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Au sujet de la manifestation anti-carcérale du 10/10/09 à Poitiers /suivi de Civilisation et destructivité
Tout d’abord nous allons revenir sur les déclarations de la majorité des médias, avant de discuter véritablement du sujet à proprement parler. Le discours de ces médias se compose des éléments suivants:
Manifestations anti-carcérale/Environ 250 manifestants/Destructions de biens marchands/dégradation de monuments religieux/Ultra Gauche/Anarcho Autonomes/Organisés/Armés/Dangereux
Généralement, les articles s’accompagnent des pleurnicheries du Maire sur la mauvaise image donnée à Poitiers et le coût des réparations. Bref, c’est assez maigre. Peut-on se prétendre informé ? Cela dépend de ce qu’on appelle une information.
Si être informé consiste à :
1/ ne pas parler de la cause de ce rassemblement, c'est-à-dire la question anti-carcérale, mais se limiter à parler des « débordements », des « casseurs », des « dégradations »
2/ ne pas faire d’analyse sur les acteurs en présence et en faire une totalisation que l’on regroupera sous la désignation : « anarcho autonome d’ultra gauche »
3/ ne pas faire de lien entre la question de la prison et les questions de société, la question du capital, la question de la morale judéo-chrétienne.
4/ recueillir les propos du maire, c'est-à-dire d’une seule des parties, qui pose d’emblée des jugements moraux pré admis sur les événements, notamment en employant des termes comme « grave », « dangereux ».
5/ prétendre que les manifestants sont venus armés, et ne pas faire de différence entre un fumigène et un explosif, qu’ils sont « très bien organisés », (face à un dispositif de police ultra minime au départ, et donc facile à déborder, même s’il s’était agit d’une manif de 30 grand mères) alors que tous prétendent que c’était le bordel, et que tout s’est fait de manière spontanée.
6/ se faire son jugement dans son canapé sans avoir pris part à la situation, sans connaître les acteurs, leurs histoire, leurs objectifs, et en ayant subit depuis l’enfance une propagande unilatérale qui vend les mérites du capitalisme, du libéralisme, du christianisme, et du consumérisme
Alors vous regardez TF1 !
Sinon, vous pouvez également prêter attention à ce qui suit: Vers une analyse compréhensive de la situation
Civilisation et Destructivité
Il n’est pas possible de comprendre les actes des dits « black blocks anarcho autonomes d’ultra gauche », comme bien d’autres événements similaires, sans prendre en compte la structure sociale et la dynamique de la civilisation dans lesquelles ils s’expriment. Cette analyse est bien connue et tient son point de départ dans la Métapsychologie Freudienne, et son développement dans l’analyse Marcusienne de la civilisation (Eros et Civilisation). La révolte, la violence, la destructivité, les psychopathologies qui s’expriment dans, par et contre la civilisation ne sont ni des éléments qui lui sont exogènes, ni des anomalies, elles sont le reflet des traits fondamentaux de la civilisation elle-même, de sa dynamique propre, de sa dialectique. Les individus révoltés, violents, destructeurs ou psychopathes sont positifs au sens où ils adoptent une réponse conforme à leurs conditions objectives d’existence, qui sont le produit de la civilisation et de l’organisation capitaliste de la société. Ils sont positifs dans leur antagonisme, dans leur négation déterminée de l’ordre dominant. La civilisation occidentale capitaliste à pour réflexe de traiter ces êtres comme des anomalies qu’il faut neutraliser pour perpétuer son existence. Son réflexe n’est donc pas l’autocritique, la remise en question de son fonctionnement, de ses réalisations, la réflexion sur ses potentialités, mais bien plutôt l’élimination pure et simple du problème. L’élimination prend des formes diverses suivant la période historique et le degré de nuisance du problème en question, et va de l’élimination directe de la vie, à des formes disciplinaires de redressement moral et physique, à l’enfermement et à la surveillance.
La civilisation occidentale se base sur le principe de rendement comme principe de réalité. Ce principe de réalité est constitutif du capitalisme, de la course à l’accroissement du taux de profit. Il est le principe de réalité des classes dominantes capitalistes, au niveau national comme mondial, introjecté par une série d’institutions qui s’inter-déterminent : la Famille, l’Ecole, la Télévision, la Publicité, le Travail, l’Eglise.
Le principe de réalité consiste en un report constant du principe de plaisir, c'est-à-dire sur une répression de l’instinct de vie (Eros). Si le report de la satisfaction immédiate du désir consiste en un instinct de conservation de l’Humain, permettant le développement de formes de sublimation, de détournement des pulsion et de réinvestissement de celles-ci dans des activités permettant la transformation du monde objet, de la réalité matérielle, dans le sens de l’apaisement de la lutte constante pour l’existence, cet affaiblissement d’Eros provoque de manière conséquentielle un déséquilibre entre l’instinct de vie et l’instinct de mort (Thanatos). Le progrès de la civilisation est ainsi surinvesti par l’’instinct de mort, qui est sublimé en instinct de destruction. L’instinct de destruction est alors parti prenante des réalisations humaines, de sa transformation du monde objet. Il s’insère dans l’appareil productif sous la forme de destructivité méthodiquement organisée. Il se manifeste dans les activités destructrices de l’homme, c'est-à-dire d’une part la destruction et le pillage de la nature, et d’autre part dans la guerre et la répression Etatique. Il s’incarne de la manière la plus flagrante dans les fonctions policières et militaires.
