• HOCINE AÏT AHMED (PRESIDENT DU FFS)

    Symbole d'une opposition démocratique sans faille, le président du plus vieux parti d'opposition, Hocine Aït Ahmed, a, tout au long de cet entretien, battu en brèche la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui sera soumise à référendum jeudi prochain. Avec sa légendaire verve caustique, le leader historique démasque les véritables desseins du pouvoir et tire au clair les « dessous » de ce qu'il appelle une « charte à sens unique qui déploie des moyens qui font penser à un tsunami populiste ». Pour Hocine Aït Ahmed, « ce plébiscite permettra à Bouteflika de réaliser ses propres ambitions dont tout indique qu'elles se soucient assez peu du destin et du sort des Algériens ». Le chef charismatique du FFS ne se fait pas d'illusions : « (...) Le pouvoir veut interdire aux Algériens toute mémoire. »

    Le FFS appelle au boycott du référendum sur la réconciliation nationale. Y seriez-vous devenu hostile ? Que rejetez-vous dans le projet de charte ? Sa démarche, son contenu, sa forme ?

    Aït Ahmed ou le FFS hostile à la réconciliation ? C'est une blague ! A moins qu'il ne s'agisse d'une brutale amnésie sur mes appels incessants depuis plus de dix ans à tout faire, d'abord pour éviter la rupture de la paix civile, ensuite à ne pas s'enfoncer dans la crise en mettant tout le monde autour d'une table afin d'éviter la dislocation de notre société et d'entamer un processus de réconciliation. Il est vrai que c'était le temps où les « réconciliateurs » étaient insultés et traités de « traîtres à la nation ». Passons et revenons au projet de charte concocté par le pouvoir. Ce projet n'a rien à voir ni avec la réconciliation ni avec un retour à la paix qui, soit dit en passant, demeure assez relatif. C'est une volonté d'instrumentaliser l'aspiration légitime des Algériens de vivre réconciliés et en paix pour se faire plébisciter. Ce plébiscite permettra à Abdelaziz Bouteflika de réaliser ses propres ambitions dont tout indique qu'elles se soucient assez peu du destin et du sort des Algériens. Globalement, il s'agit tout simplement d'imposer à notre société une lecture de l'histoire que le régime a écrit de bout en bout. Cette version officielle le blanchit, lui donne le beau rôle et incrimine la société algérienne de la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre pays. Cette situation résulte des trois décennies qui ont, inévitablement, conduit à la sale guerre. Déconnection totale de la réalité ? Inconscience ? Cynisme ? Provocation qui consiste notamment à disculper totalement les forces de sécurité de la disparition de 15 000 à 20 000 personnes, alors que la commission présidentielle de Farouk Ksentini a, elle même, reconnu que 6000 disparus étaient « le fait de l'Etat », un Etat qu'elle jugeait alors sans vergogne de « responsable, mais pas coupable »... Ce révisionnisme indécent et extravagant devient en tout cas, comme l'a dit mon ami Abdelhamid Mehri, un « Coran othmanien » que nul n'est en droit de contester, « en Algérie ou à l'étranger ». Dès lors, les familles de disparus, les journalistes, les historiens, les responsables politiques ou les opposants qui persisteront à réclamer la vérité ou qui prétendront enquêter sur les responsabilités de la décennie 1990 deviendront hors la loi. C'est du jamais vu, même pas en Argentine ou au Chili. Non content d'avoir confisqué aux Algériens leur droit d'avoir des droits, le pouvoir veut désormais leur interdire toute mémoire. C'est un acte de guerre contre la société, une sommation de renoncer définitivement à notre souveraineté et de la transférer à un seul homme. En effet, Abdelaziz Bouteflika pourra tout faire par décret au lendemain de l'adoption de ce projet qui « le mandate pour prendre toutes les mesures visant à concrétiser les dispositions » de la charte. Dois-je rappeler que jamais personne n'a obtenu, ni pendant la colonisation ni pendant la guerre de Libération, que le peuple algérien ne signe l'abdication et le transfert de sa souveraineté, comme on le lui demande aujourd'hui ? Le tout pour une paix illusoire. Le régime ne demande pas pardon pour le désastre provoqué, ne se remet pas en cause, mais responsabilise au contraire la société du marasme politique, social et économique dans lequel sa gestion nous a plongés. Voilà pour le fond et le contenu d'une charte qui ne vise qu'à imposer un pouvoir fantasque absolu, assurer l'impunité des forces de sécurité et réduit le conflit algérien à un simple terrorisme en occultant toute sa dimension politique. Que faire d'autre que boycotter une démarche aussi inique ? Que faire d'autre quand, par dessus le marché, il n'existe aucun débat contradictoire ? La campagne référendaire n'existe tout simplement pas. Elle est à sens unique, déploie des moyens jamais vus qui font penser à un tsunami populiste... et à Kim Il Sung. Rien n'y manque : ni la réquisition par centaines de bus et par milliers de fonctionnaires dont la désobéissance signifierait limogeage ; ni la répression pure et dure, par exemple contre les familles de disparus. Je pensais que cela présageait une escalade de la répression. J'avais tort : on n'aura pas attendu l'adoption de la charte pour sévir contre les récalcitrants, bref, pour appliquer, quarante ans après l'indépendance, le nouveau code de l'indigénat et imposer l'oubli à coups de poing et de pied contre des femmes, souvent âgées, qui ont un seul tort : refuser d'oublier et réclamer, au moins, le corps de ceux qui leur ont été arrachés à l'aube ou en pleine nuit par les forces de sécurité.

