• Votre poésie m'habille. Je me suis vue dans le miroir, tatouée de vos mots. Si je ne me réveille pas, je pourrai au moins devenir une oeuvre d'art grâce à vous. Objet de science et oeuvre d'art. Il y a pire destin.

    Le temps est au beau fixe, si on peut dire ça comme ça. Ils font ce qu'ils ont à faire, je fais ce que j'ai à faire. Dans mon cas, ça se résume à attendre, à laisser les pensées faire la farandole, et à ne pas dépérir. Ils surveillent leurs machines et, sagement, je m'arrange pour qu'elles ne déraillent pas. Toujours les mêmes sons. Toujours les mêmes graphiques. Si ça continue, je vais les endormir.

    Et peut-être que c'est ce moment que je choisirai pour sortir de ce corps et m'enfuir.

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  • Je ne devrais pas mais ça me rassure que d'autres personnes ici-bas aient vécu des choses semblables aux miennes. Je me sens tout à coup moins seule. Le fardeau est moins lourd. L'espoir est plus grand.

    J'ai rêvé à des mains. Partout. Des traces dans une fenêtre. Une main qui repose. Des mains qui se tiennent et font une farandole. Les dix doigts d'une main, comme les branches d'une étoile. Puis une trace, indélébile, sculpture dans le ciment.

    C'est l'hiver et je porte des gants.

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  • Dans un miroir, on voit quelqu'un qui nous ressemble. On voit une image de ce que nous sommes.

    Magritte. Je me souviens de lui. Il disait Ceci n'est pas une pipe. Sous-entendant que c'était l'image d'une pipe que nous avions devant nous, et non la pipe.

    Ceci n'est pas moi et pourtant c'est moi que je vois. Je me mire dans la glace. J'ai une robe mi-longueur. Plutôt chic. Avec quelques fleurs mauves. Je me regarde en vitesse, pour jeter un dernier coup d'oeil à ma tenue, être bien sûre que je sois présentable et qu'il ne me reste pas une vilaine tache sur le bout du nez ou une couette dressée dans les airs ou un bout de jupon relevé!... Je suis satisfaite. J'entends grouiller derrière moi. Quelqu'un m'attend, alors je ne m'attarde pas. Je ne vois que des ombres bouger derrière. Je n'arrive pas à distinguer qui est là.

    Je me détourne du miroir, j'attrappe mon sac et je m'en vais.

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  • Cette femme, je la connais. Je l'ai connue. Mais il me semble que ça fait longtemps.

    Si elle n'est pas morte, alors, moi non plus. L'ambulance est venue. Avec les sirènes. Avec leur lumière, ils éclairent le visage de ma grand-mère. Et ils m'éloignent...

    Je ne veux pas m'éloigner. Je veux revenir chez-moi. Même sans voiture. Même sans mémoire. J'irai là où on m'a trouvé et je marcherai à l'envers le long du chemin. Je finirai bien par tomber sur quelque chose que je connais!

    Oui, mais pour ça, il me faudrait marcher. Et manger. Toute seule. Et être capable de converser avec le docteur. Avec ma vraie voix.

    Peut-être que je n'ai plus de voix. Je n'ai peut-être plus de larynx... Plus de cordes vocales... Plus de souffle pour les faire bouger...

    Elle me sourit maintenant. Elle est dans un lit d'hôpital et elle me sourit.

    Moi aussi.


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  • Et l'heure est à l'attente. Au moins, je sais encore compter. Je respire toute seule, c'est déjà ça.


    Une vieille femme est étendue par terre, les yeux fermés, complètement immobile. Je cherche un miroir. J'en ramène un, tout petit, mais ça fera l'affaire. Je le mets tout près de son nez, juste sous les narines. Ça fait de la buée sur la glace. Elle respire.

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