• Contrairement aux généralités indiquées sur le site internet (4 - 5h de travail journalier en moyenne), Michele attend de nous 7h de travail par jour - à vrai dire je n'avais pas songé à lui poser la question quand nous nous sommes mises d'accord, et de toute façon c'est la seule personne qui avait accepté de me prendre sans références et assez tard dans l'année - et nous prenons notre service à 9h chaque matin.

     

    Je ne suis pas la seule travailleuse, il y a aussi Marie (ma compagne de chambre, qui est encore là pour une semaine) et Claudine, qui travaille à l'année ici depuis 2 ans. Pas de chance pour ma première journée, elles sont toutes les deux en congé donc je suis la seule à être réquisitionnée. Michele prépare deux jardins d'exposition (Utopia et Dystopia) pour un festival qui démarre le samedi matin et est complètement sous pression car quasiment rien n'est encore fait. Pour ce premier jour nous commençons par écumer une jardinerie où elle met de côté les plantes qui l'intéressent et qui seront livrées directement sur le site ; cela nous prendra presque 3h et nécessitera une camionnette.

    A notre arrivée sur place je découvre une sorte d'enclos réalisé en osier par des bénévoles, mais comme Michele ne le trouve pas assez haut je passerai des heures (sous la pluie par intermittence) à le surélever, puis à y insérer des branches verticales. N'ayant pas ma montre je n'ai pas trop la notion du temps qui passe et d'autre part je n'ose pas vraiment réclamer de pause ; ce n'est qu'un peu avant 17h que Michele m'appelle enfin pour le lunch, pas étonnant que je crève la dalle ! Naïvement je pense que ce rythme exigeant me permettra de rentrer d'autant plus tôt le soir - et surtout de ne pas avoir à revenir ici plusieurs fois - donc je coopère sans protester. La journée me semble bien longue car nous ne rentrons qu'à 19h30…

     

    Le jour suivant je commence à faire grise mine intérieurement à l'idée de ne pas pouvoir passer une journée cool avec Claudine et Marie, qui restent travailler toutes les deux chez Michele alors que moi je dois retourner seule avec elle à ce p… de festival. Je continue mon ouvrage d'osier - je dois ajouter une bande horizontale et une arche - avec bien du mal à satisfaire mon exigeante patronne et commence à avoir sérieusement mal aux doigts. Ce jour-là le lunch est expédié en 15 minutes à peine mais, toujours motivée par l'idée d'en finir le plus vite possible avec cette corvée je me remets au travail sans rechigner. Petit détail révélateur de l'état d'esprit de mon aimable et chaleureuse employeuse : pour la réalisation de l'arche je dois monter sur le tronc d'arbre, peu fiable car il a tendance à rouler en arrière, donc Michele essaie de le caler. Je lui dis de ne pas s'inquiéter pour moi car je ferai bien attention, et c'est alors qu'elle me répond qu'elle ne voudrait surtout pas que je tombe sur les plantes entreposées tout près car je les abîmerais…

     

    Le jeudi c'est la fête car nous partons toutes les quatre travailler sur le site du festival, et la compagnie de Marie et Claudine change tout ! Cette fois je travaille davantage sur Dystopia : je dois accrocher du lierre sur les traverses en bois de façon naturelle et artistique en me montrant "créative" ; Claudine de son côté doit disposer des herbes sèches dans l'enceinte du jardin mais comme ce n'est jamais au goût de Michele - qui changera d'avis plusieurs fois sur la disposition - elle recommence 5 fois, ce qui lui donne l'occasion de m'apprendre quelques jurons, parler de notre conditions d'"esclaves" et chanter un Gospel

      

    Avec Marie nous faisons aussi la navette avec les brouettes pour charrier des woodchips :

      

    Ambiance détendue grâce aux filles, nous prenons des vraies pauses : un quart d'heure matin et après-midi, et 1h pour le lunch - un vrai luxe - et interrompons parfois nos activités pour parler gaiement entre nous ; malheureusement cela ne passera pas inaperçu et ne sera pas sans conséquences funestes…

    A la fin de la journée, Utopia commence à prendre forme :

     

    Le vendredi est une journée horrible ; pour commencer Michele m'annonce au petit-déjeuner que "ce n'est pas parce qu'on est plus nombreux qu'on travaille forcément plus car il y a des bavardages" et que pour cette raison je retournerai seule avec elle au festival. En plus de ça j'ai chopé la crève avec ce bloody f… british weather où de maigres éclaircies ensoleillées alternent avec de véritables douches - l'appellation anglaise n'est vraiment pas usurpée. Et pour couronner le tout j'ai passé la nuit à tousser et faire de l'asthme, autant dire que je n'ai pas du tout récupéré. Je pars donc là-bas comme à l'abattoir…