    Croyez-vous vraiment que votre appel au boycott sera entendu ?

    D'abord, un mot aux opportunistes de tous poils et aux janissaires de la plume et du droit qui ont confectionné ce magma explosif. Demain, baad essekra (le lendemain du jour d'ivresse), demanderont-ils pardon au peuple algérien ? Par pudeur, on n'osera même pas reprendre le mot adressé par Châteaubriand à ceux qui avaient soutenu le plébiscite de Napoléon III : « Je vous avais prévenu : c'est vous qui l'avez placé, c'est à vous de l'enlever ! » Vous savez, je pense que les Algériens comprennent parfaitement le piège qui leur est tendu, par delà leur volonté légitime de vivre enfin en paix. Mais je sais que la machine à intimider et à produire de la fraude est celle qui fonctionne le mieux dans notre pays. Les Algériens sont sans cesse appelés à voter, mais ce ne sont jamais les urnes qui ont décidé de leur destin, ni les résultats sortis de ces urnes qui ont exprimé leurs aspirations. Ne parlons pas du rouleau compresseur qui tient lieu de campagne électorale. La seule transparence à laquelle nous pouvons aspirer est une contrefaçon à ciel ouvert. La communauté internationale ouvrira-t-elle enfin les yeux ? Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et surtout qui ne parvient pas à accepter que les Algériens n'ont pas moins de droits, et moins le droit à la solidarité que les Ukrainiens, les Géorgiens ou les peuples de l'ex-Yougoslavie. Je crains donc qu'on cautionne une fois de plus une mascarade qui ne laisse aucune chance de paix et de réconciliation à l'Algérie.

    Comment voyez-vous l'après-référendum ?

    Le pouvoir est en guerre contre une société qu'il ne parvient pas à contrôler. Son refus du moindre changement prépare de nouvelles conflagrations. La culture de l'impunité s'exprime de manière indécente. La dilapidation et la confiscation des richesses de l'Algérie aussi. Quand on brade les hydrocarbures sans aucune raison économique valable, alors que le prix du baril de pétrole approche les 70 dollars sous prétexte que la loi sur les hydrocarbures « nous est imposée de l'extérieur » : on ne peut qu'être sidéré que Bouteflika ait eu à agiter la menace fantomatique d'une intervention étrangère pour faire passer cette réédition indigne de l'Algérie. Aucun pays développé ou en voie de développement n'a ouvert à l'étranger l'accès à la propriété des richesses du sous-sol. A plus forte raison s'agissant de l'Algérie, où ces richesses ont été sacralisées patrimoine incessible et inaliénable tout au long des luttes politiques et sociales du mouvement indépendantiste et surtout pendant la guerre de Libération notamment par les résolutions des assises fondatrices du FLN. Que vaut un patriotisme qui fait fi du fait que la guerre a été prolongée de plusieurs années en raison de la volonté intransigeante du GPRA de reconquérir notre Sahara, et qui se permet d'accuser ceux qui ont fait le Contrat national d'avoir « vendu le pays ». On a envie de reprendre le leitmotiv des manifestants boliviens : « Rendez-nous notre pétrole » en ajoutant : « C'est le sang du peuple algérien. » Essayons de nous mettre à la place de ces cadres formidables qui ont réussi la nationalisation des hydrocarbures avec si peu de moyens et qui voient cette conquête économique réduite à néant. Le régime dépense beaucoup d'argent et d'énergie pour réprimer, empêcher les gens de s'exprimer, caporaliser les partis et les syndicats afin d'enlever toute visibilité à l'alternative démocratique. Vous savez, nous avons un défaut que nous assumons : nous rejetons la violence d'où qu'elle vienne. Nous voulons une transition démocratique et il va de soi qu'elle doit être faite avec le pouvoir. Encore faut-il que celui-ci accepte de voir dans les forces politiques des partenaires et non des faire-valoir. Lever l'état d'urgence, arrêter la répression multiforme contre les militants politiques et syndicaux, débattre librement des causes profondes de la crise sont des préalables incontournables. Au lieu de cela, on utilise le projet de charte comme un préalable à une révision constitutionnelle, qui reste indispensable pour permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat.

