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Travail et exploitation
Sur la réduction du Travail
Selon les dires de certains, seulement 5 à 50% du travail réalisé dans les sociétés technologiquement avancées est nécessaire à garantir l’existence humaine. Il n’est pas question d’entrer ici dans le débat absurde de la quantification du travail socialement inutile. Le degré d’utilité du travail dépend avant tout des finalités sociales dominantes au sein de groupements humains organisés.
Ce qui est néanmoins certains, d’un point de vue écologique, c’est que l’activité industrielle des sociétés technologiquement avancées à depuis longtemps dépassé les limites des capacités de production de la planète, et que cette suractivité provoque des dégâts considérables au niveau de la biodiversité. La réduction des activités humaines d’intervention sur la matière relève de la nécessité. Il est néanmoins difficile de quantifier, a partir de bilans écologiques généralement contradictoires, jusqu'à quel point il est nécessaire de faire décroître ces activités de production matérielle.
Mais la question de la diminution des activités humaines ne se pose pas uniquement sur le plan écologique. Cette intensité de l’activité productive, pas seulement matérielle, pose problème d’une part au regard de la manière ou elle est aménagée socialement, mais aussi vis-à-vis de ses conséquences sur l’organisme.
Organisation de la rareté de l’offre de travail et domination capitaliste
Depuis ses débuts, le capitalisme s’est organisé et a prospéré sur une logique de rareté de l’offre par rapport à la demande. Ceci est également vrai à propos de la question du travail. La répartition du temps de travail répond à une double logique de mise sous pression : d’une part au niveau de la main d’œuvre salariée, qui se trouve contrainte à l’exploitation, dans la mesure ou elle peut très bien être remplacée par un main d’œuvre non employée plus docile, d’autre part, la condition de demandeur d’emploie pousse à l’acceptation de n’importe quelle tache, à un prix généralement inférieur au travail effectué. Cette logique de la rareté de l’offre mets en œuvre une logique de guerre de tous contre tous pour l’accès à la société d’exploitation. Le report de l’age de départ à la retraite participe également de ce processus dans la mesure ou il ne libère pas de postes pour les demandeurs d’emplois, et reporte leur entrée dans la sphère du travail, mais aussi leur propre age de départ à la retraite.
Progrès technique et Quasi-Abolition du travail
L’évolution des forces productives, notamment le développement de l’automatisation, devaient selon la théorie Marxienne conduire à l’effondrement de la nécessité de travail et à la diminution du taux de profit. C'est-à-dire qu’elle devait entraîner la fin du capitalisme et laisser place à un autre type d’organisation sociale basée sur l’abondance et le partage équitable. Pour Lénine, le déclin du capitalisme devait se manifester par le développement et l’intensification des guerres inter-impérialistes. Cependant, la réponse apportée par entre autre par les Roosevelt, Schumpeter et Keynes à l’effondrement probable du capitalisme fut tout autre. On la nomma New Deal. Cette nouvelle donne consista d’une par dans une logique de destruction/ reconstruction, d’amorçage financier et d’extension quasi illimitée des marchés.
Stratégies capitalistes face à la diminution du temps de travail
La stratégie capitaliste qui accompagne celle de l’extension des marchés sur le plan technique consiste, quand ceux-ci arrivent à saturation, c'est-à-dire quand la majorité de la population est équipée, à jouer sur l’obsolescence programmée, et l’incompatibilité des interfaces. L’obsolescence programmée consiste en ce que dans un bien produit, une ou plusieurs composantes sont volontairement de moins bonne qualité, afin que le produit soit plus rapidement hors d’usage, généralement quelques temps après la garantie. L’incompatibilité des interfaces consiste quant à elle à produire des interfaces qui ne seront compatibles qu’avec un modèle unique, ce qui implique que le renouvellement d’un bien nécessite simultanément de renouveler toutes les interfaces permettant de le faire fonctionner. Tout ceci implique à la fois un immense gaspillage de matière, mais aussi pour la population, des frais supplémentaires liés à ce besoin de renouvellement constant. L’autre grande restructuration des sociétés productivistes technologiquement avancées, développement massif du secteur tertiaire, c'est-à-dire des activités d’administration, et de services durant la période d’après guerre. Il est possible, parmi ces activités de services, de distinguer les services socialement utiles généralement, ceux qui ne sont utiles socialement que dans la mesure ou il compensent les effets destructeurs du capitalisme, et les services socialement inutiles, qui ne servent qu’a distraire et défouler une population en compensation de la frustration souvent engendrée par l’activité salariée.
Les problèmes du travail « immatériel »
On parle bien souvent de la pénibilité et des effets destructeurs du travail physique, mais on parle peu de certains problèmes existants au sein du travail dit « immatériel ». Le problème des salariés exerçant dans le domaine de l’immatériel réside dans la difficulté de prise en compte des heures de travail. Ainsi, il arrive fréquemment que ces personnes soient employées officiellement pour 35heures hebdomadaires, tandis qu’ils en travaillent 50 à 70. Relativement bien rémunérés, un bon nombre de ces salariés ne revendiquent pas un salaire évalué sur 35heures, mais une diminution du temps de travail. De plus, ces salariés sont généralement soumis à des contraintes temps qui génèrent stress, dépression et maladies chroniques, et poussent parfois, du fait de l’exigence qui est imposée en matière de rendement, à l’alcoolisme et à la prise de drogue.