     J'aurai des activités assez différentes au cours de la journée : préparer des zones de plantation, prolonger la structure en willow pour y intégrer la nouvelle arche, et le pire de tout, réaliser un "brouillon" grandeur nature sur papier de deux citations (une en anglais, l'autre en gallois) qui devront être peintes sur les tôles de Dystopia - évidemment j'aurai à le refaire plusieurs fois, ce qui me permettra de roder les jurons appris la veille :

      

    Ce soir-là nous rentrerons à 21h30 mais c'est fini pour moi : Michele reviendra seule le lendemain pour d'ultimes finitions tandis que je prendrai mon time off bien mérité !

    Bien que je déteste maintenant l'idée même de festival, quelques rayons de soleil ont parfois éclairé ces journées moroses : de brefs échanges - vite interrompus par les regards de "la patronne" - avec des passants inconnus ou avec Rolley l'organisateur et le gentil Lenny du "jardin d'à côté" :

    Ledit Lenny qui s'amuse le dernier jour à brancher la dynamo de son vélo sur un électrophone avec des hauts-parleurs, qu'on entend dans toute la zone dès qu'il se met à pédaler :

      

                 version zombie                                         version normale 


    votre commentaire
  • Le cadre dans l'entrée (est-ce une allusion à l'esprit dictatorial de Michele ?) :

     

     

    Le vélo dans la douche :

    j'avoue pour ma part être assez jalouse de mon intimité pendant ce moment et avoir farouchement refusé de le partager avec quiconque dans cette maison, fût-ce un vélo ; pour cette raison j'ai toujours préféré la salle de bains de l'étage dont l'usage de la baignoire était strictement réservé aux personnes ayant l'intention de se laver.

     

    Les trésors de l'arrière-cuisine :

      

    Ces photos méritent une explication détaillée : Michele est une vraie maniaque du recyclage et de la récup' et une wwoofeuse a même mentionné dans le Livre d'Or un stress important lié aux 6 poubelles différentes dans la maison - et encore elle était nettement en-dessous de la vérité. Il faut en effet récupérer, séparément bien sûr :

    - les déchets alimentaires ou végétaux qui seront consommés par les poules (sur le plan de travail à droite de la gazinière, la difficulté étant d'identifier le récipient qui n'est pas toujours le même ; or les poules sont apparemment difficiles et ne DOIVENT pas consommer certains aliments, allez savoir pourquoi…),

    - les coquilles d'œufs, qui doivent être lavées puis séchées au four avant de subir un pilonnage en règle pour être réduites en poudre et ensuite utilisées je ne sais plus trop comment ni pourquoi au jardin (dans un plat du four parfois dans un four ou dans le placard sous les fours, s'il ne traîne pas tout bonnement sur le plan de travail à gauche de l'évier),

    - les épluchures destinées au compost (poubelle métallique sur le sol à droite de la gazinière, généralement déjà pleine à déborder) (la poubelle, pas la gazinière) (quoique, parfois…) ,

    - les bocaux en verre avec leurs couvercles et les récipients en plastique qui seront réutilisés par la suite (à entreposer, pour les laisser finir de sécher une fois lavés et essuyés, sous le plan de travail à gauche de la gazinière, les principales difficultés étant de tout caser sans rien casser ni faire tomber, un vrai défi certains jours étant donné l'impressionnant taux de remplissage du lieu, et de réassortir les récipients et leurs couvercles),

    - les objets métalliques , lavés et séchés bien sûr (dans une caisse en plastique dans l'arrière-cuisine, visible sur la photo de droite)

    - les emballages en carton non réutilisables dans le jardin ; je précise que je n'ai jamais réussi à appréhender pleinement ce critère mystérieux et me suis donc limitée la plupart du temps à laisser traîner tous les cartons près de la gazinière (même lieu de stockage que les objets métalliques),

    - reste à préciser que, pour des raisons qui me sont restées obscures, certains types de papier et carton léger peuvent également - et par conséquent doivent - être mis au compost, tandis que d'autres sont au contraire destinés au poêle du salon pour allumer le feu, ce qui implique une catégorie supplémentaire dans cette liste,