    Une sortie de crise est-elle possible ? Comment la voyez-vous et quelles formes d'alliance envisagez-vous pour lancer une dynamique démocratique ?

    Avant tout, je veux répéter que la société algérienne est très en avance sur le pouvoir : elle est pluraliste, ouverte et prête à assumer les responsabilités d'une transition. C'est d'ailleurs grâce à elle, grâce à la majorité silencieuse, que l'Algérie n'a pas totalement basculé dans une guerre civile. Mais l'étouffement du champ politique livre le pays aux archaïsmes et contraint les élites à un choix terrible : rejoindre les groupes d'intérêts mafieux ou se résigner à la marginalisation. Si le FFS reste le plus déterminé dans son combat pour les libertés, il est loin d'être seul : il converge avec d'autres forces politiques et sociales et d'autres personnalités vers les mêmes objectifs. Je reste persuadé qu'au sein même du régime, des hommes et des femmes sont lucides sur l'impasse dans laquelle nous sommes, et savent combien la démarche actuelle est dangereuse, précisément pour la réconciliation et la paix. Nous devons à tout prix sortir de la fiction qui nous a été servie pendant toute la décennie 1990 et qui présente l'Algérie comme un champ de confrontation entre des appareils militaro-policiers prétendument modernistes et des islamistes obscurantistes. Cela revient tout simplement à dénier l'existence de toute une société vivante, qui aspire au développement, à la modernité et à la démocratie. Quelles formes prendront les différentes alliances ou regroupements qui émergeront dans une dynamique politique visant à une rupture pacifique ? Ce serait insulter les principes élémentaires de la démocratie que d'en tracer à l'avance les modalités. Je pense en clair que la seule ligne de démarcation se situe entre ceux qui luttent pour une transformation démocratique et ceux qui œuvrent à maintenir un système brutal, bloqué et disqualifié. Je voudrais aussi insister sur un point fondamental à mes yeux : la solution pour l'Algérie ne réside pas dans la re-création d'un parti unique ou d'un consensus populiste. Nous en connaissons les méfaits et je ne me prêterai jamais à ces regroupements factices, sentimentaux ou d'intérêts. Je ne crois qu'à une chose : une fois la paix civile assurée, c'est seulement dans la dynamique politique et le respect de la différence et du pluralisme que peuvent émerger les structures adéquates.

    Quelle est la place des islamistes dans cette perspective ?

    Je voudrais d'abord remarquer que ce n'est pas par des conciliabules secrets et dans les coulisses de je ne sais quelle officine qu'on réglera ce problème fondamental. C'est exactement ce qui s'est passé jusqu'à maintenant. C'est ce qui fait qu'on voit intégrer des chefs terroristes de tous bords au partage de la rente en échange de leur collaboration. Cela n'amènera ni à la réconciliation ni à une paix durables. Cela aggravera au contraire la confusion et, plus grave encore, les haines et les ressentiments. Je ne crois pas que ce soit faire insulte à un courant socialement présent dans notre société que de dire que les dirigeants de l'islamisme politique ont souvent été le faire-valoir et le prétexte permanent du régime pour s'opposer à toute évolution démocratique. Nombre de ces dirigeants se sont disqualifiés, et le nier reviendrait simplement à se voiler la face. La société algérienne est beaucoup plus sécularisée qu'on ne le croit en dépit du monopole que le système s'est octroyé en matière de religion ou qui a provoqué les dérives archaïques et violentes. Cela étant, qu'on ne compte pas sur moi pour criminaliser ou bannir un pan entier de notre société qu'il s'agit, au contraire, d'intégrer au jeu politique. Nous avons payé trop cher les manipulations délibérées et le refus de prendre en compte cette réalité. 200 000 morts nous en rappellent le prix. Mais soyons clair : cette intégration doit se faire dans le respect de règles clairement définies et auxquelles on ne saurait tolérer aucun manquement sous quelque prétexte que ce soit. Il va aussi sans dire que l'extrême misère, l'exclusion, la détresse et l'abandon dans lesquelles vit une grande partie des Algériens ne peuvent que faire le lit des extrémismes. Il faut donc se préoccuper en priorité et en urgence du devenir de ces hommes et de ces femmes et leur permettre de vivre dans la dignité. Retarder l'instauration de l'Etat de droit, le rétablissement des libertés et la lutte contre la pauvreté conduira à l'extrémisme dans sa version la plus radicale. Aussi, je reste convaincu que la seule véritable réconciliation serait celle qui résorberait l'intolérable fracture séparant une classe de nantis qui dispose de tous les pouvoirs, de toutes les richesses et tous les privilèges, et une population abandonnée à son sort, sans aucun droit, et qui crève de précarité et de misère.

