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Le Front de Gauche et ses limites
I Les forces majeures et l’hétérogénéité
Le Front de Gauche se compose de deux organisations majeures :
- Le Parti Communiste Français (PCF), qui constitue la grande majorité des forces militantes et quasiment l’essentiel de forces placées dans les appareils de pouvoir (mairies, conseils généraux&régionaux, parlement). Il constitue également, de ce fait l’essentiel des ressources financières et logistiques du Front de Gauche.
- Le Parti de Gauche (PG), toute petite organisation, extrêmement centralisée, composée essentiellement de cadres, de politiciens professionnels, mais sans base militante réellement conséquente.
D’une poignée de petites organisations :
- LA FASE (Fédération pour une alternative sociale et écologique)
Dont quelques courants dissidents du NPA :
- La Gauche Unitaire (ex-tendance bureaucratique droitière du NPA)
- Convergence et alternatives
- Gauche Anticapitaliste (depuis peu)
- Gauche Révolutionnaire (ex-fraction trotskyste dogmatique sectaire présente au NPA, tout en continuant à militer en tant qu’organisation)
Le problème posé récemment par la structuration du Front de Gauche en constellation de micro-organisations est que les nouveaux militants entrant doivent choisir une organisation pour y participer. Le PCF étant le plus structuré nationalement, rafle la mise. Mais se pose le problème de ceux qui sont intéressés par la dynamique du Front de Gauche, mais sont allergiques à l’entrée dans le PCF.
Des tentatives de créer des comités Front de Gauche se mettent peu à peu en place. Mais ils peuvent se heurter à puiseurs limites : l’absence de statuts, le défaut de locaux pour se réunir, l’absence de réseau de coordination, l’absence de cohérence de position, voire l’absence de militants expérimentés pour tenir les comités. Rien d’insurmontable en soi. Pour se réunir, un bar ou un appartement peuvent au début suffire. La communication entre les différentes localités est facilitée par internet, les blogs, les réseaux sociaux. De nombreux militants ont l’expérience de l’associatif, et sont en mesure de faire fonctionner les structures. Il n’y a pas véritablement de limites pour les comités Front de Gauche à s’organiser localement, sur une base d’intervention militante de terrain. La question qui va se poser pour ces comités sera celle de la Démocratie au sein du Front de Gauche, et plus précisément la capacité d’être considérés par les autres organisations et de peser dans la décision face aux grosses structures bureaucratiques que sont le PCF et le PG. L’autre question sera celle de la représentativité politique. Ces comités, à défaut de personnel compétent, ne pourront prétendre à la gestion des localités, et devront céder la place aux organisations plus aguerries, en particulier le PCF.
Il se profile donc une séparation nette entre une gauche de terrain, composée de comités locaux sans étiquette spécifique, ni reconnaissance, ni cohérence à priori, et d’une gauche de pouvoir, d’une constellation de partis composée de cadres regardant de près les possibilités offerte par cette dynamique d’entrer dans les institutions d’Etat.
Le grand gagnant de l’affaire est sans conteste le PCF, qui, à l’agonie il y a 5 ans, s’est trouvé revigoré par cette dynamique, et se prépare à rafler de nouveau la mise au niveau électoral. L’autre grand gagnant est sans conteste Mélenchon lui-même, qui grâce à la dynamique du Front de Gauche, qu’il peut largement revendiquer, gagne en notoriété et voit ouverte la possibilité de développer son organisation. Ce n’est donc pas la victoire du Peuple de gauche mais celle des organismes dirigistes de gauche qui se profile.
II Réalités locales et possibilités de convergence
Le Front de Gauche étant très hétérogène, les possibilités de convergence dépendent en largement mesure de la manière dont se structurent les réalités locales. Elles dépendent des organisations présentes sur une localité, des tendances représentées au sein de ces organisations, des enjeux économiques et environnementaux d’un territoire.
Il est par exemple difficile, en termes de liberté d’action, de faire front commun avec un Front de Gauche majoritairement PCF sur une zone :
- où il tient les institutions politiques, ou y est intégré
- où il est majoritaire au sein de la CGT (ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit des tendances staliniennes du PCF)
- où une centrale nucléaire est implantée
La question se pose autrement lorsque le PCF est peu implanté sur un territoire, se situe hors du champ institutionnel, ou les enjeux environnementaux sont moins importants, ou d’autres organisations du Front de Gauche sont présentes.