    - les cendres de bois qui seront utilisées pour enrichir la terre (dans un seau métallique dans la véranda),

    - les bouteilles de lait en verre, à laver consciencieusement bien sûr (pour ma part, en ayant vu dès les premiers jours traîner sur le plan de travail à gauche de l'évier, j'ai décrété que telle était leur place et j'y ai toujours entreposé celles auxquelles j'ai eu affaire)

    - le plus savoureux de tous : les capsules métalliques de ces mêmes bouteilles de lait, qui font l'objet d'une attention particulière et doivent donc être entreposées à part, dans l'énorme récipient que vous apercevez sur la photo de gauche, ceci bien évidemment après avoir été lavées (à la main ou au lave-vaisselle, si si !) et séchées,

    - le plus hallucinant : les déchets en plastique ; je ne me rappelle plus bien s'ils doivent être séparés en 2 catégories distinctes, celles des plastiques durs et celle des plastiques mous ; dans le doute laissons-les en former une seule pour ne pas allonger de façon artificielle cette liste déjà conséquente. Est-il nécessaire de préciser que tous doivent être lavés et essuyés, jusqu'aux emballages de cheddar, de brie ou de roquefort qu'il n'est pas rare de retrouver dans le lave-vaisselle !!!

    - enfin, les déchets qui n'entrent dans aucune des catégories précédentes et se retrouvent dans la poubelle-rubish.

     

    Comptez tous les tirets… n'est-ce pas impressionnant ? On est bien au-delà de 6 ! Et encore, ils ne gardent pas les bouchons des bouteilles en plastique -mais pour ne pas aggraver le phénomène ni compliquer encore un peu plus la tâche des pauvres travailleurs présents et à venir, je n'ai pas voulu aborder cette question…

     

    Enfin, le pompon du pompon, l'affichage près des toilettes dans la salle de bains d'en bas :

    Oui, vous avez bien lu, on vous prie aimablement d'aller faire caca dans la cabane du jardin !!!

    Alors là, tout mais pas ça, d'ailleurs le rythme de mes intestins ne s'y prêtera pas car le moment venu (le matin au lever, pour ne rien vous cacher) je serai encore en pyjama, et alors pas question de m'aventurer dans cette tenue dans le jardin, sous la pluie et au milieu des orties, jusqu'à ladite cabane !


    votre commentaire
  • Trajet sans histoires en car de Londres à Cardiff, avec le passage de l'estuaire de la Severn (oui oui, c'est bien de l'eau qui coule sous le pont et non de la boue):

     

    Arrivée à Cardiff, je peine à trouver mon chemin pour la gare - ou plus précisément à repérer sur la mini-carte de mon guide Michelin Angleterre-Pays de Galles (plus de 700 pages quand même, pas du tout pratique !) - l'endroit où je me trouve ; un obligeant monsieur harponné dans la rue me remettra sur la bonne voie. Une fois arrivée à la gare, au guichet où je dois acheter mon billet, je suis durement confrontée à l'accent gallois dans toute sa splendeur et mon interlocuteur, pris de pitié, finira par m'écrire sur un papier la destination de mon train, le nom de mon arrêt, le numéro du quai ainsi que les heures d'arrivée et de départ :

      

    Il omet de me préciser un détail de la plus haute importance, totalement ignoré par la voyageuse novice que je suis : sur cette même voie se succèderont, à quelques minutes d'intervalle seulement, différents trains pour des destinations n'ayant rien à voir avec celle qui m'intéresse !

     

    J'arrive tout de même à prendre le bon train et à descendre au bon arrêt, reste maintenant à suivre les instructions de Michele pour trouver sa maison :

    Précisons que le pub en question a complètement changé de nom et que les adresses ici ne comportent pas de numéros (c'est quand même bien pratique d'avoir des maisons numérotées, ça permet de savoir si on est du bon côté de la rue et si on approche du but) mais, ouf, sauvée, les 2 chevaux sont à leur poste comme prévu dans le champ et j'arrive à bon port :

    Bon, des observateurs perspicaces pourraient remarquer un peu de laisser-aller dans l'entretien de cette partie du jardin, mais ce n'est rien à côté du reste… Préparez-vous à un choc !

     

     

    Je suis d'accord, on se croirait chez un ferrailleur et ce n'est absolument pas l'idée que je me faisais du jardin d'une gardendesigner qui soi-disant accueille des groupes pour des démonstrations de permaculture

      

      

     

    L'intérieur de la maison n'est guère dans un meilleur état certains jours, heureusement que la femme de ménage vient tous les lundis pour limiter les dégâts !