    Le FFS s'est prononcé pour la participation aux élections partielles en Kabylie. Sur quels thèmes fera-t-il campagne ?

    On ne peut comprendre ce problème sans savoir que l'objectif du FFS concernant cette région est aux antipodes de celui du pouvoir. Celui-ci persiste à singulariser une Kabylie qui le défie car elle demeure un bastion démocratique et politisé par excellence. Aussi ne cesse-t-il de s'acharner à la faire basculer dans la violence en utilisant un arsenal de manipulations. Sa stratégie véritable est aujourd'hui percée à jour : il s'avance masqué derrière un faux problème régional pour refuser toute sortie de crise nationale. Il s'agit d'une entreprise de guerre destinée à diviser les Algériens et à rendre impossible la paix. Ce qui, soit dit en passant, est la preuve flagrante que l'intitulé de la charte n'est qu'un guet-apens mystificateur. A l'opposé, préserver à tout prix l'unité de notre pays est la constante de l'action politique du FFS. C'est la raison essentielle de notre participation aux élections locales d'octobre 2002. Dès lors, comment s'étonner que Bouteflika ait décrété la révocation des élus de Kabylie sous prétexte que nos municipalités fonctionnaient mal. Cet argument est mensonger puisque des émeutes ont lieu presque quotidiennement à travers le pays, sauvagement réprimées d'ailleurs, sauf dans les wilayas de Kabylie. Au-delà, et beaucoup plus inquiétante est la réapparition du GSPC. Elle est si bizarre et si soudaine qu'elle confirme l'hypothèse d'une autre forme de guerre contre les forces politiques et démocratiques. Une tchétchénisation annoncée.

    Comment appréciez-vous les pourparlers entre le gouvernement et les représentants des archs ?

    Un chacal qui s'amuse à négocier avec sa queue est une comédie d'Alcôve qui n'amuse pas les Algériennes et les Algériens.

    Le traité d'amitié entre l'Algérie et la France semble marquer le pas. La reconnaissance par la France des crimes coloniaux est-elle un préalable à une relation apaisée ?

    On ne peut que se féliciter que le mot « amitié » soit enfin associé aux relations entre nos deux pays. Même si l'amitié entre les peuples algérien et français n'a pas attendu pour exister d'être confondue avec un traité signé par deux gouvernements ayant chacun leurs intérêts, leurs arrière-pensées et leurs objectifs propres. Est-il besoin de répéter que la tristement célèbre loi française du 23 février, qui reconnaît les « bienfaits de la colonisation », réussit l'exploit d'être à la fois scandaleuse et stupide. Scandaleuse car elle est une insulte pour les souffrances endurées par les Algériens pendant 130 ans de colonisation et sept ans d'une terrible guerre de Libération. Stupide, car elle revient à désavouer la formidable dynamique anticoloniale qui a permis à de nombreux peuples en Afrique, en Asie et ailleurs de recouvrer leur souveraineté. Mais l'instrumentalisation démagogique d'un nationalisme archaïque et revanchard de cette loi par le pouvoir n'est pas moins détestable. Comment faire crédit à Bouteflika et ne pas voir dans la surenchère de sa campagne une instrumentalisation du martyre qu'ont vécu les Algériens pour arracher leur libération ? Comment croire à la sincérité de sa surenchère sur le « devoir de vérité et de mémoire » - devoir je le répète légitime sous tous les cieux - quand, dans le même temps, il exige des Algériens qu'ils tirent une fois pour toutes à partir du 30 septembre un trait sur 200 000 morts, 15 000 à 20 000 disparus et un million ou plus de déplacés ? Cela montre que ce tour de passe-passe n'est qu'une indigne usurpation des souffrances de notre peuple, surtout quand on sait que le pouvoir n'est pas en reste de révisionnisme et de relecture de notre histoire. Tout se passe comme si le pouvoir n'exigeait aujourd'hui de la France une repentance - par ailleurs, je le répète, légitime - que pour mieux contraindre les responsables français à continuer à observer un silence assourdissant sur la situation de notre pays et à cautionner la dérive totalitaire qui est en marche. Bouteflika bombe en fait le torse pour arracher une repentance à Chirac, qu'il présentera comme un haut fait d'armes pour mieux faire oublier que le pouvoir, comme lui-même, ont toujours considéré que la vraie légitimation s'obtenait à Paris et, depuis quelque temps, à Washington également.

