• Guillaume Apollinaire

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    Je souhaite dans ma maison :
    Une femme ayant sa raison,
    Un chat passant parmi les livres,
    Des amis en toute saison
    Sans lesquels je ne peux pas vivre.

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    Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
    Écoutez la chanson lente d'un batelier
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

    Debout chantez plus haut en dansant une ronde
    Que je n'entende plus le chant du batelier
    Et mettez près de moi toutes les filles blondes
    Au regard immobile aux nattes repliées

    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
    Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
    La voix chante toujours à en râle-mourir
    Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

    Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

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    Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
    Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
    Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
    Et s'en allant là-bas le paysan chantonne

    Une chanson d'amour et d'infidélité
    Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
    Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été
    Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

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    Oh! les cimes des pins grincent en se heurtant
    Et l'on entend aussi se lamenter l'autan
    Et du fleuve prochain à grand'voix triomphales
    Les elfes rire au vent ou corner aux rafales

    Attys Attys Attys charmant et débraillé
    C'est ton nom qu'en la nuit les elfes ont raillé
    Parce qu'un de tes pins s'abat au vent gothique
    La forêt fuit au loin comme une armée antique

    Dont les lances ô pins s'agitent au tournant
    Les villages éteints méditent maintenant
    Comme les vierges les vieillards et les poètes
    Et ne s'éveilleront au pas de nul venant

    Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaètes

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    L'anémone et l'ancolie
    Ont poussé dans le jardin
    Où dort la mélancolie
    Entre l'amour et le dédain

    Il y vient aussi nos ombres
    Que la nuit dissipera
    Le soleil qui les rend sombres
    Avec elles disparaîtra

    Les déités des eaux vives
    Laissent couler leurs cheveux
    Passe il faut que tu poursuives
    Cette belle ombre que tu veux

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    Lune melliflueuse aux lèvres des déments
    Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
    Les astres assez bien figurent les abeilles
    De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles

    Car voici que tout doux et leur tombant du ciel
    Chaque rayon de lune est un rayon de miel
    Or caché je conçois la très douce aventure
    J'ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture

    Qui posa dans mes mains des rayons décevants
    Et prit son miel lunaire à la rose des vents

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    Automne malade et adoré
    Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
    Quand il aura neigé
    Dans les vergers
    Pauvre automne
    Meurs en blancheur et en richesse
    De neige et de fruits mûrs
    Au fond du ciel
    Des éperviers planent
    Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
    Qui n'ont jamais aimé
    Aux lisières lointaines
    Les cerfs ont bramé
    Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
    Les fruits tombant sans qu'on les cueille
    Le vent et la forêt qui pleurent
    Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
    Les feuilles
    Qu'on foule
    Un train
    Qui roule
    La vie
    S'écoule

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