connaître cette vie, les humains, les plaisirs. Il pensait à ce qu'il avait pu voir pendant les 3 jours où - en cachette - il s'était mêlé à la foule, il avait rencontré des gens, il se sentait si libre. Une fois de retour chez lui, il était loin de se douter que cela s'était appris. Après quelques jours à se rappeler de cette vie tout en menant la sienne, il fut convoqué et punit. On lui coupa les ailes devant tous ses pairs, la douleur l'assomma. On le laissa pour mort dans son sang. Ca ne devait pas se terminer ainsi, ça ne pouvait pas.


    Il s'était réveillé dans une ruelle et avait commencé sa vie ici comme si elle avait toujours été. Mais après tout ce temps, à découvrir la vie, les peines, la souffrance, la trahison il en avait assez. Il voulait retourner là d'où il venait, loin de cette oppression, de ce cœur douloureux empli de peine. Il avait connu les abus, goûté aux plaisirs défendus et seul l'amertume et la souffrance l'habitaient désormais.


    Il se leva finalement sans pouvoir chasser toutes ces images de son esprit, s'habilla et sorti dans la rue. Elle était déserte, il faisait nuit, loin de la circulation, juste un léger vent frais prouvait qu'il existait. Il prit son chemin habituel, chaque nuit, il passait devant les mêmes immeubles, devant les mêmes portes closes, toujours les mêmes lumières restaient allumées, cette routine lui permettait d'oublier un temps que ce n'était pas son monde. Pourtant quelque chose semblait avoir changé. Il n'était plus seul, en face de lui s'approchait une silhouette, dans la pénombre il ne pu discerner de qui il s'agissait, peu lui importait, il continua sa route en regardant par terre et ne leva ses yeux qu'au niveau de son compagnon d'infortune. Il croisa le regard d'une femme qui lui souriait. Après un moment de surprise il reprit sa route.


    Elle avait ressenti toute sa peine alors qu'elle ne le connaissait pas. Son sourire aurait voulu être compatissant mais il n'avait pas vraiment réagi. Tous ces gens qu'elle croisait tout le temps, emplis de douleur ne faisaient que lui rappeler d'où elle venait. Elle ne put ôter son visage de ses pensées. Le jour se levait elle écourta sa promenade et rentra se coucher.


    Elle ne trouva pas le sommeil, elle repensait à lui, à ce qu'elle avait ressenti, à l'envie qu'elle avait eu de le prendre dans ses bras. Elle se remémora le plus beau jour de sa vie, celui de sa libération. Là d'où elle venait on torturait, on blessait pour le plaisir.


    Elle avait été amenée à venir ici pour faire souffrir, elle avait découvert l'humanité, les rires d'enfant, on lui avait montré le bonheur. C'est ainsi que retournant dans son monde obscur elle avait suppliée qu'on la laisse en surface, qu'on lui permette de vivre au-delà de la douleur. Personne ne l'a reteint contre son gré et même si elle gardera à jamais la marque de ses origines, elle pouvait vivre en paix avec elle-même. Tout n'était pourtant pas rose, son passé la poursuivait à chaque rencontre. Elle entrevoyait le cœur des gens, vivait leurs souffrances et c'est ce qui s'était passé avec ce jeune homme cette nuit. Le sommeil vint enfin.


    Plusieurs nuits suivirent, elle ne pouvait ôter cet inconnu de ses pensées, chaque nuit elle espérait l'apercevoir, son regard lui manquait. Mais à chaque fois elle rentrait sans un signe de lui. Elle n'en dormait plus, tout ce qu'elle avait lu en lui, lui faisait peur, mais ses yeux si doux l'obsédaient.