    Une question personnelle. Vous n'envisagez toujours pas de retourner en Algérie ? Le feriez-vous un jour ?

    La rayba fihi

    Bouzeghrane Nadjia
    Rémi Yacine


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  • L'inlassable combat du FFS

    El Watan, 28 septembre 2005

    L'Histoire restera constamment en éveil tant que toutes les vérités ne sont pas mises à la lumière. Il est ainsi d'une réalité que les officiels passés et présents tentent de dévoyer et souvent de diaboliser : c'est l'histoire du FFS dont les idéaux s'abreuvent à la source du mouvement national libérateur.

    Des amalgames et des raccourcis sont souvent empruntés par les détenteurs du pouvoir pour polluer l'essence démocratique d'une force que tout prédestine au rôle catalyseur pour la promotion d'une démocratisation de l'Algérie et partant, du Maghreb des peuples. Ne charge-t-on pas aujourd'hui le 29 septembre 2005 d'éclipser à travers un autre texte « scellé et non négociable », l'historique 29 septembre 1963 et ses 42 années de lutte pacifique pour le recouvrement d'une authentique souveraineté du peuple ? « Pendant notre guerre de libération, c'était à ce peuple de choisir sa voie. Ceux qui l'ont privé de la parole, qui l'ont empêché d'exercer ses responsabilités, avec l'arrière pensée de « vivre comme des rois » et de « régner » sur l'Algérie, ont commis une faute grave. Une faute dont nos enfants supporteront les conséquences. Car le jour viendra ou, ces enfants descendront dans la rue pour réclamer leur liberté et leur pain ... L'Algérie s'édifie malgré les mauvais bergers qui l'ont conduite sur des chemins ténébreux ». Ferhat Abbas. De l'indépendance confisquée à la résistance. 05 juillet 1962, c'est l'indépendance. L'Etat devait se construire selon sa définition dans la déclaration de novembre. Seulement, l'Etat censé réguler le pouvoir unique à partir des exigences de la société dans sa diversité, est devenu l'enjeu de la politique au lieu d'en être le moteur. Ainsi, les colonels qui avaient su préserver l'autonomie de la glorieuse ALN durant la guerre de libération comme gage de l'avenir, réalisent eux-mêmes le schéma parfait d'un pouvoir populiste mais, autoritaire et répressif. Pendant ce temps là, le peuple pleurait ses martyrs, le chômage frappait des pans entiers de la société alors qu'une partie de la jeunesse émigrait en France après avoir combattu le colonialisme français. Le pays n'était toujours pas le sien. S'il était indépendant, la liberté restait à reconquérir. C'est dans ce contexte que Hocine Aït Ahmed, alors député de Sétif, avait vite compris que les vraies valeurs de Novembre 54, source de sacrifices de tout un peuple, volaient en éclat et qu'il fallait un sursaut salvateur, comme il l'explique le 10 juillet 1963 : « ... J'ai décidé de mener une lutte politique ouverte contre le régime socialo-mystificateur...C'est le seul moyen de désamorcer la situation rendue explosive... », vu, « l'incapacité de l'Assemblée Nationale Constituante de bloquer le totalitarisme du régime... ». C'est l'opposition ouverte. Né officiellement le 29 septembre 1963 dans une conjoncture nationale douloureuse, le FFS est par essence même le résultat des excès totalitaires des putschistes des frontières en prolongement de la crise de 1962. Ainsi, dès sa proclamation rendue publique le 29 septembre 63, le FFS annonce ses objectifs :