En tant que surdétermination de l’être par le social, par la classe dominante, ses normes, ses valeurs, ses affects, son éthique projetée dans l’universel, érigée en morale, le principe de rendement consiste en une restriction du principe de réalité, et s’appuie sur la réification, c'est-à-dire une conception du monde objet qui fait abstraction de ses détermination, de ses processus constituant, de sa dynamique interne et de ses antagonismes.
Le capitalisme avancé est totalitaire au sens où il est en capacité d’absorber les instincts de destruction et les instincts de vie, d’administrer Eros et Thanatos dans la dynamique du système productif. Les instincts de vie non satisfaits et réprimés par l’impératif de rendement son d’une part détournés de leur objet dans des activité compensatrices, sublimatoires tels que l’art, la science, ou bien dans des activités désublimées telles que la consommation de produits de luxe investis des valeurs joyeuses, prestigieuses, valorisantes, glorifiantes du système lui-même. C’est ce que Marx appelait le fétichisme de la marchandise. Dans le capitalisme avancé et sa tendance à la dématérialisation, la consommation porte autant sur des productions matérielles que sur des productions immatérielles. La société capitaliste avancée devient alors Spectaculaire Marchande, et pose alors un voile idéologique sur une réalité fétichisée. La répression des instincts de vie entraîne d’autre part un déséquilibre exaltant la destructivité. Cette destructivité est également canalisée dans des activités compensatrices de plusieurs ordres. D’une part, il s’agit des activités de répression physiques, policières et militaires. D’autre part, cette destructivité productive est réinvestie dans des activités compétitives, c'est-à-dire concurrence scolaire, économique, sport, jeux de société. Tandis que les activités professionnelles, et celles de sélection sociale, mettent en jeu la compétition dans le cadre d’enjeux réels, c'est-à-dire qui concernent des situations matérielles d’existence ; la compétition ludique dans le cadre de sports amateurs et de jeux de société fait office de défouloirs, elles permettent la décharge de pulsion agressives dans le cadre virtuel de la destruction simulée. Eros et Thanatos ainsi pris au piège de la machine capitaliste contribuent alors au développement et à l’équilibre de l’appareil productif.
L’appareil productif ne peut intégrer l’ensemble de la population, et d’ailleurs les capitalistes n’en ont pas besoin, bien au contraire : au niveau économique, le maintient d’une population non intégrée permet la perpétuation et l’exaltation du principe de rendement, puisqu’il contraint les salariés à se conformer aux normes de ce principe, et d’accepter n’importe quelle contrainte de travail, au risque de mettre en péril leurs conditions matérielles d’existence, et qu’il maintient une partie de la population dans la pénurie, ce qui permet en cas de crises, de grèves, de se débarrasser des premier salariés, et de puiser dans ce vivier potentiellement prêt à accepter n’importe quel travail, dans n’importe quelle condition, afin de reconstituer ses effectifs nécessaires, et même d’accroître la puissance numérique de l’Etat protecteur du Capital au niveau policier et militaire. C’est en quelque ligne l’analyse marxiste sur la fonction sociale du lumpenprolétariat pour la bourgeoisie dans l’économie capitaliste. Ainsi, maîtriser les conditions d’intégration totale de la population au sein du système productif constituerait pour ses acteurs un effort considérable et superflu de contrôle des déterminations, des conditions spécifiques d’existence qui constituent chaque corps. De plus le développement d’une population non intégrée à l’ordre dominant permet à la domination de disposer d’un vivier constant de boucs émissaires, dont la fonction consiste alors dans l’attribution du port de la responsabilité des disfonctionnements du système. Ces populations constituent alors la figure de l’antisocial, et subissent des formes de désignation stigmatisantes, les constituant alors comme l’Ennemi commun à abattre, ce qui permet alors au groupe dominant de détourner l’attention de l’opinion publique, quant à sa responsabilité relative aux différentes crises du système. Si ce processus se manifeste de manière parfaitement involontaire et mécanique chez de nombreux politiciens et idéologues, d’autres son plus avertis de ce fait, et en usent très habilement pour défendre leurs intérêts et leur position sociale.