Perte de sens de la solidarité dans la société du travail
Le déclin de la solidarité dans les sociétés occidentales est lié à la désymbolisation, ou perte de réciprocité, du fait que la solidarité ne s’exerce plus directement entre les hommes, mais s’éloigne dans des canaux techniques et institutionnels, des abstraction déshumanisées dans lesquelles nous oublions le sens réel de la solidarité. Nous avons affaire à des formulaires, des administrateurs, à un discours dépersonnalisé, rigide, autoritaire et contraignant, et pas à des êtres humains, des pairs, des êtres sensibles. Atomisés et éduqués à l’individualisme, nous ne percevons plus ce que peut être la vie des autres, en l’occurrence, des personnes âgées, malades, handicapées, ou sans emploi. Nous ne développons plus alors une solidarité qui serait le produit d’une relation d’empathie, qui s’inscrirait dans les affections, dans les corps. C’est pourtant avec cette base de solidarité qu’il nous faut renouer afin de rompre avec l’indifférence généralisée et pouvoir nous libérer de l’emprise de la domination capitaliste
Alourdissement de la réciprocité dans la société du travail
Le discours sur la solidarité n’est employé qu’a titre instrumental par ceux qui régissent ou prétendent régir ce système. Il s’inscrit dans une logique de croissance illimitée des activités humaines salariées, et d’assujettissement à l’impératif idéologique de rendement qui consiste à justifier davantage l’exploitation au nom d’une nécessité sociale ou systémique. Ce discours n’est vrai que dans la mesure où l’on accepte le système capitaliste, productiviste, sa structuration et les contraintes qui en découlent, dans la mesure ou l’on ne remet pas en cause la logique de circulation et de concentration du capital dans les mais de quelques uns, que l’on accepte le vol organisé et légitimé, que l’on accepte de vivre dans une société d’abondance en bien de luxes et dont le prix est le surtravail, que l’on accepte pour cela la paupérisation généralisée des pays en voie de (sous-)développement, et la nécessité du système de défense policier et militaire afin de garantir l’ordre établit, etc. Le discours sur la solidarité dans une configuration systémique (faussement) inébranlable est employé par la droite afin de disposer la population au « principe de rendement » afin de ne jamais remettre question la logique capitaliste et garantir la domination de classe. La contradiction de ce discours reste que ceux qui disposent de plus de moyens financiers sont nettement moins mobilisés en matière de solidarité que le reste de la population. Cette population capricieuse qui fait peser menace de délocalisation est pourtant la même qui invoque sans vergogne les valeurs de la République pour demander aux ménages disposant de revenus médians de se sacrifier, organisant par là les conflits entre pauvres et moins pauvres. La première étape dans l’allègement de la charge de solidarité consiste ainsi à se défaire de la domination capitaliste, pour autant, cette démarche nécessaire n’est pas suffisante. Quand bien même on résoudrait le problème de la concentration du capital, il n’en resterait pas moins qu’au niveau environnemental comme au niveau social, la réalisation d’une existence plus sure et plus heureuse passe par une diminution radicale des activités humaines. Le problème de la transition environnementale est que se pose la possibilité de maintenir (plus ou moins) en état la structure du salariat et du temps de travail par le surdéveloppement des activités « immatérielles », ce qui implique que si les activités de production matérielles diminuaient, la part de l’existence consacrée au travail ne diminuerai pas pour autant. On passerait ainsi du productivisme total au productivisme immatériel, ce qui voudrait dire moins de biens de confort et de luxe mais pas plus de temps libre. Ce serait une dégradation conséquente de la qualité de l’existence, sans aucune compensation. La nouvelle solidarité implique par conséquent une logique qui inclut de manière indissociable la diminution globale, la répartition équitable du temps et des revenus du travail.
La question du temps libre
L’obtention de plus de temps libre ne conduit pas nécessairement à l’inactivité et à l’oisiveté, aux loisirs et à la consommation de masse. Ce temps est certes la proie des marchands et arnaqueurs en tout genre qui désirent s’enrichir par le divertissement. Mais il ne faut pas pour autant renoncer au temps libre. Dire que la colonisation capitaliste du temps libre contribue à la pacification de masse est une chose, mais dire qu’il ne sert à rien de dégager du temps libre par la réduction du temps de travail en est une autre. L’usage du temps libre dépend de la formation sociale et culturelle dans lequel il prend forme. Ainsi, il peut très bien être employé à l’autoformation, à la connaissance approfondie du monde physique, social et politique, et servir à agir sur celui-ci. Il peut être le moteur d’une transformation socioculturelle sans précédent
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