    1. Opérer le redressement de la révolution algérienne. 2. En assurer la continuité en instaurant un socialisme fondé sur l'adhésion populaire, seule garante de justice sociale et de liberté. Le FFS se positionne en rassembleur de tous les exclus du système. Les fondateurs du parti*, tous moudjahidines, issus de différentes régions du pays, s'attellent à gagner aux Algériens le droit à la citoyenneté et la dignité qu'elle procure. Mais, le pouvoir use de tous les moyens répressifs et démagogiques pour combattre, mater et éliminer cette nouvelle force qui redonne espoir à une population qui n'a pas fini de panser ses blessures. Les attaques publiques contre l'une des figures du mouvement libérateur, M. Hocine Aït Ahmed, taxé de « séparatiste et assoiffé de pouvoir » par le président Ahmed Ben Bella, attisent le conflit : les « Wilayas » historiques du centre reprennent les armes. La Kabylie sera le théâtre d'opérations militaires qui replongent la population dans un nouveau cauchemar. Les troupes de l'ALN acquises aux thèses du FFS ne restent pas les bras croisés. C'est la guerre ouverte. Mais une aubaine s'offre au régime pour porter un sérieux coup à la résistance armée du FFS : le problème frontalier avec le Maroc. Le pouvoir exploite alors cyniquement la fibre patriotique et greffe la crise frontalière sur les vrais problèmes du pays soulevés par le FFS mais relégués au second plan par le « danger extérieur ». Cette manœuvre diabolique avait pour conséquences la défection de la moitié du 1er Etat Major du FFS, qui rejoignit sous la direction de feu Mohand Oulhadj le lieu des combats sur la frontière ouest en novembre 63, et permet une année après, l'arrestation de Hocine Aït Ahmed le 17 octobre 1964. Mais malgré cela, la victoire militaire est impossible pour les deux parties en conflit. La nécessité d'une négociation globale s'imposait. Les premières tractations débutent entre janvier et février 1965, et se concluent par des accords qui prévoyaient « la libération de tous les détenus politiques » et « l'intégration des militants du FFS dans la vie active ». La deuxième phase des négociations porte sur le volet politique qui doit reprendre après la conférence afro-asiatique d'Alger prévue pour fin juin 1965. Les jalons du multipartisme sont jetés. Le FFS est reconnu de facto comme deuxième parti du pays comme le titrent à la Une les quotidiens « Le Peuple » et « Alger Républicain » du 16 juin 1965. Mais les intérêts étroits du régime militaire, n'ont donné aucune chance à l'ouverture démocratique qui se profile à l'horizon. Le 19 juin 1965, un conseil de la révolution s`accapare publiquement et officiellement du pouvoir et l`armée inaugure son premier « redressement » en Algérie. C`est en fait un coup d`Etat militaire. Une nouvelle phase commence pour le FFS.
    La clandestinité

    Le coup de force rend caduque la légalisation du FFS consignée pourtant dans l`accord passé avec le parti-Etat, le FLN, selon les comptes rendus de la presse étatique. Le pouvoir changea de main mais le système demeura. La force supplante le Droit. La chasse aux sorcières se fait plus virulente, le rouleau compresseur est mis en route. Les militants, les sympathisants et l'ensemble des organisations plus ou moins proches du FFS, connaissent le harcèlement, les prisons. Tout était fait pour une mise au pas et il a fallu attendre 1980 pour démontrer que le système n'était pas invincible mais tout à fait vulnérable. Au point ou le régime qui se présentait comme le garant de l'unité du peuple, s'est fait le champion de la division, usant du régionalisme de façon criminelle, sans tenir compte des conséquences pour la nation, l'essentiel étant de se maintenir. Deux ans après, en avril 1982, l'Oranie, vient battre en brèche les accusations de « régionalisme » et sert à son tour de théâtre à des manifestations populaires réprimées dans la violence.
    En 1985, le pouvoir bascule.

    Alors que les membres fondateurs de la ligue Algérienne de Défense des Droits de l'Homme sont jugés par la Cour de sûreté de l'Etat le 15 décembre1985, Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella, deux artisans de la libération du pays, signent le 16 décembre à Londres « La Proclamation pour l'instauration de la Démocratie en Algérie ». Cet acte éminemment politique exacerbe les craintes du pouvoir.. Il n'est plus possible de régionaliser le problème en brandissant le « syndrome kabyle ». Le régime redoute une contagion de l'Oranie une nouvelle fois et passe à l'action. En 1987, Me Ali Mecili, cheville ouvrière du FFS, militant invétéré de la Démocratie et artisan du rapprochement des deux leaders Ben Bella et Aït Ahmed, est froidement assassiné à Paris. L'enquête sur cette hideuse liquidation n'aboutira ni à Paris ni à Alger, pour ... « raison d'Etat ». Les événements se précipitent.Le peuple algérien, excédé par les malversations au sommet du Pouvoir, l'arrogance des nouveaux riches, les exclusions, les pénuries et la répression, finit par faire trébucher le régime lors des émeutes d'octobre 1988. Les jeunes sont fauchés par les balles explosives et le monde commence à découvrir la vraie nature du régime.
    Les portes s'entrouvrent, forcées, sur la démocratie

    Une seule issue reste au pouvoir : amorcer contre son gré la fin des monopoles et reconnaître la réalité nationale. Une nouvelle constitution voit le jour le 23 février 1989 et consacre le multipartisme. Minée au départ, elle sera elle aussi transgressée par ses promoteurs.