    Durant ces dernières nuits, il avait pu goûter à un réel sommeil, ses cauchemars avaient laissé place à des rêves qu'il ne pouvait décrire, il y revoyait quelques fois le regard bleu de cette femme qu'il avait croisé quelques temps auparavant. Il se sentait moins douloureux à chaque réveil, il ressentait simplement un manque sans en connaître la cause. Pourtant chaque jour qui passait le supplice était grand, il essayait de fuir les démons qui peuplaient sa tête sans y arriver. Mais cette fois-ci, en plein sommeil il avait été réveillé par une douleur bien plus insupportable que celles qu'il endurait jusqu'à présent, il se sentit trop confiné dans sa chambre et préféra sortir.


    Le manque de le voir était devenu trop grand. Une seconde plongée dans son âme avait suffit à lui donner envie de le connaître plus. La douleur qu'elle ressentait chez les gens, c'était à son tour de la vivre réellement, elle aurait tant donné pour le revoir. Cette nuit là elle en pleura de désespoir et c'était la mort dans l'âme qu'elle avait entreprit sa promenade nocturne. Le temps semblait être arrêté, elle appartenait à la nuit. Comme ce fameux soir il la vit au loin. Cette fois-ci il fut attiré par cette silhouette s'avançant, il aperçu son regard mais le trouva changé. Son sourire compatissant avait laissé place à l'impression d'une tristesse infinie. Elle était en train de se laisser envahir de douleur et même si le fait de le voir lui apportait du réconfort, ses pieds ne la soutint plus et tout tourna autour d'elle avant qu'elle se laisse attirer par le sol.


    Avec une infinie délicatesse il l'avait prit dans ses bras, ne pouvant la réveiller il avait préféré l'emmener chez lui. En glissant la main sous sa nuque il s'était brûlé, même si sa curiosité était grande il préféra attendre. Il l'avait déposé sur son lit et c'était placé sur une chaise tout près d'elle attendant son réveil. Après plusieurs heures à l'observer et à se demander ce qui l'avait poussé à la ramener ici, il sombra.


    Elle ouvrit les yeux. Dans cet endroit inconnu elle sentait une présence amicale et constata que son inconnu était près d'elle endormi sur son siège. Elle voulu le réveiller mais aucun mot ne sorti, elle préféra se lever et partir sans bruit, elle laissa sur la table un morceau de papier où elle griffonna un « Merci. Même endroit, même heure...».


    Quand il se réveilla, la nuit tombait, elle n'était plus là, il sentait une grande déception le gagner, mais ce fut de courte durée, un sourire apparut sur ses lèvres quand il lu son message. Il se prépara à rencontrer son destin. Il ne savait plus trop si il était arrivé en retard, il préféra attendre un peu, il eu un doute sur l'endroit, la nuit toutes ces rues se ressemblent.


    Mais soudain elle apparut près de lui, il ne savait pas d'où elle venait, il n'avait rien entendu. Elle se tenait en face de lui, avec un léger sourire et le fixait droit dans les yeux. Il y vit ce qui effaça probablement une partie de ses craintes et qui lui montra à quel point elle lui avait manqué. Durant un temps indéterminé ils restèrent à se regarder sans bouger. Ils n'avaient pas besoin de se parler. Ne dit on pas que les contraires s'attirent, ils s'enlacèrent un bon moment alors que la lumière du jour montait à l'horizon. A son tour elle sentit en passant sa main sur son dos, au dessus de son t-shirt une brûlure très douloureuse et l'écarta par réflexe. Il voulu la voir et pu constater qu'il avait la même depuis le matin.


     Il comprit qu'au-delà de ce qu'il ressentait pour elle, elle était avant tout la représentation de ce qu'il avait vécu sur terre, alors que ce qu'elle lui apportait était tout ce qu'il avait laissé derrière lui.


    Elle savait que ses sentiments allaient à l'encontre de ce qu'on lui avait inculqué dans les enfers, mais quand elle avait quitté ses racines, elle avait choisi de ne plus suivre l'ordre établi et ce qu'elle éprouvait ne la ferai pas changer d'avis.


    Elle lui prit la main et l'emmena jusqu'à chez elle. Ce qu'ils vécurent ensuite leur appartient. Représentant chacun l'opposé ils formaient désormais la dualité, la complémentarité et ce qui existe en chacun de nous.


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