Ce mécanisme de désignation de l’Ennemi, qui répand la peur chez les sujets de l’Empire et les rend ainsi docile et malléables, les dispose à la servitude est bien antérieur à l’avènement du la société capitaliste. Il était déjà présent dans la Rome Antique, avec l’opposition entre Barbares et Civilisation. Il repose sur le mythe du chaos et de la destruction relatif aux invasions barbares, qui serait la fin de la civilisation. Ce mécanisme s’est également perpétué sous des formes plus mystiques avec la religion chrétienne. L’Ennemi est alors constitué par la représentation du Diable, Satan, Lucifer, l’invasion barbare par le mythe de l’Apocalypse, et du règne de l’Antéchrist. La figure de Dieu représente l’ordre, l’Empire. Le chrétien est alors le sujet servile de cet ordre, qui est l’expression de la volonté divine, mais qui est en réalité celle de la classe dominante, du clergé et de la noblesse. Cette structure de la soumission s’incarne dans les différentes institutions que sont la Famille, l’Ecole, l’Entreprise, l’Etat. Dieu est le père, le maître, le patron, le président, bref, la figure de l’autorité. Tout ce qui n’est pas conforme à la volonté de Dieu est l’expression du Diable, ainsi, toute révolte contre une autorité injuste est considérée comme défi lancé à Dieu, et comme manifestation du Démon. Servir Dieu conduit à la félicité, désobéir à Dieu conduit à la damnation. La religion chrétienne se base également sur le principe de culpabilité : l’Homme porte la culpabilité du péché originel et Dieu donna en sacrifice sont fils le Christ pour racheter ce pêché. L’Homme, responsable de ce sacrifice devant Dieu lui doit ainsi obéissance, sous peine de damnation. Voici en quelques lignes comment la religion construisit et instrumentalisa la peur et disposa l’être à la culpabilité et la soumission, et par conséquent comment elle occupa la fonction sociale de contrôle idéologique de la population, répandant la tristesse et empêchant le développement vital d’une Humanité joyeuse.
Si la religion à perdu de son influence face à la poussée scientifique et positiviste, qui s’est accompagnée de nombreuses remises en question philosophiques, économiques et sociales, elle à été d’une part réintégrée au système capitaliste, à l’état de patrimoine, et par conséquent de marchandise, et d’autre part à l’état de moralité abstraite et surimposée par la classe dominante, qui avait alors pour justificatif le monde objet qu’elle avait préalablement établit. Cependant, la crise de légitimité des sciences et techniques, précédemment érigées en croyances transcendantales contre la religion, a rouvert une brèche au sein de la modernité permettant une résurgence du christianisme, notamment aux Etats-Unis. Les Etats-Unis ayant bien souvent été précurseurs de tendances fondamentales dans le développement de la civilisation depuis leur avènement en tant que puissance dominante au niveau mondial, il est nécessaire d’y constater un symptôme potentiel de basculement du monde vers l’obscurantisme religieux, et d’affronter la religion au moment ou elle n’a pas totalement recouvré sa puissance. Ce dont il s’agit ici n’est pas tant de croire ou ne pas croire en Dieu, mais de dissocier la question de Dieu de celle du Politique, la question de la croyance de la question morale, et ainsi de dépouiller la religion de ces fonction de dispositif de contrôle social à la solde de l’ordre établit. En effet, la morale religieuse à encore récemment fait office de prétexte pour contribuer à la justification de la guerre impérialiste, et au massacre de populations civiles dans le but de d’accaparer les ressources naturelles d’un territoire et d’y implanter de nouveaux marchés.
La civilisation occidentale capitaliste, judéo-chrétienne, spectaculaire marchande, impérialiste et répressive ainsi démasquée, que représente alors la destruction de quelques vitrines de boutiques, de quelques biens marchands, et la dégradation de quelques monuments religieux face à la répression de la vie caractéristique de l’ordre dominant, face à la morale chrétienne qui anéantit de nombreuses vies durant divers croisades, qui maintint la population durant des siècles dans la peur, la culpabilité, la misère et l’ignorance ; face au système de production capitaliste qui détruit progressivement l’ensemble de l’écosystème et les ressources du milieux naturel, qui maintient objectivement une majeure partie de la population dans la frustration psychique, la souffrance physique, l’impuissance, la pénurie, et la haine ; face à l’impérialisme qui détermine des populations entières à la guerre pour des intérêts qui leurs sont étrangers ; face au protectionnisme national qui expulse des millions de sans papiers, les condamnant ainsi à la misère et souvent à la mort ? Que cela représente-t-il, sinon la manifestation de la révolte d’Eros, puissance animée par la volonté de répandre la vie et la joie, contre ce qui tend à sa décomposition ? Ce que l’Etat désigne par « black blocks anarcho autonomes » et « cellule d’ultra gauche à vocation terroriste», c’est en réalité cela. C’est un ensemble d’êtres sensibles désillusionnés des mystifications et obscurantismes de l’idéologie dominante, et animés par un désir de répandre la vie et la joie dans et contre une civilisation qui répand peur et terreur, qui est animée par l’instinct de mort et qui tend vers sa propre destruction ; un mouvement déterminé par la civilisation destructrice à détruire la destruction elle-même, pour la sauvegarde et le développement d’Eros.
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