    1- Un parti politique est proclamé exactement le 11 février 1989, suite à une rencontre « secrète » entre des personnalités influentes au sommet du régime et certains membres fondateurs de ce nouveau parti dont la mission était entre autres, de supplanter le FFS et d`enterrer le MCB 2- Des partis islamistes sont agréés contrairement à l'esprit de la nouvelle constitution.

    Malgré cet état de fait, Hocine Aït Ahmed rentre au pays le 15 décembre 1989 après 23 années d'exil. L'accueil triomphal qui lui est réservé par des milliers de citoyens est de bon augure : l'espoir est de nouveau permis. La clandestinité est enterrée, le FFS tient son premier congrès sur le sol national en mars 1991 sous le slogan « pour une Algérie libre et heureuse ». Une année auparavant, le FFS, prenait souverainement une décision qui bouleversait les mœurs politiques du pays : le boycott des élections locales. Décembre de la même année, les législatives « propres et honnêtes » sont avortées entre les deux tours. Le 02 janvier 1992, le FFS appelle la population à une marche citoyenne pour aller au deuxième tour des élections. Une marée humaine envahit les rues de la capitale. La volonté populaire n'empêche pas le pouvoir d'arrêter le processus démocratique et de réaliser un coup d'état sous la couverture d'une démission du Président de la République d'alors. C'est le point de départ d'une spirale de violence infernale, du chaos. Le choix populaire a été violé, bafoué malgré les avertissements du président du FFS , Hocine Aït Ahmed, lancés en direction de la haute hiérarchie militaire en proposant l'ouverture d'un dialogue politique avec les forces en présence. En Juin 92, le Président du HCE, Mohamed Boudiaf est assassiné en direct à la TV dans l'exercice de ses fonctions. C'est le summum de la violence. La maffia dite « politico-financière » inaugure le cycle des liquidations politiques sans épargner les symboles de la révolution. En Août de la même année, sur insistance de ses proches, Hocine AÏT AHMED retourne à son exil. Le FFS tente de désamorcer la situation rendue explosive par le bras de fer pouvoir-islamistes. L'affrontement est inéluctable. Le pouvoir choisit le tout sécuritaire et les islamistes sont acculés à la clandestinité et aux maquis. Les Algériens vivent l'enfer et le FFS appelle de nouveau au dialogue et à la réconciliation nationale. Le pouvoir reste sourd. Devant le blocage, des personnalités et partis politiques représentants différentes sensibilités de la société algérienne, se réunissent à Rome en Janvier 1995 et signent le « Contrat National », invitant le régime à s'y associer pour arrêter l'effusion de sang. La réponse du pouvoir rejetait « globalement et dans le détail » cette offre de paix. La violence continue, la réconciliation entre algériens devient un sujet tabou. Dans sa logique de force, le pouvoir organise la même année des élections présidentielles pour une reconfiguration subjective du paysage politique. Le candidat de l'armée prône la paix. Le peuple dans son vote refuge choisit le général ZEROUAL espérant voir le rétablissement de la paix. Les trois autres candidats lièvres retournent chez eux, leurs quotas en poches. Mais la violence ne s'arrête pas. En Juin 1998, l'assassinat d'un symbole populaire, rebelle et indomptable : Matoub Lounès, mettait le feu aux poudres en Kabylie et le FFS, dut encore une fois jouer les premiers rôles pour déjouer la manœuvre et éviter l'embrasement escompté. La suite des événements (création de l'ACT et l'ACB) nous renseigne un peu plus sur les dessous de cette liquidation, l'une des raisons qui ont poussé Zéroual à la démission. 1999 : Elections Présidentielles anticipées avec la participation de Hocine Aït Ahmed. Face à l'élan populaire suscité lors de la campagne électorale présidentielle, la machine de la fraude se met en branle au profit du « candidat du consensus ». A quelques heures du scrutin, six (06) candidats à la magistrature suprême se retirent et laissent Bouteflika candidat face à lui même. Son intronisation révèle aux Algériens et Algériennes qui avaient, dans leur majorité, dit oui à ceux qui avaient osé dire non à cette mascarade, une réalité amère : tout ce que le FFS prônait pour la sortie de la crise, pourtant combattu par le pouvoir et ses relais est repris à son compte et applaudi par ceux là mêmes qui le rejetaient hier encore : Paix, Réconciliation Nationale, ne sont plus synonymes de complaisance avec l'islamisme radical et avec le FIS en particulier. Si le FFS avait été écouté à temps, la sagesse aurait fait à l'Algérie l'économie d'une tragédie absurde ! En 2001, les conséquences de l'assassinat de Guermah Massinissa ont provoqué une crise rarement égalée en violence en Kabylie. L'histoire témoignera que le FFS a choisi de placer les interets de l'Algérie au-dessus de ses intérêts partisans en participant notamment, dans une ambiance de violence organisée, aux élections locales d'octobre 2002.Cette participation témoignera d'une position du FFS qui n'arrangeait pas les affaires du parti mais qui s'inscrivait dans un cadre sacré : l'unité nationale. Aujourd'hui, les élections locales de 2002 ont remis à sa place qui lui sied chaque acteur de la région et l'embrasement « attendu » n'aura pas lieu malgré une dissolution illégale d'APC légales suite à des accords illégaux entre un groupe de clandestins et un chef de gouvernement réputé pour savoir faire dire à l'urne ce qu'il veut. Sur le plan international, les attentats du 11 septembre et dernièrement ceux de Londres, ont fait de chaque dictateur un « démocrate avéré » selon son degré d'engagement dans la lutte anti terroriste. C'est dans ce contexte que le chef de l'Etat, appelle à une vaine opération de blanchiment politique à travers une énième mascarade référendaire. Ce leurre est destiné à tromper une nouvelle fois l'opinion nationale et internationale sur la nature d'un régime qui sait chanter dans le même couplet et la réconciliation et l'exclusion, qui sait se faire le champion de la paix et de l'éradication hier juteuse, selon les dividendes du moment et la direction du vent des bailleurs de fonds de l'Algérie. L'algérien a compris que la consultation à laquelle il est convié ne vise en réalité qu'à absoudre les coupables de crimes et à culpabiliser les victimes d'une crise imposée ou l'Etat "est responsable mais pas coupable". Sinon comment expliquer la philosophie dont s'imprègne fortement la charte et ses auteurs ou les mots Vérité et Justice, condition sine quo none pour la construction de la Paix ont été omis ? Cette charte voulue Historique consacre en fin de compte l'impunité et ne mobilise que confusion et manœuvres à l'exemple de la révocation des élus pouvant être des témoins gênants d'une fraude massive à l'avantage d'une charte « à ne lire qu'entre les lignes » et de la date choisie qui n'est autre que la naissance du FFS.En un mot,transférer la souverainté du peuple à un seul homme !

