• Le Canada et l'O.N.U. (3)

    LA CONFERENCE DE SAN FRANCISCO</strong />

    Le Canada décida de s'investir dans la Conférence de San Francisco qui marqua la création des Nations Unies avec la mise en place de la Charte. L'établissement de l'ONU appartient au domaine de l'extrême. En effet, pour la première fois des pays décidèrent de créer une organisation pour le maintien de la paix et étaient désireux de se donner les moyens d'y parvenir. Cette volonté et le début de cette aventure marquèrent un exploit. On peut aller jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un double exploit pour le Canada puisque cette puissance moyenne abandonnait par la même occasion sa politique isolationniste.

    Cependant, dès les premières négociations, le rôle que le Canada réussit à jouer doit être nuancé. En effet, le gouvernement canadien n'avait pas de représentants aux discussions qui menèrent aux propositions de Dumbarton Oaks, bases de la Conférence de San Francisco. Par conséquent, les informations qu'il réussit à se procurer furent transmises par le biais des représentants de la Grande Bretagne. Il est donc fort probable que les renseignements se limitèrent à ce que les britanniques acceptèrent de communiquer et étaient teintés de leur opinion.

    La participation du Canada à la conférence de San Francisco reçut cependant un soutien très important ce qui montre que cette puissance moyenne avait un désir marqué de prendre part aux missions de cette organisation internationale. En effet, lorsque le gouvernement libéral de l'époque demanda au Sénat ce qu'il pensait de la participation du Canada, celui-ci apporta son soutien unanime à la proposition et 200 contre 5 des membres du parlement à la chambre des Communes donnèrent leur approbation (Tom Keating, </em />2002, </em />p30). Ainsi, la participation du Canada à la Conférence de San Francisco ne fut pas le résultat d'un soutien isolé mais bien d'une volonté globale de l'ensemble des politiciens et diplomates canadiens.

    De plus, ce désir apparut également au sein de la population dans la mesure où de nombreuses émissions de radio et de télévision de la CBC (Canadian Broadcasting Corporation) décrivirent en détails en quoi consistait le Conférence et sensibilisèrent le public. (F.H. Soward, 1956,</em /> p 15)

    L'investissement du Canada dans cette mission extrême que constitua la création de l'ONU fut donc le résultat d'un consensus et d'une explication importante qui marqua le désir croissant d'avoir un rôle à jouer dans cette nouvelle organisation internationale. Cependant on doit se demander si ce soutien fut assez pour donner du poids aux volontés du Canada pendant l'élaboration de la Charte des Nations Unies.

    Au cours de la Conférence de San Francisco, les diplomates canadiens souhaitaient la mise en place de certains changements par rapport aux propositions de Dumbarton Oaks qui servaient de base aux négociations. En effet, ils espéraient entre autre réduire les pouvoirs donnés aux grandes puissances et accroître la voix des puissances moyennes et minimiser le droit de veto des membres permanents du Conseil de Sécurité. Mais le bilan apparut fort nuancé.

    Lester Pearson, le représentant du Canada à la Conférence de San Francisco, voulait donner plus de pouvoir à l'Assemblée Générale dans la mesure où elle compte plus de membres que le Conseil de Sécurité (Report on the United Nations Conference on International Organi</em />zation, 1945, p 24). Il initia l'idée selon laquelle toute décision prise par le Conseil de Sécurité devrait être ratifiée par une majorité à l'Assemblée Générale.

    Cependant il n'obtint pas gain de cause. En effet, sa proposition ne fut qu'en partie incorporée dans l'article 24(3)[1] qui stipule que le Conseil doit informer périodiquement l'Assemblée dont les pouvoirs demeurent donc très limités. Les Grandes Puissances qui siègent au Conseil de Sécurité ont encore le pouvoir décisionnel et cet article est donc loin de ressembler à ce que le Canada aurait souhaité. Cela montre donc qu'il était très difficile pour ce pays d'entrer en compétition avec les Grandes Puissances au cours de la mise en place des Nations Unies : Ottawa devait faire attention à ne pas froisser les Grands et en particulier les Etats-Unis par peur de perdre leur protection.

    Les représentants de cette puissance moyenne voulaient également que les pays soient invités à prendre part aux discussions du Conseil de Sécurité lorsque l'utilisation de leurs forces était demandée (Tom Keating, 2002, p 26). Cette proposition montre qu'ils souhaitaient avoir leur mot à dire dans cette organisation et qu'ils voulaient également que les Nations Unies ne deviennent pas une organisation où les grandes puissances commanderaient les puissances moyennes et leur imposeraient leur décision. La position du Canada soutenue par le Premier Ministre fut partiellement incorporée dans l'article 44[2] de la Charte (Report on the United Nations Conference on International Organization</em />, 1945, p 38). Cependant, comme l'exemple de la Guerre de Corée le montrera, il resta souvent purement théorique et le Canada fut à de nombreuses reprises encouragé par les Etats-Unis voire même contraint à envoyer ses troupes dans des missions pour conserver le soutien de son proche voisin. Et pourtant, cet article existe bien et il permet de limiter les pressions exercées sur les pays quant à l'envoi de troupes. Il joue donc un rôle de modération même s'il n'est pas toujours appliqué à la lettre.

    Le cas des pouvoirs confiés à l'Assemblée Générale et l'utilisation des forces des membres indique que le Canada ne parvint pas, en dépit des négociations à obtenir exactement ce qui était souhaité. Cependant, les articles initiaux furent modifiés partiellement grâce aux talents habiles de Lester Pearson et d'autres diplomates canadiens. Ils auraient probablement dû s'acharner davantage pour obtenir gain de cause puisque les difficultés que l'ONU traversent aujourd'hui remontent en grande partie à son fonctionnement initial. Mais il faut garder à l'esprit que le contexte politique était tendu et que les diplomates canadiens ne pouvaient se permettre d'exiger que leurs propositions soient acceptées entièrement. Les changements apportés aux articles de la Charte modèrent quelque peu l'influence des Grandes Puissances et constituent ainsi un premier exploit pour le Canada.

    Malgré des débuts hésitants et des critiques quant au fonctionnement de l'ONU, le Canada et en particulier le futur Premier Ministre, St Laurent, gardèrent espoir en cette organisation (F.H. Soward, 1956, p 99) et cette puissance moyenne fut élue comme membre provisoire du Conseil de Sécurité entre janvier 1948 et décembre 1949. Au cours de l'élection au Conseil de Sécurité de l'ONU, les membres de l'Assemblée doivent prêter attention à la contribution des pays au maintien de la paix et de la sécurité. Ainsi, l'élection du Canada indique que cette puissance moyenne était investie dans les missions de maintien de la paix et qu'elle y jouait un rôle important.



    [1] Article 24(3) : « Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports spéciaux à l'Assemblée générale. »

    [2] Chapitre VII, Article 44 : « Lorsque le Conseil de sécurité a décidé de recourir à la force, il doit, avant d'inviter un Membre non représenté au Conseil à fournir des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de l'Article 43, convier ledit Membre, si celui-ci le désire, à participer aux décisions du Conseil de sécurité touchant l'emploi de contingents des forces armées de ce Membre. »

     


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