• Charles Dovalle

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    Le bassin est uni : sur son onde limpide
    Pas un souffle de vent ne soulève une ride ;
    Au lever du soleil, chaque flot argenté
    Court, par un autre flot sans cesse reflété ;
    Il répète ses fleurs, comme un miroir fidèle ;
    Mais la pointe des joncs sur la rive a tremblé...
    Près du bord, qu'elle rase, a crié l'hirondelle...
    Et l'azur du lac s'est troublé !

    Au sein du bois humide, où chaque feuille est verte,
    Où le gazon touffu boit la rosée en pleurs,
    Où l'espoir des beaux jours rit dans toutes les fleurs,
    Aux baisers du printemps, la rose s'est ouverte ;
    Mais au fond du calice un insecte caché
    Vit, déchirant la fleur de sa dent acérée...
    Et la rose languit, pâle et décolorée
    Sur son calice desséché !

    Un passé tout rempli de chastes jouissances,
    Des baisers maternels, du calme dans le port ;
    Un présent embelli de vagues espérances
    Et de frais souvenirs... amis, voilà mon sort !
    L'avenir n'a pour moi qu'un gracieux sourire ;
    J'ai dix-huit ans ! mon âge est presque le bonheur...
    Je devrais être heureux... non ! mon âme désire...
    Et j'ai du chagrin dans le cœur !...

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    C'était un soir que tout brillait de feux ;
    Un soir qu'éclatant de lumières,
    Tivoli lassait les paupières
    De mille curieux.

    Là, des bosquets blanchis ; là, des masses plus sombres ;
    Des soleils de cristal, des jours brusques, des ombres
    Qui s'allongent sur le gazon ;
    Aux branches des ormeaux des lampes suspendues ;
    Des nacelles dans l'air ; d'innombrables statues
    Et des choeurs qui dansent en rond !

    Ô jardins enchantés ! scènes éblouissantes !
    Brises du soir ! zéphyrs ! haleines caressantes !
    Air brûlant, imprégné de désirs et d'amour !
    Femmes, qu'on suit de l'œil de détour en détour !
    Tumulte ! bals confus, aux amants si propices !
    Tourbillon entraînant ! Tivoli !... - Quand mon cœur,
    Froissé par le dégoût, mais ardent au bonheur,
    Voudra du souvenir savourer les délices,
    J'irai sous tes arceaux, à la place où brilla,
    Comme un astre d'argent, comme un blanc météore,
    Comme un premier éclat d'une naissante aurore,
    Cette belle inconnue... Et je dirai : " C'est là ! "

    C'est là quelle s'assit, rêveuse
    Et fermant ses yeux à demi :
    Là qu'elle demeura, pâle et silencieuse,
    Près d'un vieil époux endormi.

    Malheureuse peut-être au sein de la richesse !
    Malheureuse peut-être avec tant de jeunesse !...
    Comme elle était belle, grand Dieu !
    Et je l'oublîrais, moi !... j'oublîrais sa tristesse
    Et son regard qui semblait un adieu !...

    Non !... non, jamais ! - Un jour, dans les fêtes bruyantes,
    De plaisir, de beauté, des femmes rayonnantes,
    Pourront étaler à mes yeux
    De leurs dix-huit printemps les grâces orgueilleuses,
    Et tracer, en riant, dans leurs danses joyeuses,
    Des pas voluptueux.

    Quand je verrai leurs rangs s'ouvrir à mon passage,
    Quand j'aurai vu rougir leur gracieux visage,
    Peut-être alors mon cœur palpitera ;
    A mes regards une autre sera belle :
    Mais je dirai : Ce n'est pas elle...
    Et mon bonheur s'envolera.

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