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Aimé Césaire
--------------Partir.
Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pasl'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigotmais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot ?--------------
à même le fleuve de sang de terre
à même le sang de soleil brisé
à même le sang d'un cent de clous de soleil
à même le sang du suicide des bêtes à feu
à même le sang de cendre le sang de sel le sang des
sangs d'amour / à même le sang incendié d'oiseau feu
hérons et faucons
montez et brûlez--------------
Soleil serpent œil fascinant mon œil
et la mer pouilleuse d'îles craquant aux doigts des roses
lance-flamme et mon corps intact de foudroyé
l'eau exhausse les carcasses de lumière perdues dans le couloir sans pompe
des tourbillons de glaçons auréolent le cœur fumant des
corbeaux
nos cœurs c'est la voix des foudres apprivoisées tournant sur leurs
gonds de lézarde transmission d'anolis au paysage de verres cassés c'est
les fleurs vampires à la relève des orchidées
élixir du feu central
feu juste feu manguier de nuit couvert d'abeilles mon
désir un hasard de tigres surpris aux soufres mais l'éveil
stanneux se dore des gisements enfantins
et mon corps de galet mangeant poisson mangeant
colombes et sommeils
le sucre du mot Brésil au fond du marécage.--------------
train d'okapis facile aux pleurs la rivière aux doigts charnus
fouille dans le cheveu des pierres mille
lunes miroirs
tournants
mille morsures de diamants mille langues sans oraison
fièvre entrelacs d'archet caché à la remorque des mains de pierre
chatouillant l'ombre des songes plongés aux simulacres de la merhttp://armanny.blogg.org