• Nous sommes des millions, peut être même des milliards, une horde de gens qui se relaient depuis la nuit des temps, pour pleurer d'un manque dont on ne parle pas, et quand on le fait c'est parce qu'on ne pleure plus.
    Nous sommes si nombreux que même les uns les autres, tous rassemblés, nous ne pourrions nous consoler d'un tel vide. Et ce n'est pas un vide qui signifie l'absence de quoi que ce soit, mais un vide qui absorbe, qui avale et qui démembre.


    Nous sommes une horde d'assoiffés, une horde à manquer d'amour. Tant de visages qui aimeraient se blottir dans le creu du cou de quelqu'un, tant de bras serrant l'air, tant de dents serrées sur d'autres dents, qui à force s'usent et se dégradent sûrement.
    Beaucoup se disent ou se croient comblés, ceux là sont heureux ou bien le pensent, mais les autres, ceux qui n'ont rien, ceux qui sont avides, ceux qui s'en cachent, ceux qui auront toujours ce creux au bas du ventre, ceux-là ne seront jamais heureux.


    Je crois que je peux me rapeller de chaque baiser, de chaque étreinte, de chaque marque d'affection, d'attention, je les sens encore sur moi, chaque acte est une oeuvre d'art dans mon coeur.
    Cette caresse dans mes cheveux de ma mère alors que j'avais 16 ans, cet énorme calin fait à mon grand-oncle lorsque j'avais 5 ans, cette première étreinte de mon père quand j'avais 17 ans, la première fois que j'ai posé la tête sur l'épaule de mon frère, cette caresse sur la joue de ma grand mère paternelle, ... tous ces actes forment une danse merveilleuse dans ma tête, merveilleuse oui mais dangereuse et ennivrante.


    Je n'ai jamais su si j'ai manqué d'amour et si j'en manque encore, ou bien si je suis une droguée qui a besoin d'une grande quantité de substance pour me sentir bien. Il faut dire que poser la question est toujours interpreté comme un reproche et la poser m'empreint de culpabilité.
    Ceux qui manquent d'amour ne le disent pas, ou alors au creux de l'oreille, comme un secret bien gardé. Car ils savent que lorsqu'ils l'ont dit, ça a fait mal aux autres, et que le seul but de l'aveu était pourtant de chercher le bien, pas de faire mal.


    Je crois que oui j'ai manqué d'amour, et qu'à cause de ça j'en ai besoin beaucoup plus que si je n'en avais pas autant manqué.
    Ma mère en a manqué beaucoup plus que moi, est ce qu'après ça elle a eu toute sa vie besoin qu'on l'aime dix fois plus? Je ne lui ai jamais posé la question, je crois que ce genre de questions ne se posent pas, quelques fois je m'aventure à chercher dans le passé des réponses au présent, mais en général ça ne fait que retourner le couteau dans la plaie.


    En tout cas j'ai un grand vide, celui de mon père. Partout je vois ces pères, à la télé, autour de moi, dans mes lectures, à la radio, et il ne se passe pas un instant en les voyant ou en les écoutant ou je ne me dise pas : Si seulement mon père...
    Mon père, il parait que lorsque j'étais bébé il était dingue de moi, sur les photos ça se voit, on rigole, on s'amuse bien, mais tout ce que je me rapelle de lui c'est deux ou trois bons souvenirs de cette époque et le reste c'est tout des cris, des mots qui blessent, des injustices. Je ne me rapelle pas ces instants sur les photos ou on avait l'air de bien s'amuser, je me rapelle juste de son air fâché ou qu'il me dise d'aller au coin, ou manger mes choux de bruxelles sur la terrasse. Est ce que parce que je ressens tout plus fort ? Que le mal a effacé le bien? Est ce que les photos mentent parce qu'il faut bien sourire pour les photos?
    Mon père ce n'est plus qu'une grosse douleur pour moi, une fracture ouverte qui ne se refermera jamais. Il en a trop dit, et trop fait pour que cette histoire entre lui et moi respire le présent.


    Depuis qu'on s'est quittés fâchés à mes 15 ans, il a commencé à me montrer des marques d'affection mais très occasionelles, et souvent lorsqu'il est saoul. Ces marques d'affections étrangement me font plus de mal que de bien, alors que j'en ai manqué terriblement, à en avoir mal physiquement...
    Lorsqu'il me serre dans ses bras même puant la bierre, je me sens petite et jeune, et ça me fait mal, mal à en crever.
    Pour finir je ne sais plus si je l'aime parce que je le déteste ou si je le déteste parce que je l'aime, je n'aime pas parler de lui, je n'aime pas lui parler. Car lorsqu'il me parle (surtout s'il est sobre sinon pour moi ça ne compte pas) j'essaye de lui faire dire des choses, qu'il me parle de moi, mais quand il me parle de moi c'est pour me dire qu'il a honte de moi, qu'il me trouve nulle, et malgré ça je continue à essayer de grapiller même ces mots négatifs lorsque je le vois.


    Si quelqu'un déteste un de ses parents il peut comprendre, je crois, ce que je dis. Il peux comprendre cette culpabilité qui ronge, il peux comprendre cette douleur de n'avoir qu'un père, qui est faillible et malfichu, il peux comprendre qu'on rêve parfois d'être la fille de... et que tout de suite après l'avoir pensé on se sente très mal, car on n'a qu'un père. Est ce que ma mère peux comprendre ça? Je le crois oui. Car elle a plus ou moins vécu ça, plus par défaut d'actes.


    Je suis terriblement en manque, et je n'ose pourtant pas passer le pas bien souvent, quand il s'agit de dire à un homme que je l'aime pas de souci, c'est mon amoureux, mais chercher l'amour dans ses proches c'est une autre aventure... Et je crois qu'un amoureux ça ne compte pas quand on a ce genre de blessures, ça compte mais ce n'est qu'un réconfort, pas une guérison véritable.


    Le manque ce n'est pas du vide, c'est juste un gros nuage insaisissable et rempli d'épines enduites d'un poison mortel.


    Lou2006


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