    La cuisine :

    La salle à manger, avec vue sur le bureau de Michele :

    Dans l'escalier il y a toujours tout un tas de choses accrochées : du linge à sécher (forcément, avec le temps…) mais aussi des oignons, de l'ail, etc…

     

    La seule pièce de la maison toujours en ordre, le salon (qui redonne à droite sur la véranda) :

    La chambre que je partage avec Marie qui dort dans le lit-mezzanine (dont le maillage du sommier est très pratique pour suspendre des affaires et accrocher notre lessive) ; vous pouvez apercevoir mon lit au sol :

      

    oui, vous avez bien vu, il s'agit bien d'un… matelas pneumatique ! Cela dit malgré mes 44 ans et des journées de jardinage intensif ce n'est pas le couchage à proprement parler qui posera le plus de problèmes…

     

    La palme du rangement revient cependant sans conteste à Aaron, le fils de la maison (16 ans).

    (pour éviter tout risque de représailles Marie et moi avons pris ces photos dans le plus grand secret une fois la maison vidée de tous ses occupants) :

      

    Quelques précisions sur cet aimable jeune homme : comme vous pouvez le voir sur la photo de gauche, le panier de linge sale se trouve juste à l'entrée de sa chambre ; je vous laisse admirer la subtile répartition de son linge sale…

    Quant à la 2è photo… non Marie, ce n'est pas un extincteur mais une bouteille pour faire de la plongée ! Et la carabine que vous apercevez n'est malheureusement pas un jouet ; lors de mon séjour il arrivera que Monsieur aille s'offrir un petit carton dans le jardin (fort heureusement quand nous n'y sommes pas), parfois même à proximité de la serre ou de la véranda.


    votre commentaire
  • Comme convenu la veille quand j'ai appris que Robert allait au temple le dimanche (quelque chose d'inconnu à découvrir, à défaut de la vie quotidienne d'une famille anglaise typique), nous partons à 9h45, lui à vélo (pliant, presque "de poche" pour pouvoir prendre les transports en commun… quand ils ne sont pas trop perturbés par les J.O !) et moi à pied jusqu'à l'arrêt de bus, puis finalement jusqu'au métro. Comme il fait beau et chaud depuis 2 jours j'ai allégé mon sac pour garder juste mon écharpe légère et mon parapluie.

     

    Arrivée sur place, je vais de surprise en surprise : la messe aura lieu dans l'"annexe" de l'église, qui n'est autre qu'un… cinéma ! Et pour commencer, l'accueil de tous les arrivants se fait en leur offrant de quoi manger : pommes et boissons, ainsi que toutes sortes de gâteaux et de pseudo-viennoiseries - à volonté et gratuitement. Je suis très raisonnable, ayant breakfasté peu de temps auparavant, mais certains se bâfrent littéralement, on dirait qu'ils prennent là leur seul repas en plusieurs jours !

     

    Robert m'emmène dans la salle, et là, que vois-je sur la scène ? Un orchestre - 4 chanteuses, 1 clavier, 2 guitares électriques et une batterie - et un écran (évidemment puisqu'on est dans une salle de cinéma) sur lequel s'affichent les paroles des chants religieux. Et ça swingue méchamment car tout ce monde-là, ainsi que les participants dans la salle, danse en chantant ! Tout cela est très éloigné de l'atmosphère compassée qui règne en maître lors des offices catholiques. Je n'ai évidemment pas osé prendre de photos pour ne pas choquer ces gens mais je le regrette car tout ce que j'ai vu valait vraiment le coup d'œil.

     

    Après plusieurs chants repris en boucle nous avons droit à des "discours" de divers intervenants dirigeant des "prières à thèmes" puis, retransmis en direct sur le grand écran, au prêche du pasteur. On se croirait aux USA dans une communauté noire, cela a vraiment tout du show à l'américaine - sans oublier le démarchage : l'incitation, très directive et répétée, à remplir les enveloppes pour les offrandes. Je regrette maintenant de ne pas en avoir emporté une mais je ne voulais pas attirer l'attention sur moi ni mettre Robert dans l'embarras, il est apparemment assez connu dans la communauté. On peut glisser dans ces enveloppes des billets ou des chèques, mais on peut également écrire SUR l'enveloppe toutes les coordonnées de sa carte bancaire, on peut dire qu'ils n'y vont pas par 4 chemins !!! Et les récipients utilisés pour faire la quête n'ont rien à voir avec les modestes paniers en osier de nos églises, non, il s'agit de grands seaux en plastique (comme pour faire le ménage) !