    Sources :

    Salem Chaker in - Imazighen assassiné- Hocine Ait Ahmed in - L'affaire Mécili- Mohamed Harbi in - Le FLN mirage et réalités- Ferhat Abbas in - L'indépendance confisquée- Ramdane Redjala in - L'opposition algérienne- Témoignages des anciens de 63.

     


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  • Aït Ahmed critique Bouteflika et sa charte

    El Khabar, 1 octobre 2005

    Le président du FFS (Front des Forces Socialistes), Hocine Aït Ahmed, a estimé que le président Abdelaziz Bouteflika se plie aux ordres de certains cercles étrangers, en réitérant son refus de la charte pour la paix et la réconciliation nationale.
    Hocine Aït Ahmed a ouvert le feu sur le président Abdelaziz Bouteflika, dans une émission télévisée, mardi dernier, sur Berbère TV. L'invitée de la chaîne berbère dont les programmes sont diffusée depuis Paris, a accusé le président de la République d'avoir vendu l'Algérie en échange d'un dollar symbolique.
    Le président du FFS est allé encore plus loin en insistant sur le fait que c'est le président français, Jaques Chirac, qui a installé Bouteflika dans son poste de président de la République avec le plébiscite des généraux.
    Concernant la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Aït Ahmed précisa que le pouvoir instrumentalise deux valeurs du peuple algérien, à savoir la paix et la réconciliation.
    L'orateur ajouta que "cette charte, élaborée par le régime militaire et policier, vise à transférer la souveraineté du peuple algérien vers la personne du président Bouteflika".
    Le numéro un du FFS pense que la charte pour la paix et la réconciliation nationale a pour objectif le blanchiment de certains islamistes et un nombre d'officiers, ce qui est susceptible de renforcer la position de Bouteflika pour opérer un amendement sur la constitution, de manière à ce qu'il pourrait rester président de la République à vie".
    Aït Ahmed estime que l'édification de l'Etat algérien avait été mal entamée, depuis l'aube de l'indépendance, en affirmant que les tragédie que l'Algérie a connu jusqu'à maintenant à pour origine la mauvaise gestion du pays, durant ces trois décennies, générant violence et assassinat.


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