• Nérée Beauchemin

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    Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
    La mer calme, la mer au murmure endormeur,
    Au large, tout là-bas, lente s'est retirée,
    Et son sanglot d'amour dans l'air du soir se meurt.

    La mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
    Au profond de son lit de nacre inviolé
    Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
    Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.

    La mer aime le ciel : c'est pour mieux lui redire,
    À l'écart, en secret, son immense tourment,
    Que la fauve amoureuse, au large se retire,
    Dans son lit de corail, d'ambre et de diamant.

    Et la brise n'apporte à la terre jalouse,
    Qu'un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
    L'âme des océans frémit comme une épouse
    Sous le chaste baiser des impassibles cieux.

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    Octobre glorieux sourit à la nature.
    On dirait que l'été ranime les buissons.
    Un vent frais, que l'odeur des bois fanés sature,
    Sur l'herbe et sur les eaux fait courir ses frissons.

    Le nuage a semé les horizons moroses,
    De ses flocons d'argent. Sur la marge des prés,
    Les derniers fruits d'automne, aux reflets verts et roses,
    Reluisent à travers les rameaux diaprés.

    Forêt verte qui passe aux tons chauds de l'orange ;
    Ruisseaux où tremble un ciel pareil au ciel vernal ;
    Monts aux gradins baignés d'une lumière étrange.
    Quel tableau ! quel brillant paysage automnal !

    À mi-côte, là-bas, la ferme ensoleillée,
    Avec son toit pointu festonné de houblons,
    Paraît toute rieuse et comme émerveillée
    De ses éteules roux et de ses chaumes blonds.

    Aux rayons dont sa vue oblique est éblouie,
    L'aïeul sur le perron familier vient s'asseoir :
    D'un regain de chaleur sa chair est réjouie,
    Dans l'hiver du vieillard, il fait moins froid, moins noir.

    Calme et doux, soupirant vers un lointain automne,
    Il boit la vie avec l'air des champs et des bois,
    Et cet étincelant renouveau qui l'étonne
    Lui souffle au cœur l'amour des tendres autrefois.

    De ses pieds délicats pressant l'escarpolette,
    Un jeune enfant s'enivre au bercement rythmé,
    Semblable en gentillesse à la fleur violette
    Que l'arbuste balance au tiède vent de mai.

    Près d'un vieux pont de bois écroulé sur la berge,
    Une troupe enfantine au rire pur et clair,
    Guette, sur les galets qu'un flot dormant submerge,
    La sarcelle stridente et preste qui fend l'air.

    Vers les puits dont la mousse a verdi la margelle,
    Les lavandières vont avec les moissonneurs ;
    Sous ce firmament pâle éclate de plus belle
    Le charme printanier des couples ricaneurs.

    Et tandis que bruit leur babillage tendre,
    On les voit déroulant la chaîne de métal
    Des treuils mouillés, descendre et monter et descendre
    La seille d'où ruisselle une onde de cristal.

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