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Paul-Jean Toulet
--------------Dans le lit vaste et dévasté
J'ouvre les yeux près d'elle ;
Je l'effleure : un songe infidèle
L'embrasse à mon côté.
Une lueur tranchante et mince
Échancre mon plafond,
Très loin, sur le pavé profond,
J'entends un seau qui grince...
--------------Dans le silencieux automne
D'un jour mol et soyeux,
Je t'écoute en fermant les yeux,
Voisine monotone.
Ces gammes de tes doigts hardis,
C'étaient déjà des gammes
Quand n'étaient pas encor des dames
Mes cousines, jadis ;
Et qu'aux toits noirs de la Rafette,
Où grince un fer changeant,
Les abeilles d'or et d'argent
Mettaient l'aurore en fête.
--------------Ô mer, toi que je sens frémir
À travers la nuit creuse,
Comme le sein d'une amoureuse
Qui ne peut pas dormir ;
Le vent lourd frappe la falaise...
Quoi ! si le chant moqueur
D'une sirène est dans mon cœur -
Ô cœur, divin malaise.
--------------Quoi, plus de larmes, ni d'avoir
Personne qui vous plaigne...
Tout bas, comme d'un flanc qui saigne,
Il s'est mis à pleuvoir.
Douce plage où naquit mon âme ;
Et toi, savane en fleurs
Que l'Océan trempe de pleurs
Et le soleil de flamme ;
--------------Douce aux ramiers, douce aux amants,
Toi de qui la ramure
Nous charmait d'ombre et de murmure,
Et de roucoulements ;
Où j'écoute frémir encore
Un aveu tendre et fier
Tandis qu'au loin riait la mer
Sur le corail sonore.Toute allégresse a son défaut
Et se brise elle-même.
Si vous voulez que je vous aime,
Ne riez pas trop haut.
C'est à voix basse qu'on enchante
Sous la cendre d'hiver
Ce cœur, pareil au feu couvert,
Qui se consume et chante.--------------
Puisque tes jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton cœur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu'y courbe un souffle amer,
Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer.http://armanny.blogg.org