     

    Autant le dire, je n'ai pas été touchée par la grâce et reste très suspicieuse quant aux intentions de ce pasteur, de plus l'office me semble interminable (plus de 2 heures).

     

    Détail de Blinde typique : à ma sortie du ciné - pardon, du temple - le temps a radicalement changé et je me retrouve grelottant sous la pluie…


    votre commentaire
  • Bon, attaquons le morceau. Il y aurait tellement à dire que je me sens démunie. Tout d'abord je prie le ciel et tous les dieux anglais / français / indiens et japonais que mes hôtes ne posent jamais les yeux sur cet article car tous deux parlent français parfaitement.

    C'est d'ailleurs pour cette raison que je n'ai pas osé parler d'eux en toute franchise dans mon carnet de voyage tant que j'étais chez eux… ni même après car il n'était pas exclu que je les revoie le jour de mon retour en France et qui sait ? avec la chance que j'ai ils auraient peut-être pu tomber sur mon journal - bon je ne vois vraiment pas comment mais cette perspective effroyable me faisait tellement frémir d'horreur que je n'ai pas voulu prendre le moindre risque et n'ai finalement rien écrit de terrible sur eux. Par contre, une fois rentrée je n'y ai plus repensé et du coup mon carnet est incomplet, ce qui est fort dommage car certains détails me paraissent maintenant flous et je ne parviens plus à retrouver dans ma mémoire tout ce qui contribuait au malaise que j'ai ressenti à l'époque.

     

    Tout commence à mon arrivée à Londres : je descends du car à 5 h 12 à Victoria Coach Station (presque 2h d'avance sur l'horaire prévu !) et décide d'attendre sur place pour ne pas arriver trop tôt chez mes hôtes. Robert (avec qui j'ai échangé pas mal d'e-mails) m'a écrit qu'il était debout dès 7 h du matin donc je quitte la gare routière à 6 h 30, armée bravement de mon plan Michelin de Londres (simplifié d'ailleurs, il manque plein de noms de rues là-dessus mais il est petit et maniable) et traînant mes bagages ; au passage je constate que je me suis lourdement trompée en pensant pouvoir traîner ma valise à roulettes ET mon gros sac posé dessus ; je dois donc changer mon fusil d'épaule et, justement, porter ce sac que je regrette d'avoir tant chargé, alors que j'ai déjà un petit sac à dos et mon sac à main en bandoulière. J'arrive devant la porte de Robert avant 7 h - mais est-ce bien chez lui ? Contrairement aux autres portes il n'y a ni numéro ni nom indiqué pour le confirmer ; comme je ne perçois aucun signe d'activité à l'intérieur je n'ose ni sonner ni frapper, de peur de réveiller les autres occupants. En effet Robert ne vit pas seul mais avec sa fiancée Yuko et il s'occupe au quotidien d'un vieil homme (John) de 80 ans chez qui il est logé gratuitement en contrepartie. Je finis par envoyer un texto à 7 h 45 mais ne reçois aucune réponse. Je vois passer devant moi le laitier puis des voisins promenant leurs chiens ou partant travailler, et des tas de bus avant de voir arriver un cycliste. C'est Robert qui rentre chez lui !

     

    1ère  surprise : il me parle en français (il est franco-indien), donc je me suis cassé le … pour rien depuis des semaines à communiquer avec lui en anglais. 2ème surprise, de taille elle aussi mais pas vraiment rassurante, ses premiers mots : "Ah, Isabelle… mais… tu ne devais pas arriver demain ?"

     

    Glups ! En l'espace d'une seconde je me vois déjà en train de devoir trouver un hébergement en urgence dans une des villes les plus chères du monde, qui plus est la ville des J.O. , et ce le jour de la cérémonie d'ouverture !!!

     

    Mais Robert me rassure en me faisant entrer : mon arrivée "imprévue" (il a l'air encore plus Blinde que moi, je lui ai donné les dates plusieurs fois !) ne pose pas de problème. 3ème surprise : pas de John à l'horizon, atteint de la maladie d'Alzheimer il a fait une fugue (de plus) la semaine précédente et est désormais hospitalisé. Par contre je rencontre Yuko, par la voix de laquelle je découvre une 4ème surprise qui surpasse encore la 2ème :"Tu ne vas peut-être pas pouvoir rester ici car nous risquons d'être expulsés par les Services Sociaux puisque notre présence ici n'est plus justifiée par celle de John". Tout ça commence vraiment mal !