Il n’en reste pas moins que le Front de Gauche est majoritairement structuré sur la base d’une pratique fortement bureaucratique, à visée électoraliste. Cette orientation implique une démarche visant une mobilisation ponctuelle de masses suivistes, assujetties aux mots d’ordre, aux dispositifs, aux stratégies et aux pratiques dirigistes des organisations de la Gauche institutionnelle (politique et syndicale), qui s’apprête à stopper tout mouvement dès que l’organisation en perd le contrôle, ou parvient a négocier quelques miettes, en attendant les prochaines élections, à travers lesquelles elle espère se nourrir de l’insatisfaction des gens afin de faire de gros scores et entrer dans les institutions de pouvoir. Cette gauche fait donc l’impasse sur l’appropriation des luttes par les gens eux-mêmes, le développement de l’autonomie, de la créativité, sur l’inventivité théorique et pratique qui peuvent naître du mouvement social.
III Républicanisme et Citoyennisme
Le problème du Front de Gauche est de circonscrire la lutte sociale autour d’un républicanisme citoyenniste flou et indéterminé. Il cherche à rassembler tout ce qui, à gauche, est républicain et citoyen. Mais il est difficile de savoir, à priori, ce qu’être républicain ou citoyen signifie. Il y a en effet une polysémie des termes de république et de citoyenneté, qui rend la compréhension de l’engagement Front de Gauche difficilement saisissable. S’agit-il, en ce qui concerne l’identité républicaine, de se revendiquer de la république issue de la révolution Française de 1789, de la République de la Commune de Paris de 1871, ou de la république de Thiers qui massacra les communards ?
Le républicanisme comporte une dimension identitaire. Il a ainsi pour fonction de rassembler ceux qui se reconnaissent, affectivement ou normativement, en cette notion, mais il exclue, de fait, tous les autres.
Le problème du républicanisme est qu’il s’agit essentiellement d’un concept référant à l’Etat, non d’un concept relatif à la vie matérielle et sociale. Il polarise l’attention autour des institutions politiques, des structures de pouvoir, bien plus qu’il n’agit sur les rapports sociaux, et maintient ainsi l’Etat dans sa posture spécifique de médiateur et organisateur de la vie sociale.
Il s’agit de plus d’un concept idéaliste. Il structure les luttes sociales autour d’une identité abstraire, d’une fiction sémantico-affective, de laquelle de nombreux courants progressistes sont d’emblée mis à la marge, voie exclus.
De plus, la République se réfère à un espace territorial, celui de l’Etat-Nation. Les autres nations, tout comme les courants internationalistes, son également exclues du mouvement.
Pourtant, la lutte sociale n’a pas de frontières, elle ne reconnaît pas de frontières. Elle est Internationaliste, Cosmopolitique et Altermondialiste. Sont mot d’ordre, énoncé par Marx il y a bien longtemps, était : « Prolétaires de tous les pays, unissez vous ! ». L’internationale, quant à elle, désignait comme sujet central « le genre humain », et non le citoyen.
La lutte sociale a besoin d’une identité plus structurante, plus réelle, concrète, matérielle, que le fantasme abstrait de la République. Les concepts d’humanité et de progrès social constituent une posture commune à l’ensemble de la Gauche. Elles attirent l’attention non pas sur les faiblesses ou les vertus des institutions politiques, mais sur les problèmes réels des gens aux quotidien, les rapports de force au sein de la sphère économique, les conflits entre capital et travail.
Il ne s’agit donc pas d’être « pro » ou « anti » Républicain, mais de se positionner hors du débat institutionnaliste et de sa mythologie, et de repositionner l’identité oppositionnelle, en déplaçant le centre de gravité de la pensée et de l’action du virtuel au réel, de l’idéal au matériel, de l’Etat à la Société. Il sera alors possible d’envisager l’éventualité d’une opposition de gauche, articulé autour de la mise en synergie de l’ensemble des tendances actives au sein du mouvement social.
Tags : PCF, parti de gauche, Parti Communiste, front de gauche, gauche anticapitaliste
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