• Stuart Mérill

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    Sous le souffle étouffé des vents ensorceleurs
    J'entends sourdre sous bois les sanglots et les rêves :
    Car voici venir l'heure où dans des lueurs brèves
    Les feuilles des forêts entonnent, choeur en pleurs,
    L'automnal requiem des soleils et des sèves.

    Comme au fond d'une nef qui vient de s'assombrir
    L'on ouït des frissons de frêles banderoles,
    Et le long des buissons qui perdent leurs corolles
    La maladive odeur des fleurs qui vont mourir
    S'évapore en remous de subtiles paroles.

    Sous la lune allumée au nocturne horizon
    L'âme de l'angélus en la brume chantonne :
    L'écho tinte au lointain comme un glas monotone
    Et l'air rêve aux frimas de la froide saison
    A l'heure où meurt l'amour, à l'heure où meurt l'automne !

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    Le clair soleil d'avril ruisselle au long des bois.
    Sous les blancs cerisiers et sous les lilas roses
    C'est l'heure de courir au rire des hautbois.

    Vos lèvres et vos seins, ô les vierges moroses,
    Vont éclore aux baisers zézayants du zéphyr
    Comme aux rosiers en fleur les corolles des roses.

    Déjà par les sentiers où s'étouffe un soupir,
    Au profond des taillis où l'eau pure murmure,
    Dans le soir où l'on sent le sommeil s'assoupir,

    Les couples d'amoureux dont la jeunesse mûre
    Tressaille de désir sous la sève d'été
    S'arrêtent en oyant remuer la ramure

    Et hument dans l'air lourd la langueur du Léthé.

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    Une nuit, sous la terrible lune
    Qui saignait parmi les brumes roses,
    Tu parlais, ô soeur, de tristes choses
    Comme une enfant prise de rancune.

    Au loin les appels des mauvais hommes
    Nous montaient des vergers de la plaine
    Où les arbres tordus par la haine
    Tendaient, fruits du mal amour, leurs pommes.

    Tu n'entendis pas le bruit des roues
    Rapportant vers les petits villages
    La récolte des moissonneurs sages
    Qui peinent le temps où tu te joues.

    Tu cueillais les pavots de la route
    Pour en festonner, plein tes mains molles,
    Notre maison où l'on voit les folles
    Mendier, soeurs du deuil et du doute.

    Comme devant une étrange auberge
    Tu fis, évocatrice de désastres,
    Le signe qui flétrit les bons astres
    Dans le jardin d'azur de la Vierge.

    Puis effeuillant au seuil de la porte
    Les fleurs de l'ombre l'une après l'une,
    Tu chantas quelque chose à la Lune,
    Quelque chose dont mon âme est morte.

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