• extrait de "Ecrits philosophiques, Tome 3 : physique et métaphysique"



    "on se figure d'ordinaire que l'alternative est entre une physique qualitative comme celle d'Aristote et une physique mathématique comme celle des modernes, avec deux métaphysiques correspondantes. Mais justement Spinoza ne nous permet pas de nous en tenir à cet aspect superficiel; il nous oblige à pénétrer à l'intérieur du problème tant scientifique que philosophique, en opérant une distinction radicale entre deux types de physique mathématique: une physique proprement géométrique qui ne dépasse pas le deuxième genre de connaissance, et une physique proprement analytique qui conduit à l'intuition de pure intelligence, c'est à dire au troisième genre de connaissance.....ces deux types de physique commandent deux métaphysiques dont l'opposition radicale domine la structure de l'Ethique....sinon comment expliquer que dans un même système de déduction apparente se succèdent la 4 ème partie où la servitude de l'homme apparait comme la conséquence inéluctable du mécanisme universel (déterminisme) , et la 5 ème partie où l'intériorité du mathématisme assure à l'homme l'accès à la liberté divine?" 



    Il est important ici de se méfier des pièges de la terminologie employée par Brunschvicg : ce qu'il appelle analytique n'a rien à voir avec ce que l'on entend généralement par "analyse" en mathématiques. La "physique géométrique" est celle qui part de principes (ou d'axiomes) considérés comme définitifs pour en déduire selon une synthèse du type de celle d'Euclide tous les théorèmes ultérieurs. Il nomme "analytique" l'approche qui en reste au stade de la découverte, de l'invention, qui peut établir des systèmes d'axiomes temporaires pour la facilité de l'exposition, mais ensuite les dépasser.



    C'est Descartes qui a établi l'ordre analytique qui est celui de la raison en acte (et qui mathématiquement devrait plutôt être appelé algébrique, si l'on examine son oeuvre mathématique); mais l 'ironie de l'histoire est que sa physique en est restée au stade géométrique, et n'a pas survécu, dépassée par Newton et ses successeurs .


    La mécanique rationnelle, si belle , de Lagrange serait elle considérée par lui comme "géométrique" ? sans doute, et ici on pourrait discuter, car cette mécanique a eu de grands achèvements, et continue d'être féconde intellectuellement.



    Par contre il faut aussi noter que cette "physique géométrique" n'a rien à voir avec ce que l'on appelle la "géométrisatiopn moderne de la physique" (depuis la relativité générale d'Einstein et son utilisation de la géométrie différentielle et tensorielle en particulier), qui appartient bel et bien à la physique analytique de Brunschvicg.



    Ce qui est important dans ce passage, c'est l'affirmation que la connaissance du troisième genre de Spinoza, qui est la connaissance divine, n'a rien de mystique, et ne se situe pas au delà de la raison humaine, à l'oeuvre dans la mathématique et la physique.


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