• Marceline Desbordes-Valmore

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    Le soleil brûlait l'ombre, et la terre altérée
    Au crépuscule errant demandait un peu d'eau ;
    Chaque fleur de sa tête inclinait le fardeau
    Sur la montagne encor dorée.

    Tandis que l'astre en feu descend et va s'asseoir
    Au fond de sa rouge lumière,
    Dans les arbres mouvants frissonne la prière,
    Et dans les nids : " Bonsoir ! Bonsoir ! "

    Pas une aile à l'azur ne demande à s'étendre,
    Pas un enfant ne rôde aux vergers obscurcis,
    Et dans tout ce grand calme et ces tons adoucis
    Le moucheron pourrait s'entendre.

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    Horloge d'où s'élançait l'heure
    Vibrante en passant dans l'or pur,
    Comme l'oiseau qui chante ou pleure
    Dans un arbre où son nid est sûr,

    Ton haleine égale et sonore
    Dans le froid cadran ne bat plus :
    Tout s'éteint-il comme l'aurore
    Des beaux jours qu'à ton front j'ai lus ?

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    Va, mon âme, au-dessus de la foule qui passe,
    Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace.
    Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché
    Le rêve... mon beau rêve à la terre caché.

    Moi, je veux du silence, il y va de ma vie ;
    Et je m'enferme où rien, plus rien ne m'a suivie ;
    Et de son nid étroit d'où nul sanglot ne sort,
    J'entends courir le siècle à côté de mon sort.

    Le siècle qui s'enfuit grondant devant nos portes,
    Entraînant dans son cours, comme des algues mortes,
    Les noms ensanglantés, les voeux, les vains serments,
    Les bouquets purs, noués de noms doux et charmants.

    Va, mon âne, au-dessus de la foule qui passe,
    Ainsi qu'un libre oiseau te baigner dans l'espace.
    Va voir ! et ne reviens qu'après avoir touché
    Le rêve... mon beau rêve à la terre caché !

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