     

    Bon, finalement ils me garderont chez eux et je ne verrai pas débarquer les services municipaux pendant les 3 jours passés ici (mais j'apprendrai par la suite qu'ils ont dû déménager environ une semaine après mon départ).

     

    J'accompagne Robert pour promener le chien Mickey, un mignon petit terrier mais qui doit être LE SEUL chien hargneux de tout le Royaume-Uni : à chaque fois qu'un chien s'approche de lui pour le flairer et jouer avec lui, il l'agresse sauvagement en aboyant ou en tentant de le prendre à la gorge, et ce quelle que soit la taille de l'autre chien ! Robert doit à chaque fois intervenir pour les séparer car Mickey ne lâche jamais prise de lui-même.

     

    De retour à l'appartement, j'offre mon cadeau à Robert (une bonne bouteille, choisie et fournie avec amour par mon père). Je le sais amateur de vin, il participe à des "challenges" et écrit même des articles dans un magazine spécialisé. Mon cadeau va donc rejoindre les quelque… 1 000 bouteilles de sa collection !

     

    Robert est très généreux : il me confie une clé de l'appart', me prête une Oyster Card avec du crédit dessus, et même un portable anglais pour que je puisse l'appeler ou être jointe gratuitement en cas de problème !

     

    Mais j'ai beau ne pas être une fée du logis, je suis horrifiée par l'état de crasse des lieux : dans ma chambre je peux voir sur le sol les traces de mes pas dans la poussière et je commets un jour l'erreur (fatale) de marcher nu pieds dans la salle et la cuisine ; en moins d'une minute je me retrouve alors avec les pieds tout collants et presque noirs. Les draps de mon lit ont vu passer pas mal de surfeurs de mon genre (Robert étant très hospitalier, il en héberge souvent) dont certains apparemment ont commis comme moi l'erreur de marcher nu pieds mais ont préféré ensuite les nettoyer en les frottant dans le lit au lieu de les laver ; je peux même sentir comme des petites boulettes sur le drap au niveau des pieds… Il y a en permanence une tonne de vaisselle à traîner dans le coin cuisine, et ce n'est pas toujours facile de faire la distinction entre la sale et la propre. Une cuvette remplie d'eau de vaisselle reste à demeure dans l'évier, apparemment la même eau sert plusieurs fois avant d'être récupérée pour arroser le petit potager dehors.

     

    Autre détail gênant pour moi : la porte de la salle de bains, où se trouvent aussi les toilettes, ne ferme pas à clé ; évidemment c'est pour permettre de secourir John en cas de problème mais je déteste ça ! (demandez à Bertot, il s'amuse toujours beaucoup à me causer des frayeurs en faisant semblant d'entrer quand je suis dans leurs toilettes ou leur salle de bains)

     

    Je n'arrive pas à comprendre en quoi consiste le travail de Robert, par contre il a un hobby particulier : il fait la tournée des magasins vendant des plats à emporter et récupère ceux dont la date limite de consommation trop proche les empêche d'être vendus ; il les redonne ensuite à des associations de quartier qui viennent en aide aux personnes démunies, après avoir gardé ce qui l'intéresse et peut tenir dans son frigo. D'une part il consacre plusieurs heures chaque jour à cette collecte et d'autre part je ne mangerai que de la nourriture "fraîche" en barquettes lors de mon séjour !

     

    Chose que je déteste, Robert réprimande parfois sa compagne en lui faisant la leçon comme à une gamine, même devant moi. Il se lance aussi parfois dans de longues diatribes où il se pose en victime du système, est souvent un brin moralisateur et peut changer totalement d'avis plusieurs fois de suite en un temps incroyablement court. Yuko quant à elle est complètement gaga du chien et lui passe tous ses caprices, alors que lui ne se gêne pas pour lui grogner après, ce qui la fait rire. Tout ça n'est pas bien grave mais crée une atmosphère très bizarre. Je me sens assez ingrate de critiquer ces gens qui m'ont accueillie si généreusement mais j'avoue avoir été soulagée 1) quand je suis partie, 2) en ne les voyant pas débarquer à Cardiff alors qu'ils en avaient apparemment l'intention, 3) en ne les retrouvant pas à Londres lors de mon voyage de retour, et 4) en ne recevant pas (jusque-là, je croise les doigts pour que ça dure) de demande d'hébergement de leur part...


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires